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Jane Birkin : ma Bretagne

Jane Birkin en 2010 lors de l'inauguration du jardin Serge Gainsbourg[CC/Olivier Pacteau]

Jane Birkin, amie de la Breizh touch, quoi de plus naturel ! C’est à son père, héros de la Seconde Guerre mondiale, qu’elle doit son coup de cœur pour la Bretagne. À tel point qu’elle y a élu domicile une partie de l’année. Retour sur ce lien un peu particulier qui unit la chanteuse à la Bretagne.

 

Archive – article publié le jeudi 20 septembre 2007

 

Jane Birkin aime sa maison de l’Aber Wrac’h, près de Lannilis dans le Finistère. « Elle est belle, très photogénique, mais tout tombe en ruine... là-bas, je me sens protégée ». Une petite folie qu’elle a achetée il y a une dizaine d’années après avoir revendu sa maison de Normandie (un presbytère « grand comme (sa) cuisine actuelle ») à la réalisatrice Diane Kurys. A l’époque, Jane vit une période très douloureuse, le décès à trois jours d’intervalle de Serge Gainsbourg et de son père, David. Pour tenir le coup elle communique nuit et jour avec sa mère par fax. Hasard ou coïncidence, c’est par ce même fax que lui parvient un jour la photo d’une maison située à l’endroit même où son père, ex-commandant de la Royal Navy, s’est illustré pendant la Seconde Guerre mondiale. A l’époque, David Birkin se charge de rapatrier vers la Grande- Bretagne les aviateurs anglais récupérés par les réseaux résistants français. « C’était risqué car les côtes étaient très surveillées... papa disait qu’il voyait les cigarettes des Allemands qui faisaient le guet » se souvient Jane dans un entretien au magazine Bretons. « Mon père a gardé le secret jusqu’en 1967 (où) l’interdiction de montrer des documents a été levée. Je l’ai appris à ce moment-là ». A la mort de ce dernier, Jane, guidée par les résistants de l’époque, décide de disperser ses cendres sur ces plages du Finistère... et d’y vivre une partie de l’année. Sans doute pour garder le lien – elle confie qu’elle va souvent se recueillir sur le rocher ou allait son père« sur la plage où il arrivait avec son bateau », mais aussi par amour pour cette région.

 

Vidéo : Jane Birkin chante « Quoi », écrit par Serge Gainsbourg

 

 

Comme une évidence, c’était il y a treize ans

Un 2 août, jour de la mort de Michel Berger, Jane dépose ses cartons. Depuis, elle vient se ressourcer avec sa chienne Dora, ou en tribu pour des parties improvisées de chasse aux crabes. Au début, elle a cru à une folie – elle s’est endettée pour quinze ans – mais reconnaît aujourd’hui qu’elle se sent chez elle, peut être même plus qu’à Londres. Il faut dire que la Bretagne a été comme un coup de foudre. Coup de foudre pour ses paysages qui lui rappellent son enfance à l’île de Wight avec ses longues plages et son atmosphère pluvieuse. Coup de foudre aussi pour sa culture : « j’apprécie la mélancolie de certains instruments [...] le bruit du vent dans la cheminée ou le visage très tendre d’une vieille femme que je croise sur le bord de la route ». (Bretagne magazine).

Jane se sent donc l’âme bretonne et admire ses habitants, qui ont cette manière si particulière de « se rebiffer ». Ici ses amis s’appellent les Madec, monsieur Jourdan (le boucher) ou encore Mohammed (le poissonnier). Au magazine Bretons, elle raconte qu’ils forment comme un écran de protection contre les curieux mal intentionnés : « Vous imaginez ? Moi, avec Charlotte, la famille, sur la plage, à table, ce n’est pas dénué d’intérêt pour des magazines comme Voici. Mais je suis sûre que les gens autour de moi [...] préfèrent crever plutôt que laisser des photographes m’approcher ».

Ici Jane peut vivre tranquillement avec ses « fantômes », ces êtres chers qui ne vous quittent jamais réellement : « les fantômes sont avec nous [...] ils sont toujours là même si nous ne pouvons plus jamais retrouver exactement le tracé d’un nez, d’un front, d’un joli cou ». Dans cette maison, elle a pris soin de laisser la mémoire des anciens propriétaires, leurs cactus, « une gigantesque table à cartes » mais aussi les traces faites par les cadres. Un décor propice à l’introspection : c’est dans cette maison que Jane a écrit puis tourné son deuxième long-métrage, Boxes, un récit clairement autobiographique (même si les prénoms ont changé) où elle campe son propre rôle aux côtés de Géraldine Chaplin et de sa propre fille, Lou Doillon, qui joue le rôle de Charlotte.

 

Vidéo : Jane Birkin et ses trois filles chez Michel Drucker

 

 

« Boxes »

Boxes, comme toutes ces boîtes que l’on déballe au moment d’un déménagement, avec son lot de souvenirs et de regrets. Exactement ce que Jane a pu vivre il y a treize ans lorsqu’elle écrit le scénario : « C’était peu après la mort de mon père », confie-t-elle au Figaro. « J’ai écrit très vite. Je voulais exprimer d’une façon un peu loufoque et personnelle le désarroi presque panique que peut éprouver une femme de 50 ans quand les aînés ont déjà quitté le nid ».

Le film a été très long à financer, plus de dix ans. Aucun producteur ni chaîne de télévision n’y ont cru, à l’exception de la Région Bretagne, très impliquée dans la mise en valeur du patrimoine breton (comme en témoignent les films Western de Manuel Poirier ou plus récemment L’équipier de Philippe Lioret). Boxes est finalement sorti dans les salles en juin 2007 et a été présenté au dernier Festival de Cannes à l’occasion de son soixantième anniversaire. « Je ne m’y attendais pas ! Avec ce film, j’avais l’impression d’avoir fait un enfant très curieux [...] mais je savais aussi qu’il valait le coup », explique-t-elle au site Internet Allo Ciné. Jane a souhaité un film « de filles, de femmes et de mères ».

On y retrouve ainsi toutes les femmes de la tribu : Jane et sa mère – la comédienne Judy Campbell qui s’est éteinte en 2004, mais aussi ses trois filles, Kate, Charlotte et Lou. Les hommes sont également présents – on aura reconnu tour à tour John (Barry), Serge (Gainsbourg) et Jacques (Doillon) – mais ils ne font que passer. Boxes traite du rapport mère fille avec tous les malentendus et les questionnements qui peuvent en découler : ai-je été une bonne mère ? Ai-je été assez présente ? Leur ai-je assez dit qu’elles étaient jolies ? Le personnage de Jane le reconnaît d’ailleurs dans le film : « Les enfants ne sont pas livrés avec le mode d’emploi ».

 

Vidéo : Bande-annonce de Boxes

 

 

Sagesse

Ce film, Jane l’a écrit à 50 ans et tourné à 60. « C’est bien que le film ait mis dix ans à se faire. Je ne suis plus la même personne », concède-t-elle. ça lui a peut- être laissé le temps d’épuiser son sentiment de culpabilité, de s’en détacher. Lorsqu’elle écrit le scénario il y a treize ans, elle est de nouveau amoureuse. Elle ne s’y attendait pas. Il s’agit de l’écrivain Olivier Rolin. Jane se souvient à cette époque des rapports difficiles avec sa fille Lou, partie rejoindre son père Jacques Doillon à Saint-Barthélemy. C’est de cela aussi que traite le film : comment gérer ce délicat passage, où l’on n’est plus, dans le regard de l’autre, que mère ou grand-mère alors qu’on se sent encore femme ? Comment accepter que l’amour fasse de nouveau son entrée dans votre existence alors qu’on ne l’attendait plus ? Il m’a « redonné une vie », confiait-t-elle l’année dernière à Paris Match. Depuis, Olivier ne partage plus son quotidien mais Jane dit n’attendre plus personne : « on a d’autres préoccupations, on n’est plus le centre. C’est comme si on avait une vue aérienne de la forêt, alors qu’avant, on ne voyait qu’un arbre ». Comme si, à soixante ans, Jane avait trouvé la paix des sens. Reste les fantômes, Serge Gainsbourg en tête. Le film semble d’ailleurs tourner autour de cette question : « Est-ce qu’il aurait aimé ce que je suis maintenant ? » A un moment, Anna, le personnage de Jane, confie : « Je suis remplie du passé, il n’y a plus de place ». Dans la vraie vie, c’est comme si les vivants étaient là, à chaque coin de rue pour le lui rappeler.

 

La vie sans Serge

« Il n’y a pas un seul taxi que je peux prendre sans que le chauffeur ne se retourne à un moment en me disant : il nous manque tellement ! », dit-elle au magazine Bretons. « Les gens n’ont aucune idée de savoir ce que c’est d’être une personne de référence à ce point... » Et de poursuivre : « s’ils croient que je ne pense pas à Serge quand je vais rue de Verneuil ». Jane croit au théorème du papillon : « Selon que vous tournez à droite ou à gauche vous pouvez changer radicalement le cours de votre destin » Sa rencontre avec Serge, il y a presque 40 ans (c’était en 1968 sur le tournage de Slogan) en est l’exemple parfait. Dans Paris Match, Jane se souvient : « J’ai toujours su qu’après lui on m’aimerait plus raisonnablement ». Quand une nuit de 1980, elle quitte le domicile de la rue de Verneuil, elle ne se doute peut-être pas qu’ils resteront unis... même après la mort.

 

Vidéo : « Chanson de Slogan », par Serge Gainsbourg et Jane Birkin

 

 

En 1991 sur la scène endeuillée du Casino de Paris, elle lance, meurtrie : « Je me prépare à abandonner la chanson. Enregistrer avec quelqu’un d’autre, je ne peux pas imaginer ». L’épreuve personnelle et artistique durera cinq ans. Depuis, Jane la chanteuse fait cavalier seul. En témoignent ses trois derniers albums (Arabesque, Rendez-vous et Fictions) où elle se démarque clairement du style Gainsbourg. L’ex-fan des sixties a donc pris son envol. Elle qui rêvait de devenir infirmière, parcourt aujourd’hui le monde, de Ramallah à Sarajevo en passant par Kigali pour défendre des causes humanitaires. Birkin sans Gainsbourg ? Comme il est dit dans Boxes, « il faut tourner la page pour continuer à lire, pour trouver la fin ».

 

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