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«Ken le survivant» fête ses 40 ans et on vous explique pourquoi il reste un manga légendaire

Du manga original à son adaptation animée qui a défrayée la chronique en France, l'odyssée de Kenshiro est devenue cultissime. [HOKUTO NO KEN © 1983 by BURONSON AND TETSUO HARA / © by TOEI Animation / AB Video]

C'est l'une des œuvres les plus marquantes de la galaxie manga. Hokuto no Ken, alias Ken le survivant, célèbre ses 40 ans en ce mois de septembre. Série polémique en France sous l'ère du Club Dorothée, elle n'en reste pas moins un jalon au même titre qu'Akira, participant à la maturité d'un média aujourd'hui incontournable.

«Tu es déjà mort». Cette phrase qui claque pour un manga coup de poing, les adolescents japonais la découvraient le 13 septembre 1983, dans le Weekly Shônen Jump (revue de prépublication à succès au Japon). Qu'importe si le sang giclait sur les pages en noir et blanc et qu'une ambiance sombre se dégageait de ce nouveau récit messianique dans un univers post-apocalyptique ultra-violent, Hokuto no Ken s'inscrivit dans l'Histoire.

Ses deux auteurs, Buronson au scénario et Tetsuo Hara au dessin, ne le savaient pas encore, mais leur œuvre allait, loin de mourir, prendre vie et devenir l'un des mangas les plus populaires de l'archipel nippon et même bien au-delà.

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HOKUTO NO KEN © 1983 by BURONSON AND TETSUO HARA

Violent et subversif pour son époque, Ken le survivant (en France) appartient à ces mangas qui marquent un avant et un après. Surtout, il s'inscrit dans une mouvance de rupture avec les codes «imposés» depuis pluisieurs décennies par Osamu Tezuka et ses BD pensées pour les enfants et le grand public, pour entrer de plain-pied (et à grands coups de poings dans la tronche) dans l'ère des mangas ado-adultes. Un récit plus mûr qui surfe sur la vague initiée par un certain Katsuhiro Otomo et son chef d'œuvre Akira. Car si les mangas plus matures sont déjà l'apanage d'auteurs plus confidentiels dans les années 1970, Hokuto no Ken touchera un très large public au delà des frontières, allant même jusqu'à influencer toute une génération de mangakas, à l'instar du grand Kentaro Miura (1966-2021), qui clama haut et fort son amour pour Ken avant d'accoucher de son chef d'œuvre inachevé : Berserk.

Un justicier face au chaos

Nous sommes en l'an 199X, dans le futur pour nos lecteurs des années 1980, lorsque le récit de Hokuto no Ken prend place. Un avenir où la terre a été ravagée par les guerres nucléaires et où la société telle que nous la connaissons a disparu. Des villes, il ne reste plus que des ruines et le monde, en proie à la désolation, est le témoin de la décadence de l'humanité. La loi du plus fort règne et les deux auteurs, sous la houlette de leur éditeur en chef Nobuhiko Horie, vont littéralement répandre une justice frontale et viscérale pour répondre à la brutalité des oppresseurs qui parsèment ces terres.

Le justicier se nomme Kenshiro. Héritier des arcanes du Hokuto Shinken, un art martial millénaire aux techniques mortelles, il va défendre les plus démunis et les faibles. Tel le messie, il distribue les pains, mais ce sera souvent dans la gueule, balaye les indésirables d'un revers de la main et plantera les graines d'un avenir plus radieux.

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HOKUTO NO KEN © 1983 by BURONSON AND TETSUO HARA

Embarqué d'abord dans une quête de vengeance contre Shin, l'homme qui lui a volé sa promise Yuria après l'avoir laissé pour mort et marqué de sept cicatrices représentant la constellation de la grande ourse, Ken se lancera alors dans une lutte fratricide contre son frère adoptif Raoh, devenu un tyran dont le seul but est d'imposer la force et la dictature dans une société sans droits, ni lois.

Mad Max version nippone

Relire ou découvrir Ken le survivant, même 40 ans après ses débuts, c'est se confronter à un univers âpre et dépourvu de valeurs visant à la cohésion sociale. Surtout, le manga s'inscrit dans la mouvance de la «nukesploitation» occidentale qui mettait en avant un monde ravagé par une apocalypse nucléaire. Et qui mieux de l'acteur Mel Gibson a su marquer cette tendance à travers les films de la saga Mad Max, et surtout Mad Max 2 : Le Défi (1981) de George Miller ? Les auteurs de Hokuto no Ken iront y puiser leur inspiration sans s'en cacher.

Grands amateurs de cet univers chaotique, le trio Tetsuo Hara, Buronson et Nobuhiko Horie avait bien conscience qu'il pouvait faire écho auprès de leur lectorat dans un pays qui reste le seul frappé par deux fois par l'arme atomique.

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© Third Editions

Kenshiro, leur héros, mêle physiquement le côté sombre incarné par Mel Gibson, tandis que la star des films d'arts martiaux, Bruce Lee, lui apportera son style et son visage. Ken était né et son combat allait marquer à jamais toute une génération. Car c'est aussi l'autre facette de cette œuvre, qui rend hommage aux films de sabres et d'arts martiaux venus de Chine et de Hong Kong.

Comme le soulignent Guillaume Lopez et Paul Gaussem dans leur passionnant livre Dans les arcanes de Hokuto no Ken (Third Editions), c'est dans le cinéma du réalisateur Chang Cheh que Tetsuo Hara et Buronson iront puiser leurs scènes d'action. «Ce type de réalisations, centrées sur la figure d'un héros viril et indestructible, permettra l'essor de Bruce Lee dans les années 1970, étape on ne peut plus importante pour Tetsuo Hara et la gestation de Kenshiro», résument-ils. 

Le mot indestructible convient également à un autre acteur qui servira de modèle plus musculeux à leur personnage : Sylvester Stallone, alors symbole de la masculinité des années 1980.

L'amour est pour ainsi dire le fondement de sa force et de sa puissance.Paul Gaussem et Guillaume Lopez

Toutefois, regarder Ken à hauteur de sa simple virilité et de sa violence, serait oublier l'autre grande morale de son récit contre les fous, les bandits. Quand Ken élève son poing contre la tyrannie, il se fait le porte-voix des pauvres et délivre un récit christique, fait aussi de miracles dans un monde aride. Un homme qui met l'amour et la compassion au dessus de tout. «L'amour est pour ainsi dire le fondement de sa force et de sa puissance. Notre héros prouve au monde qu'il s'agit même de la source fondamentale de tout pouvoir», soulignent Guillaume Lopez et Paul Gaussem.

Hokuto no Ken - Edition Extrême, de Buronson et Tetsuo Hara, disponible aux éditions Crunchyroll ; Dans les arcanes de Hokuto no Ken, de Guillaume Lopez et Paul Gaussem, disponible chez Third Editions.

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