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"Nous sommes chaque jour des créatures moralement compromises"

Richard Gere au 6ème festival de cinéma d'Abu Dhabi, le 11 octobre 2012 [Marwan Naamani / AFP]

Avec une force tranquille, Richard Gere s’est tracé une carrière cinématographique brillante. Cette saison, il revient sur les écrans avec Arbitrage, premier long métrage d’un jeune réalisateur qui lui offre un rôle d’homme ambigu, magnat de la finance pris à la gorge par de mauvais choix, et que l’acteur américain a choisi d’interpréter avec humanité.

 

Ce magnat de la finance, Robert Miller est un personnage complexe et ambigu…

Mes amis étaient furieux que je joue un homme aussi méprisable qui pense que l’argent et le pouvoir vont régler tous ses problèmes. Mais malgré les choix qu’il peut faire, on n’arrive pas à le détester complètement. J’ai choisi d’interpréter ce personnage comme un être humain qui fait de mauvais choix, et non comme un véritable méchant. Ainsi, le spectateur pouvait s’identifier à lui. D’une certaine façon, Robert Miller est un miroir pour nous. A travers lui, on comprend que nous sommes tous des créatures mouvantes, chaque jour moralement compromises.

 

Vous étiez réticent à l’idée de jouer dans un premier film... Qu’est-ce qui vous a convaincu d’accepter le rôle finalement ?

En effet, j’étais complètement contre au début, parce que par le passé, j’ai eu une mauvaise expérience sur un premier film. Mais, là, le scénario était vraiment très bon et je me suis dit que je pouvais au moins rencontrer celui qui avait écrit un tel script. Nous nous sommes donc vu deux fois à quelques jours d’intervalle et j’ai senti que Nicholas (Jarecki, ndlr) avait le cinéma dans le sang.

Ce qui est primordial chez un réalisateur parce que faire un film est déjà si dur qu’il faut avoir ça dans la peau. Il est habité par une ténacité hors norme. J’ai vu que s’il nous arrivait de rater une prise, il trouverait une solution pour retourner la scène coûte que coûte parce que l’échec n’était pas une éventualité pour lui. D’autre part, j’ai senti qu’on pourrait travailler ensemble, que nos personnalités s’assortiraient bien, que je ne l’intimidais pas trop. Et ses idées à propos du casting correspondaient aux miennes pour s’entourer de personnes créatives. Alors j’ai accepté et j’ai eu raison parce que j’adore le film. On a fait du bon boulot et ça n’a pas été facile.

 

Dans le film, votre personnage a du mal à se faire à l’idée de vieillir. Qu’en est-il pour vous ?

Oh mais moi je ne vieillis pas, je rajeunis chaque jour un peu plus ! (rires) En fait, il n’y a que quand je me blesse que je m’aperçois que je prends de l’âge parce que ça me prend deux fois plus de temps qu’avant pour guérir. D’ailleurs, j’ai une blessure à l’épaule qui m’embête encore alors que ça fait six mois que je me la suis faite. A vingt ans, ça aurait été fini en quelques jours. Il est vrai que je me rends compte que mon corps change radicalement. En revanche, mon esprit est beaucoup plus ouvert que quand j’étais enfant.

 

 

 

La méditation vous aide-t-elle à relativiser ?

Pour une grande partie. Je médite au moins une heure par jour. Parfois plus. La méditation est un apprentissage. C’est comme apprendre à jouer du piano. Il faut jouer de nombreuses années avant de savoir bien jouer, avant de réussir à accéder à ces choses qui sont enfouies en nous-mêmes. Mais on peut déceler quand même au jour le jour des signes de progression. On s’aperçoit que la colère s’évanouit petit à petit, qu’on acquiert plus de patience. On s’ouvre aux expériences. On juge moins. On accepte davantage les choses.

 

Le monde de la finance vous était-il familier ?

Je suis issue d’une famille de la classe moyenne. Et quand j’étais enfant, mon père avait deux métiers pour nous faire vivre. L’argent n’était donc pas quelque chose de familier pour moi, même si aujourd’hui j’ai plus d’argent que jamais je n’aurai imaginé en avoir. Mais ce film ne parle pas seulement des sphères financières. Il aborde les compromis que chacun est amené à faire au cours de sa vie. C’est un film très contemporain dont les thèmes sont intemporels.

 

Tout le monde peut devenir Robert Miller alors ?

On a tous en nous une part de Robert Miller. Cela vient en partie du fait qu’on ignore la réalité des choses. On croit tous qu’on vit dans des mondes cloisonnés, et l’on oublie la connexion des choses et des gens.

 

Arbitrage pointe du doigt certains responsables de la crise économique aux Etats-Unis…

Je ne crois pas que cela concerne uniquement les Etats-Unis. Ces fonds spéculatifs sont internationaux. Les plateformes financières sont connectées entre elles. Si les Etats-Unis et l’Europe s’étaient totalement effondrés, la Chine se serait également écroulée. L’idée des barrières nationales est absurde. Ces personnes nous font croire qu’ils ont la formule pour faire de l’argent et créer des richesses. Mais ce n’est qu’un tour de magie qui fonctionne pour les gens qui y croient. On leur a donné trop de pouvoir, on a cru en eux et c’est pour ça que ça n’a pas fonctionné.

 

Ce film vous permet-il de dénoncer ces agissements ?

Mon métier est de rendre cette histoire crédible, de faire de ce personnage quelqu’un d’humain, d’explorer le parcours émotionnel de ces gens de pouvoir qui semblent contrôler nos destinées. Notre langage est le cinéma.

 

Dans Arbitrage, vous jouez au côté de Laëtita Casta ?

C’est une femme extraordinairement belle. Sa beauté n’est pas seulement plastique. Elle est bourrée de qualités. Elle n’avait que quelques scènes, que très peu de temps pour faire passer les émotions et je trouve qu’elle s’en est magnifiquement sorti.

 

Quand vous pensez à votre carrière, y’a-t-il un personnage que vous préférez ?

Non, parce que chaque pas est important parce que c’est celui qui nous conduit à la suite de l’aventure. Chaque foulée a du sens.

 

 

"Arbitrage" de Nicholas Jarecki (USA, 1H46) avec Richard Gere, Susan Sarandon, Tim Roth : Robert Miller est l'un des magnats les plus puissants de la finance new-yorkaise. Fort d'une réussite exemplaire, entouré de sa femme, Ellen, et de ses enfants, il incarne à lui seul le rêve américain. Pourtant, au-delà des apparences flamboyantes, Miller est piégé. Il doit à tout prix vendre son empire à une grande banque avant que l'on ne découvre l'ampleur de ses fraudes.

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