En direct
A suivre

«Ma vie a été truffée de miracles» : Claude Lelouch rend hommage au divin dans son dernier film

À 84 ans, le réalisateur n'a pas dit son dernier mot. Claude Lelouch sort ce mercredi 19 janvier son cinquantième film, intitulé «L’amour c’est mieux que la vie». Cette comédie dramatique, qui flirte avec l'irrationnel, raconte l’histoire de trois copains.

Alors que Gérard (Gérard Darmon), un fumeur compulsif, souffre d’un mal incurable, Ary et Philippe, interprétés respectivement par Ary Abittan et Philippe Lellouche, décident d’offrir à leur ami une ultime histoire d’amour. Pour ce faire, ils font appel à la directrice d’une agence d’escort-girls, campée par Sandrine Bonnaire.

Votre film est ponctué de miracles, et met en scène… Jésus (Xavier Inbona). C’est assez osé. Comment est née cette idée ? 

Elle est venue naturellement. Ma vie a été truffée de miracles. J’ai fait 50 films, et ce sont 50 miracles. Et j’avais envie de les remercier en faisant un hommage à l’irrationnel et au divin.

On croise aussi le Diable, interprété par Béatrice Dalle. Pourquoi avoir choisi une femme pour ce rôle ?

Les hommes ne sont pas assez diaboliques, ils sont trop naïfs. La femme c’est l’état suprême dans l’histoire des générations et des réincarnations. Les hommes sont des enfants, ils ne sont pas fiables, ni sérieux.

Le titre de votre long-métrage résonne comme un slogan, il est d’ailleurs chanté, répété plusieurs fois par les acteurs. Selon vous, pourquoi l’amour c’est mieux que la vie ?

Pour reprendre la chanson de Charles Trenet, à chaque fois que mon cœur a fait boom boom, j’ai eu le sentiment d'être plus généreux, que ma vie avait un sens. Quand on est capable d’aimer quelqu’un d’autre plus que soi-même, c’est un moment délicieux.

L'amitié, c'est la roue de secours de l'amour.

L’amour est extrêmement fragile, il s’use très vite, jusqu’au jour où il éclate, comme les pneus d’une voiture. C'est aussi une compétition. Il faut être le premier dans le cœur de l'autre. Dans le sport, quand on arrive deuxième ou troisième, on a droit à une médaille, mais en amour, cela signifie que l’on est cocu.

En racontant cette histoire d’amour entre Gérard Darmon et Sandrine Bonnaire, vous montrez aussi que l’amour n’a pas d’âge…

Évidemment, l’amour n’a pas d’âge. J’ai voulu filmer un Roméo et Juliette qui aurait eu le temps de vieillir. On peut aimer de mille et une façons et à tous les âges. C’est un plaisir que l’on peut s’offrir à tout moment de la vie.

L’amitié est également au cœur de l’histoire, à travers ce trio de copains formé par Gérard Darmon, Philippe Lellouche et Ary Abittan, qui se sont connus il y a 20 ans, à leur sortie de prison. Sans l’amitié, on perdrait quoi ?   

L’amitié c’est la roue de secours de l’amour, de l'argent, de la vie, de toutes nos misères. Avec un ami on peut se consoler de beaucoup de choses. L’amour c’est la première division, et l’amitié, la deuxième.  

Après l’amour, et l’amitié, il y a l’argent. Avec lui, on peut même acheter l’amour. C’est ce qu’ont fait Philippe et Ary. C’est le troisième grand «A» de votre film. Que représente-t-il ?

L’argent n’est pas si dégueulasse qu’on le dit. Un billet de 10 euros ne se prend pas pour un billet de 100 euros. Avec de l’argent on peut acheter un peu de santé, d’amour, et d’amitié. Mais il peut aussi tout briser. Il ne faut pas qu’une histoire d’amour devienne une affaire.  

Le tournage s’est déroulé à Paris, notamment à Montmartre, durant la crise sanitaire. Qu’est-ce qui aurait été différent si cela n’avait pas été le cas ? 

Initialement, on devait faire une croisière en Méditerranée. Gérard avait pris une place sur un bateau pour oublier ce souci et Sandrine l’aurait rejoint. Puis le virus s’est invité dans le film.

Le hasard a inventé ma vie.

Donc je me suis rapatrié dans la plus belle ville du monde, et dans le plus beau quartier de celle-ci. Le Covid-19 avait raison. Cela nous a permis de resserrer le fil, et de se concentrer davantage sur les personnages.

Pour quelles raisons avez-vous fait le choix, dans certaines scènes, de filmer les acteurs avec leurs masques de protection ?

La vérité se trouve dans les yeux des gens. J’ai donc profité du contexte sanitaire pour mettre l’accent sur le regard, et être encore plus dans la vérité que d’habitude. C’est la seule partie du corps qui ne sait pas mentir.

Même s’il parle de la mort, un sujet grave, il demeure positif et nous fait rire. Après avoir vu votre film, on a le sourire aux lèvres et envie de savourer chaque instant comme si c’était le dernier. C’était l’objectif ?

Tout à fait. Il faut vivre chaque seconde de sa vie comme si c’était la première, mais surtout la dernière. De cette manière, on apprécie davantage l’instant, on le déguste.

Comme Gérard lorsqu’il boit sa potentielle dernière bière...

L’idée de ce film est un peu partie de ma dernière rencontre avec Jacques Brel, quelques jours avant son grand départ (en 1978, NDLR). Il est venu me voir et a bu une bière dans mon bureau.

Je lui ai demandé ce qu’elle avait de si extraordinaire et il m’a répondu que, depuis qu’il fait les choses peut-être pour la dernière fois, tout est formidable. «Enfin j’apprécie la vie», m’avait-il dit.    

Les deux autres volets de cette trilogie seront les derniers de ma carrière.

Qu’est-ce que vous avez ressenti après avoir terminé «L’amour c’est mieux que la vie», votre 50e film, qui n’est pas sans rappeler certains de vos précédents films, comme «L’aventure c’est l’aventure» ?

J’ai le sentiment, une fois de plus, que le hasard a inventé ma vie. Normalement, on aurait du arrêter le tournage. Ce film est un miracle de plus dans ma vie.

Et il y en aura d’autres. On apprend à la fin du film il s’agit du premier volet d’une trilogie. On peut conclure que vous avez encore plein d’idées et de choses à dire…

J’ai passé ma vie à observer le genre humain, mon spectacle favori. Tous les dialogues, les situations de mes films, je les ai entendus dans la rue, au cinéma, au bistrot… Mais j’ai encore des notes que je n’ai pas pu mettre dans mes films.

J’espère pouvoir le faire dans les deux autres volets de cette trilogie, qui seront les derniers de ma carrière. Je les alimenterai avec tout ce que je n’ai pas encore eu le courage de dire jusqu'à présent. 

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités