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Bande dessinée : Gaston Lagaffe revient presque à l'identique pour une résurrection réussie

L'homme au col roulé vert est de retour à la rédaction du Journal de Spirou. [© Delaf/Dupuis]

L'éditeur Dupuis redonne vie à l'anti-héros culte Gaston Lagaffe avec la sortie ce mercredi d'un 22e album. Un retour longtemps juridiquement incertain, qui mise sur la ressemblance plus que sur l'originalité.

Un quart de siècle qu'il n'avait pas trimbalé sa carcasse voutée et son éternel pull à col roulé vert. Une longue absence, qui n'est pas dûe - on s'en doute avec Gaston Lagaffe - à un burn-out, mais au décès de son célèbre inventeur, le génial dessinateur belge Franquin, en 1997.

Ce nouvel album n'a d'ailleurs pu naître qu'après un combat judiciaire opposant la famille de l'auteur, qui ne voulait pas que le héros lui survive, et l'éditeur Dupuis. Finalement, le conflit été résolu et ce nouvel album a pu débarquer en librairie. Confié au Québécois Delaf, il suscitait davantage de craintes que d'espoirs chez les fans.

Et pourtant, dès les premières pages, la magie opère et il devient difficile de déceler les différences entre le Gaston de Franquin et celui de son successeur des années 2020.

Gaston, le même au...pixel près ?

Même attitude «molle» du héros, qui contraste avec la vigueur du trait pour dépeindre les différents «pétages de plomb» de ses collègues, mêmes onomatopées caractéristiques - comme le fameux «M'enfin», sa signature - des inventions farfelues à foison, et un sens du rythme et du mouvement presque aussi juste. Côté personnages, on ne change pas une grande famille qui gagne : toute la galerie de «victimes» des facéties de Gaston est elle aussi de retour, telle qu'on la connaît depuis 1957, et la première apparition de l'anti-héros immature. Le comptable Boulier, Monsieur de Mesmaeker et ses fameux contrats, l'amoureuse transie, Mademoiselle Jeanne, à la chevelure toujours aussi flamboyante, sans oublier la mouette rieuse et le chat...

En résulte une sorte de best-of des plus belles années de Gaston, plus qu'un album censé annoncer une nouvelle étape pour le héros tête en l'air.

En cela, on se rapproche beaucoup des reprises d'Astérix - y compris pour l'énorme tirage d'1,2 million d'exemplaires - où tous les ingrédients se doivent d'être réunis dans un copier-coller le plus fidèle possible, dans le dessin comme dans le rythme de l'album. Mais Delaf - auteur du carton Les Nombrils - a au moins l'avantage de ne pas avoir voulu moderniser à tout prix, y compris pour espérer toucher un public plus large. On reste bien dans ce Paris des années 1970, où les inventions foutraques de Gaston sont autant de clins d'oeil à notre époque, du téléphone portable sur roulement à bille à l'épuisant vélo électrique. Pour Gaston, écolo-anarchiste adepte de la «slow life», on aurait toutefois aimé savoir quel regard et quel remède, il appliquerait à notre monde surconnecté, englué dans le réchauffement climatique et la surproduction.

Ce retour quasi à l'identique doit sans doute aussi à la technique utilisée par Delaf qui, dans un souci de respecter au mieux le travail d'un auteur qu'il admire, a réalisé, pendant près de quatre ans, un véritable travail de compilation numérique, en constituant une base de données par mots-clés (Gaston de dos, De Mesmaeker avec un contrat, un fauteuil, une voiture,...) renvoyant aux dessins de Franquin, pour mieux retranscrire son riche univers.

À l'heure où l'IA semble attendre son heure pour reproduire et réinventer fidèlement n'importe quelle œuvre, peut-être que l'exemple à suivre se trouve du côté de la saga Blake & Mortimer, dont les albums récents savent jouer sur le décalage entre l'auteur d'origine et les suivants, alors que chaque «héritier» apporte sa touche d'originalité bienvenue.

Gageons toutefois que même les fans inconditionnels de Gaston, qui auraient pu par principe refuser cette «renaissance» forcément un peu mercantile, se laisseront séduire par ce nouvel album, effet nostalgie oblige. Ils auraient tort, selon nous, de ne pas donner sa chance à Delaf, tant la proposition est alléchante. 

Gaston, le retour de Lagaffe, Delaf d'après Franquin, éd. Dupuis, 12,50 €

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