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Sandrine Bonnaire, entre gravité et tendresse

Sandrine Bonnaire au festival de Venise 2009[CC/Nicolas Genin]

Muse de Maurice Pialat dans les années quatre-vingt et quatre-vingt dix, Sandrine Bonnaire multiplie aujourd’hui les talents. Actrice et désormais cinéaste, elle a réalisé deux films d’inspiration autobiographique. En 2007, elle présentait à la Quinzaine des réalisateurs du festival de Cannes un portrait sensible dédié à sa sœur autiste.

 

Archive – Article publié le jeudi 14 juin 2007

 

Pour son premier film, un documentaire présenté à Cannes lors de la quinzaine des réalisateurs, Sandrine Bonnaire a invité le public à poser un regard bienveillant sur sa sœur et à s’interroger sur le quotidien de ceux qui souffrent d’autisme. Elle s’appelle Sabine, ou la vie au jour le jour de sa sœur cadette. Ce documentaire, Sandrine Bonnaire l’a tourné entre juin 2006 et janvier 2007, en Charente, au sein de l’APEC (Agir pour la protection, l’éducation et la citoyenneté), une association qui anime des structures spécialisées dans la prise en charge des troubles mentaux. Endroit insolite pour un film ? Un lieu évident pour Sandrine Bonnaire, puisqu’il s’agit d’aider sa sœur et de donner à réfléchir sur ces maladies mentales.

 

Jeu de miroirs

Sandrine suit sa sœur, sans épargner le spectateur et sans détourner les yeux, souligne la critique, lorsque cette dernière se montre violente envers elle-même et les autres. Sandrine, derrière sa caméra, dévisage sa sœur pour raconter son quotidien. Les seconds rôles, à qui le film rend aussi hommage, sont les autres pensionnaires, les aides-soignants, les éducateurs. Sandrine a mêlé aux images actuelles d’autres vidéos, venues de plus loin, des bribes de moments intimes. Des vidéos de l’époque passée et regrettée, avant le décès de leur frère aîné. Le souvenir d’un voyage à New York en Concorde, d’une villa au bord de la mer. La disparition de ce frère aîné, c’est le point de départ de la descente aux enfers de Sabine. Suivront cinq années d’internement dans un hôpital psychiatrique. Comment parler de cela, partager ? Sandrine raconte le calvaire de sa sœur et se raconte aussi.

 

Vidéo : Elle s’appelle Sabine, réalisé par Sandrine Bonnaire

 

 

Photo de famille

La réalisatrice présente sa sœur chérie, celle dont elle est la plus proches ; Sabine est de deux ans sa cadette. Que Sandrine Bonnaire parle de sa famille, cela étonne un peu, et pourtant, on est prêt à écouter, tant l’actrice est proche. Sa naturelle simplicité pourrait lui donner les traits d’un membre de la famille, ceux d’une cousine, un peu effacée, que l’on verrait rarement, mais que l’on recevrait toujours avec plaisir le dimanche à table. De ces repas de famille, Sandrine ne parle pas et pourtant elle est la septième de dix enfants. De ses proches, jusqu’alors on connaissait un peu le père, ajusteur – elle dit de lui « c’est un homme droit et lucide » – qui lui a permis de trouver un équilibre. A propos de sa mère, Sandrine est encore moins loquace. Elle raconte que cette femme, témoin de Jehovah, traumatisait ses enfants en leur annonçant régulièrement la fin du monde.

 

Vidéo : Bande-annonce d’A nos amours (Maurice Pialat, 1983)

 

 

Adieu le salon de coiffure

De l’Auvergne où elle est née, Sandrine Bonnaire passe son enfance dans la région parisienne, à Grigny, dans l’Essonne. A la maison, la télé reste allumée en permanence, personne n’y prête attention, les plus jeunes enfants, dont Sandrine et Sabine, s’inventent des jeux. Sur les bancs de l’école, Sandrine aligne des journées sans fin et difficiles; elle s’inscrit sans conviction dans un CAP de coiffure.

Sandrine a quinze ans lorsqu’elle se rend, presque par hasard, à un casting organisé par le père d’un ami. Cela va la conduire à faire de la figuration sur le film de Claude Pinoteau, La Boum 2 avec Sophie Marceau -. Elle fera aussi une apparition dans Les sous doués en vacances, de Claude Zidi. Deux expériences, rien de plus pour Sandrine. En revanche, quelques mois plus tard, elle accompagne une autre de ses sœurs à un autre casting. Maurice Pialat auditionne pour Les meurtriers. C’est Sandrine qu’il choisit, mais le film ne se fera jamais. L’histoire aurait pu s’achever là, mais Maurice Pialat qui ne l’a pas oubliée, va lui offrir le premier rôle dans A nos amours. Grâce à sa prestation, Sandrine Bonnaire obtient le César du meilleur espoir féminin en 1984. Sa carrière est lancée.

 

Vidéo : Bande-annonce de Police (Maurice Pialat, 1985)

 

 

Actrice fétiche de Pialat

Après la première récompense de la profession, les propositions se multiplient. Sandrine Bonnaire joue dans deux films de Marc Angelo, un polar, Tir à vue (1984) et une comédie romantique, Le meilleur de la vie (1985). Elle retrouve ensuite Maurice Pialat en 1985, pour Police. Cette même année, Agnès Varda lui offre le rôle intense, violent, presque physique, de Mona, fille rebelle à la dérive, dans Sans toit ni loi. Sandrine se place à la hauteur des espoirs que l’académie des César avait placé en elle, son interprétation lui vaut une confirmation, le César de la meilleure actrice. Sandrine enchaîne les films. Elle sera dirigée par quelques-uns des plus grands réalisateurs français. Jacques Doillon dans La puritaine (1986), Claude Sautet dans Quelques jours avec moi (1988), la même année par Patrice Leconte dans Monsieur Hire, au côté d’un énigmatique et surprenant Michel Blanc.

 

Vidéo : Sandrine Bonnaire dans Monsieur Hire (Patrice Leconte, 1988)

 

 

La palme d’or contestée

Tout au long de sa carrière, Sandrine Bonnaire s’est illustrée dans un registre plutôt sombre. Elle avoue elle-même que « son apparence doit évoquer la gravité ». L’un de ses plus beaux rôles, le plus retentissant peut-être, est celui qu’elle interprète dans Sous le soleil de Satan. En 1987, Maurice Pialat décide de porter à l’écran le roman de Georges Bernanos. La jeune Mouchette, adolescente perdue, meurtrière de son amant, prendra les traits de Sandrine, au côté de Gérard Depardieu transformé en abbé torturé, qui tente de résister à ses démons.

 

Vidéo : Bande-annonce de Sous le soleil de Satan (Maurice Pialat, 1987)

 

Sous le soleil de Satan - Bande annonce FR par _Caprice_

 

Le film est sélectionné à Cannes, face à Chronique d’une mort annoncée, de Francesco Rosi, Les ailes du désir de Wim Wenders, ou encore La Famille de Ettore Scola. Yves Montant préside le jury qui attribue la Palme d’or au film de Pialat. Une Palme contestée. Le réalisateur reçoit son prix sous les sifflets. Avec le sourire et beaucoup de panache, Pialat prononce une petite phrase cinglante : «Je vous remercie pour tous ces sifflets que vous m’adressez. Et si vous ne m’aimez pas, je ne vous aime pas non plus !» A l’époque, Michel Braudeau, journaliste au Monde, écrit : « Ne serait-ce que par l’interprétation, Sous le soleil de Satan est exceptionnel. Si l’on ajoute que le film en lui-même est totalement construit et maîtrisé, on ne voit pas par quelles manœuvres ou par quel aveuglement il pourrait échapper au public ». Le film en salle fera un peu plus de 815 000 entrés.

 

Vidéo : Sandrine Bonnaire dans Jeanne La Pucelle (Jacques Rivette, 1993)

 

 

L’aisance même

Les plus grands metteurs en scène français l’ont dirigée, mais son seul jugement pour évoquer sa carrière se résume dans cette formule sobre : « J’en suis assez fière et contente », ajoutant qu’elle a eu la chance de « commencer notamment avec Maurice Pialat, qui n’a jamais été tendre sur les tournages ». Deux autres rencontres importantes vont marquer sa vie d’actrice. En 1993, Jacques Rivette, impressionné par sa manière d’être à l’écran, la retient pour les deux volets de Jeanne la pucelle. Ils se retrouveront en 1997 pour Secret défense. La seconde rencontre a lieu avec Claude Chabrol, qui lui offre un de ses plus beaux rôles au cinéma. Dans La cérémonie (1995), elle joue une bonne à tout faire, analphabète, un personnage énigmatique, qui avec celui d’Isabelle Huppert formera un duo meurtrier. Pour ce film, le jury du prestigieux festival de Venise lui décerne le Prix d’interprétation.

 

Vidéo : Sandrine Bonnaire dans La Cérémonie (Claude Chabrol, 1995)

 

 

De la légèreté, des sourires

A la fin des années 1990, pour se montrer sous un autre jour – elle qui apparaît comme l’égérie du cinéma d’auteur – Sandrine Bonnaire s’oriente vers un cinéma plus «grand public». Elle tourne dans des comédies, pour Philippe Lioret et Patrice Leconte. Elle interprète le personnage d’un chirurgien pour une série télé, Une femme en blanc, et conforte une popularité incontestée. En 2004, Sandrine Bonnaire retrouve Lioret et Leconte pour des œuvres plus intimistes, L’Equipier et Confidences trop intimes, puis se retire deux ans. A son retour, elle manifeste une nouvelle fois son «envie de légèreté» avec Je crois que je l’aime (Pierre Jolivet) et Demandez la permission aux enfants ! (Eric Civanyan). A propos de son aisance à jouer sur tous les registres, Sandrine répond : « Pialat demandait le naturel. J’ai un peu tendance à suivre sa formation dans tous mes films ».

 

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