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«Plus qu'un accessoire de mode, le masque va devenir un accessoire essentiel», selon le chasseur de tendances Vincent Grégoire

Pour Vincent Grégoire, chasseur de tendances pour le bureau de style Nelly Rodi, le masque de protection pourrait s'inscrire durablement dans les habitudes des citoyens européens et devenir un accessoire de mode. Pour Vincent Grégoire, chasseur de tendances pour le bureau de style Nelly Rodi, le masque de protection pourrait s'inscrire durablement dans les habitudes des citoyens européens et devenir un accessoire de mode. [DR ]

Accessoire de première nécessité, les masques de protection home made fleurissent sur la toile. Conçus à l’origine pour se protéger, les modèles graphiques se multiplient. Alors même que les marques de prêt-à-porter se sont, elles aussi, mobilisées pour produire des masques destinés aux soignants, pourrait-il devenir un accessoire de mode à part entière ?

Vincent Grégoire, chasseur de tendances pour le bureau de style Nelly Rodi, fait le point sur cet accessoire qui pourrait devenir un incontournable dans les dressings européens. 

Comme la marinière conçue pour sauver la vie des marins tombés à la mer, le masque pourrait-il devenir le futur accessoire de mode ? 

Plus qu’un accessoire de mode, le masque va devenir un accessoire essentiel. Il était déjà dans l’air du temps. Les équipementiers sportifs se l’étaient déjà en partie appropriés avec la tendance capuche, col roulé. Cette tendance va s’amplifier. Jusqu’alors, c’était un outil de transgression adopté par les black blocs, les survivalistes pour lutter contre la pollution, il peut devenir un objet de désir. Les influenceurs avaient également déjà adopté la culture du masque avec notamment les filtres.

De toute façon, on va devoir en porter, alors autant en faire un bel objet. Ce qui est intéressant, c’est que tous ces talents qui se réfugiaient derrière des masques comme Daft punk ou ceux qui avaient adopté les masques pour contrer la reconnaissance faciale, comme lors des manifestations à Hong Kong ou au Venezuela, et bien tout d’un coup, l’establishment récupère cette tendance.  

Comment les citoyens vont-ils se l’approprier ?  

Il va y avoir du détournement. Il va falloir évacuer le côté anxiogène de cet accessoire. Il va devoir être porteur de bonnes ondes pour sortir de son utilité dramatique. Le masque blanc va être détourné avec fantaisie. Les tricots Saint James ont lancé pour les soignants des modèles « marinière » (conçus à base de leurs stocks de tissu ndlr), d’autres marques de jean ont utilisé les doublures des poches de jeans.

Jusqu'alors, le masque était un objet de transgression. Il va devenir un objet de désir.

Vincent Grégoire

Toutes les tendances vont être représentées. Chacun choisira son camp. Les naturalistes privilégieront les motifs écolos, les bohèmes, les motifs folk… Les masques seront assortis à nos tenues. Il y aura le masque du lundi, du mardi, du mercredi… cela pourrait devenir comme les culottes fantaisie.  

Les marques de luxe cèderont-elles à cette tendance ?  

Pour les marques de luxe, ce sera plus compliqué. Elles ne voudront pas être taxées de récupération. Mais elles risquent d'être obligées parce qu’en Extrême-Orient, c’est un véritable business. Ce sera l’accessoire qu’il faudra avoir dans les collections, comme les sacs à main. En revanche, ce sera plus dommageable pour les fabricants de maquillage. On va pouvoir sortir sans botox ! 

Doit-on s'attendre à ce que les Occidentaux portent le masque comme dans les pays d’Asie ?

En Extrême-Orient, ils ont déjà cette culture et nous allons adopter cette tendance. D’ailleurs cela a déjà commencé avec des citoyens qui les cousent eux-mêmes. Mais l’approche est très différente en Asie. Les Asiatiques mettent des masques quand ils sont malades, pour ne pas contaminer les autres. En Europe, c’est tout l’inverse. L’idée est de s’épargner. On ne veut pas que les gens malades viennent nous contaminer. Le masque est porté comme une armure, comme une posture de défense. En Asie, il est utilisé comme une marque de politesse, de respect.

En Europe, le masque est porté comme une armure (...) En Asie, comme une marque de respect.

Vincent Grégoire

D’ailleurs, même en Europe, les approches peuvent être différentes. Le nord, les pays scandinaves, l’Allemagne ne confinent pas, par exemple, de la même façon qu’en France, en Italie et en Espagne. Culturellement, nous ne sommes pas sur la même longueur d’onde. La mode dans le sud est une mode de séduction alors que la mode dans le nord est plus pragmatique. Elle résout des problèmes. 

En Occident, voyez-vous cet accessoire s’installer durablement ? 

Dans les cultures latines, qui sont des cultures du contact, de sourire, de tchatche ce sera peut-être compliqué. Pour l’instant, nous sommes dans une phase de résistance. Nous nous adaptons, nous bricolons des masques. Après il y aura une phase de résilience, où nous allons panser les blessures. Enfin, il y aura une phase de renaissance où nous allons essayer de retrouver la vie d’avant, où l’on se touchait, s’embrassait.  Donc il va falloir être créatif. Le nord de l’Europe risque de le conserver. Dans le sud, ceux qui vont le garder ce sont les hypocondriaques. Nous n’avons pas cette culture de l’autre, de solidarité.

Cela dit, les filtres sont déjà entrés dans l’univers de la maison. Nous filtrons l’air, le son, les bactéries. Même dans nos vies, nous filtrons les publicités, les informations, les gens sur Facebook. Symboliquement, cette tendance de filtres est déjà entrée dans nos mœurs. Alors si les gens doivent porter le masque, ils vont essayer d’être créatifs. D’autant que tous les scientifiques le constatent. Tous les dix ans, il y a une pandémie, il va falloir s’habituer. Le masque est un accessoire qui pourrait devenir récurrent. 

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