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Rencontre avec Fishbach, magicienne de la pop aux doigts d'or

Âgée de 30 ans, Flora Fishbach sera en concert à l'Olympia le 30 novembre prochain. [© Capture d'écran YouTube]

Cinq ans après son premier album, Fishbach a dévoilé «Avec les yeux». Un second disque introspectif et déroutant de beauté. Rencontre.

Cinq années se sont écoulées entre tes deux albums, que retires-tu de cette période ?  

Fishbach : Elle était nécessaire pour créer, pour faire une tournée. J’ai aussi appris deux nouveaux métiers qui sont comédienne et DJ. «Vernon Subutex» c’était merveilleux, j'ai pu m'abandonner à un projet plus gros que juste Fishbach, et ça c'était vraiment génial.

Puis, j'ai composé et je me suis pris une petite pandémie comme tout le monde. C’était assez triste, parce qu’on a besoin de vivre des choses pour être inspiré, de voir les autres, et donc c'est vrai que cet album est beaucoup plus introspectif. Nous nous sommes tous retrouvés face à nous-même. C'est pour ça qu’au fond, c'est un disque qui est peut-être moins amoureux que le premier, plus trentenaire (rires). 

En parlant de cinéma, as-tu déjà pensé à composer la BO d’un film ?

J'adorerais. D'ailleurs je suis très sensible à la musique de film en général. Je pense que je connais tous les morceaux de Vladimir Cosma sans en avoir vu aucun. J'ai fait deux chansons pour le film «Teddy» des frères Boukherma et là je fais une chanson sur un film de Sébastien Marnier, «L'origine du mal», qui va sortir cette année.

Tu as composé «Avec les yeux» dans les Ardennes, pourquoi ? Tu t’y sens plus inspirée ? 

Ce n'est pas un disque qui est très «nature», il y a beaucoup de grandiloquence. Il s'inscrit plus dans ma vie personelle où j'aime bien être au calme pour ne pas vivre dans le bruit, qui m’assomme. Imaginer des mélodies avec des bruits de marteau-piqueur ce n'est pas facile, retourner à la campagne c'était avoir un décor mental beaucoup plus vaste, voir l'horizon.

J’ai créé «Masque d’or» en premier, en 2018. Puis j'ai continué à faire comme je faisais sur le premier disque, c'est-à-dire faire les choses vraiment à l'instinct, quand j'en avais envie ou besoin. C'est souvent plus un besoin d'ailleurs mes chansons, c'est un peu comme une thérapie. Mais beaucoup d'artistes diront ça je pense. C'était sur un temps plutôt long mais pas tant que ça non plus. J’ai aussi besoin de m'occuper de ma vie, je ne suis pas dans une course effrénée au temps. Je sais que le temps est un luxe et j'ai envie de le prendre. 

Tu disais que l'album était davantage dans l'introspection, quand tu l'as composé tu t'es imbibé d'autres références ou tu t'es plutôt isolée ? 

Je suis clairement dans la première catégorie. J'écoute énormément de musique, pas pour m'inspirer forcément mais parce que j’en écoute en permanence, je passe mes journées à chercher, à découvrir. Je crois qu'en ce moment il y a entre 30.000 et 40.000 clips qui sortent chaque jour sur Internet, c'est incroyable. Puis je regarde plein de films, je joue à des jeux vidéo, je lis de la philosophie... Et plus je lis, plus je comprends que je ne comprends rien, c'est génial (rires). 

Il paraît que le titre te vient d’une personne qui t’aurait dit que tu «jouais avec les yeux».

C’est ça ! C'est une fan qui m'a écrit sur Instagram en me disant que je chantais avec les yeux. J'ai trouvé ça assez fort. C'est vrai que quand je suis scène je partage un truc avec le public. Il y a des jeux de regards, des combats presque, que j'adore. Ils ne sont pas nombreux à me battre, mais ceux qui y arrivent sont fortiches (rires). 

Tu as globalement une image assez mystérieuse, qu’est-ce que ça t’évoque ? 

Je ne me trouve pas vraiment mystérieuse, sinon je ne ferais même pas d'interviews. Mais s'il y a un mystère que j'aime bien exploiter, c'est celui des paroles et des intentions. C'est quelque chose qui me plait dans la musique des autres et que j'essaye de faire dans la mienne. Cela me permet de ne jamais me lasser de mes morceaux, de toujours avoir une deuxième grille de lecture, une deuxième façon d'appréhender l'histoire. C'est quelque chose que j'aime bien chez Mylène Farmer ou chez Christophe par exemple. J'essaye de faire la même chose. Je n'ai pas leur talent, mais j'essaye au moins de brouiller les pistes pour que chacun y mette ce qu'il a envie de mettre. D'ailleurs, lorsque les gens me disent ce qu'ils pensent être le sens de la chanson est très intéressant, et je vois que mon public va encore plus mal que moi (rires). 

Tu étais stressée par le fait d'être attendue sur ce deuxième album ? 

Oui, c'est évident. En tant qu'auditrice ça m'arrive d'être déçue par le deuxième album, parce qu'il n'y a plus l'aspect découverte, alors que ça reste des très bons albums. Mais parfois on a été tellement attachés au premier qu'on a du mal à se détacher de ça. Après je n'ai pas eu si peur que ça, sinon je n'aurais pas mis autant de guitares électriques (rires) ni d'auto-tune. J'avais vraiment envie de suivre mon cœur et de faire de la musique que j'aimerais potentiellement écouter. Même si je ne sais pas si je m'écouterais (rires).

Quand tu termines un album, qu’il y a une «fin», tu te sens dans quel état d’esprit ? 

Plutôt mélancolique. Je suis ultra heureuse de le délivrer et de le partager au monde, mais les choses ne t'appartiennent plus à partir de ce moment-là, et c'est toujours un petit déchirement, c'est comme la fin d'une histoire. Pour les gens c'est le début, ils découvrent, mais moi c'est une finalité, et je suis déjà en train de penser au prochain. 

J'aime bien l'idée qu'un disque soit comme une photographie d'un instant.Fischbach

Tu as des regrets avec le recul ? 

Musicalement non. J'aime bien l'idée qu'un disque soit comme une photographie d'un instant. Heureusement que j'ai une maison de disques qui m'a dit «on arrête», sinon j'aurais pu produire pendant des années. Mais je n'ai vraiment pas de regrets, je suis assez fière d'avoir fait ce disque, qui est tout sauf tiède. 

Maintenant que l'album est sorti il va y avoir la tournée, c'est quelque chose que tu vis comment ? 

J'ai extrêmement peur. J'en meurs d’envie mais ça fait si longtemps que je n'ai pas été sur scène que je suis flippée de dingue. C'est excitant, c'est si beau de se dire qu'on fait des musiques dans notre chambre tout seul et qu'après elles appartiennent aux gens. Je ne sais pas à quoi ressemblera cette tournée mais il va y avoir de beaux moments.

Déjà il y a un Olympia de prévu le 30 novembre, c'est quand même une des salles les plus prestigieuses de la capitale française. Et il y a aussi une date qui n'a pas encore été annoncée mais je vais faire la fête de la musique au palais du Facteur cheval, en Auvergne. Il a construit son palais tout seul pendant 30 ans. C'est un lieu que je rêvais de visiter et avoir l'opportunité d'y jouer c'est encore mieux. 

J’ai l’impression que tu as mis encore plus d’énergie dans la réalisation des clips, leur esthétique… Comment te viennent les idées généralement ? 

Je collabore avec un garçon ultra-talentueux, qui s'occupe de faire tout le stylisme et tous les clips : Aymeric Bergada du Cadet. Il a un imaginaire et une culture absolument débordants, et ensemble on pousse les curseurs un petit peu comme je le fais avec ma voix. Parfois je passe d'un personnage à un autre. Et pour les clips et le styliste c'est une autre façon, une fois que le disque est terminé, de s'éclater créativement parlant. C'est vraiment un jeu assez génial, j'adore pouvoir changer de costumes, de personnages, et ne pas m'enfermer dans une image un petit peu «poète maudit androgyne» qu'on m'avait collée. 

Beaucoup d’articles et d’auditeurs te relie aux années 1980, c’est un héritage que tu revendiques ? 

Je ne trouve pas que l’album sonne si années 80, après oui il y a des nappes de synthé et des trucs un peu grandiloquents. Mais années 80 ça veut un peu tout et rien dire. C'est peut-être l'audace et la façon de faire très décomplexée à laquelle on me relie. De chanter de manière assez blues mais avec des synthés... Il y avait une grande insouciance et liberté à l'époque, et je pense que j’agis de manière un peu insouciante et amateure aujourd'hui. Je ne cherche pas à atteindre quelque chose de spécifique. 

Tu as un morceau qui pour une raison ou pour une autre te marque le plus sur l'album ?

Il y a le premier que j'ai sorti, «Téléportation», qui est un morceau complètement hors-format, il y a beaucoup de nuances dans la voix, le texte est très sombre. J'étais assez heureuse de pouvoir arriver avec celui-ci, pour que les gens se demandent où j'allais. Semer le trouble encore une fois. Et puis le morceau «Tu es en vie», qui est une espèce de road-song un peu niaise, que j'adore. 

Qu’est-ce qui te rend le plus impatiente désormais ?

La tournée évidemment, mais j'ai surtout plein de morceaux que je n'ai pas publiés et qui sont dans mes tiroirs, j'ai hâte de les sortir. Puis j'ai envie de composer, c'est ce que je préfère faire après tout. 

Le plus beau compliment que tu pourrais recevoir de quelqu'un qui a écouté l'album, ça serait quoi ? 

Je ne me projette pas trop sur ce que les autres peuvent ressentir, même si j'adore écouter ce qu'ils me racontent. Il y a des gens qui m'écrivent de temps en temps pour me dire que ma musique les a sauvés de sales moments, les a accompagnés pour retrouver de la force, et ça c'est beau. Moi aussi j'ai des chansons qui m'ont accompagné dans ma vie et si les miennes peuvent en accompagner certains j'ai tout gagné.

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