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Ouverture des librairies : le monde du livre entre joie et amertume

Les librairies s'organisent en prévision de leur réouverture ce samedi 28 novembre Les librairies s'organisent en prévision de leur réouverture ce samedi 28 novembre. [ Crédit Thierry ZOCCOLAN / AF]

Emmanuel Macron a annoncé l’ouverture dès samedi des commerces de proximité, dont les librairies font partie. De quoi réjouir le secteur sans pour autant oublier ce qui s'est passé pour le monde du livre.

Après le tollé provoqué par la fermeture des librairies, le chef de l’Etat semble avoir entendu la colère du secteur. Pour l’écrivain Alexandre Jardin, chef de file d’un mouvement de romanciers se proposant de payer les amendes dressées contre les libraires qui ouvraient leurs portes, «cette nouvelle est considérable. Car on ne peut pas gagner collectivement contre une épidémie ou autre chose en blessant nos valeurs. C’est un secteur qui se serait effondré si on n’avait pas entendu ces mots hier». Pour Guillaume Husson, le délégué du Syndicat de la Librairie Française (SLF), «on tirera les leçons de l’importance qu’a été donné au livre et j’espère que les messages ont été passés sur l’importance du livre et des librairies. Le président de la République a bien insisté sur l’importance de la culture. Il faut en tenir compte, y compris dans les temps de crise comme celui que nous traversons actuellement».

Quand on ferme une librairie, c’est la maison de Victor Hugo et de Rabelais qui ferme.Alexandre Jardin

Selon lui, «les commandes sur Internet ont permis de limiter la casse». Le hic ? Si les librairies ont pu réaliser entre 25 et 50 % de leur chiffre d’affaire habituels, «les libraires doivent payer l’intégralité de leurs charges puisque pour gérer les commandes Internet, il faut avoir tous ses salariés et renoncer aux bénéfices de l’activité partielle. Ce n’est donc pas une bonne affaire pour les libraires», tempère Guillaume Husson.

Une joie…

Pour les deux hommes, cette période a permis de tirer quelques leçons. «L’engouement et l’élan des lecteurs qu’on avait senti au moment du premier déconfinement ne se relâche pas. C’est prometteur pour l’avenir», se réjouit Guillaume Husson, tout comme l’écrivain Alexandre Jardin pour qui «ce genre de crise amène tout le monde à se poser des questions. A travers cette mobilisation, on a vu à quel point le libraire est important. Quand on ferme une librairie, c’est la maison de Victor Hugo et de Rabelais qui ferme. Le fait que le président de la République ait renoncé à dynamiter les commerces français est fondamental pour notre culture. On prenait le chemin de vivre dans un pays Netflix et Amazon. Il y a eu un vrai coup de barre dans le bon sens».

Mais si le gouvernement était tiraillé entre les impératifs sanitaires, économiques et culturels, «il y avait certainement un sort particulier à réserver aux libraires chez qui on ne stationne pas de manière prolongée comme dans les théâtres ou les cinémas», explique le délégué du SLF. Guillaume Husson reste positif : « Il faut créer les conditions pour que le mois de décembre se passe bien, et sur le plan économique et sur le plan sanitaire, et qu’on reparte en 2021 sur un bon pied», espère-t-il.

… Teintée d’amertume

Pour Alexandre Jardin, ces décisions gouvernementales lui auront laissé un goût très amer : «Il y a quelque chose de déshonorant dans ces procès-verbaux dressés à des libraires qui n’ont pas installé leur table au bon endroit, dans des départements comme la Seine-Saint-Denis où l’urgence est bien ailleurs. Ça aura laissé une sidération de se dire que tout ça a été possible, qu’on ait perdu à ce point le sens des choses, et de qui nous sommes.»

Nous n’avons pas de pays de rechange. Soit on déchire le pays, soit on le construit. Alexandre Jardin

Si Emmanuel Macron a félicité les français d’avoir appris à consommer autrement (par Internet), l’homme de lettres regrette que ce discours n’ait pas plus porté sur les valeurs de la France, «sur qui nous sommes». «Personne n’aurait imaginé le général De Gaulle ou François Mitterrand envoyer la police pour fermer des librairies. (…) Quand le politique perd le sens de nos valeurs profondes, on doit être garant de notre identité. C’est un honneur d’être Français, d’appartenir à cette culture. (…) Nous n’avons pas de pays de rechange. Soit on déchire le pays, soit on le construit. Attention à ne pas le saccager», déplore l’auteur.

Des fermetures de rayons livres qui rendent «fous»

Pour Alexandre Jardin, le problème réside sur le poids de la bureaucratie dans les décisions politiques. Selon l’écrivain, la situation était ubuesque, et ne pouvait durer. Désormais, il faut retrouver le sens : « si on s’en remet à la bureaucratie, on entre dans la folie. Il ne faut pas coopérer avec la perte de sens. Cette situation (fermer les librairies puis tous les rayons de livres des supermarchés, ndlr) arrive à n’importe quel pouvoir pris en main par sa bureaucratie».

Pour le délégué du Syndicat de la Librairie Française, il faut maintenant attendre le protocole sanitaire et les conditions de la réouverture. «On a discuté de différents points pour lesquels il y avait parfois désaccord. Mais nous n’avons pas le résultat des courses, ce qui est un peu dommage. Les libraires ne peuvent pas s'organiser la veille pour le lendemain».

Maintenant que l’ouverture des librairies est pratiquement rétablie, l’auteur de Fanfan propose une solution simple : aller en librairie, demander aux libraires quels sont les livres sortis pendant la période de fermeture et... en acheter un. Pour Guillaume Husson, tout aussi pragmatique, «il faut redresser la barre. Trois mois de fermeture dans une année, c’est catastrophique pour une profession qui ne roule pas sur l’or».

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