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«L'antisémitisme a changé de trottoir», Gilles-William Goldnadel livre un récit personnel dans son nouvel ouvrage «Journal de Guerre»

Avocat et essayiste franco-israélien, Gilles-William Goldnadel livre sa vision du monde à la lumière des attentats du 7 octobre dernier. [éd. Fayard]

«Nous sommes en guerre». Ces quatre mots l’avocat Gilles-William Goldnadel les répète à de nombreuses reprises dans son dernier ouvrage, «Journal de Guerre, c’est l’Occident qu’on assassine». Un journal qui commence le 7 octobre 2023, lorsque le Hamas a lancé ses attentats contre Israël.

Dans «Journal de Guerre», Gilles-William Goldnadel a livré deux mois de pensées, réflexions et émotions parfois à l’état brut. Deux mois durant lesquels le conflit ouvert par le Hamas contre Israël s’envenime et où l’antisémitisme rejaillit partout dans le monde. Avocat et essayiste franco-israélien, Gilles-William Goldnadel s’est confié à CNEWS et livre sa vision du monde à la lumière de ce drame.

Pourquoi vous êtes-vous lancé dans la rédaction de ce livre sous forme de journal de guerre ? 

Gilles-William Goldnadel : Je n’ai pas eu l’idée, c’est la patronne des éditions Fayard, Isabelle Saporta, qui me l’a proposé. Il se passe ce drame du 7 octobre et Isabelle m’appelle et me dit, tu devrais faire quelque chose là-dessus. On était le 8-9 octobre, encore tétanisé, il m’est paru naturel de faire un journal. C’était d’autant plus naturel que c’était curatif pour moi. Et cela m’a fait du bien dans le mal que je traversais. 

Il est certain que je me laisse aller librement à mes états d’âme, à ma sidération à ma colère, à mon chagrin, à mon inquiétude, à mon sentiment d’injustice, à ma déploration, à ma déception, à mon humiliation. Je passe par tous ces états mais c’est également un livre de réflexions en profondeur non seulement sur la situation en Israël mais aussi sur celle de la France.

Je montre qu’ils ont des ennemis, des dangers communs et je le vis dans mon chagrin comme un Franco-Israélien, comme un juif et comme un citoyen du monde. Comme un enfant de juifs dont certains ont été déportés et comme un père qui a ses enfants en Israël et ma réflexion porte sur l’injustice, l’idéologie et sur les dangers de l’extrême gauche contre laquelle je mets en garde depuis plus de 30 ans. 

A plusieurs reprises vous évoquez «le juif en pyjama rayé». Pourquoi cette allégorie ?

Je n’ai jamais été un juif de la Shoah. D’abord parce que je ne suis pas dans le pathos, je suis dans une sorte de deuil silencieux bien que je pense à la Shoah tous les jours. Mais je n’aime pas l’exploitation de la Shoah. Je n’aime pas ce que j’ai appelé dans d’autres livres «mettre le monde à la sauce Shoah». Non seulement par respect pour l’immensité indicible de la Shoah mais aussi parce que je n’étais pas pour l’antinazisme devenu fou.

Le Hamas ignore les Israéliens, il ne connaît que les Juifs.

A cause de cela, je me suis toujours gardé de faire des comparaisons qui n’étaient pas raisonnées et notamment j’ai détesté le «CRS SS de mai 1968». Et voilà que le chantre de la détestation de l’antinazisme devenu fou, que je suis, se sent obligé devant ce Pogrom du 7 octobre de tracer malgré lui ce parallèle terrible entre la Shoah et ce Pogrom. J’affirme que le Hamas, quand il massacre des bébés et des femmes, ne le fait pas contre des Israéliens mais contre des juifs parce que le Hamas ignore les Israéliens, il ne connaît que les Juifs.

Forcément depuis le 7 octobre, je suis dans ce sentiment, alors même que je réprouvais cette démarche mais cela tombe bien car je ne suis pas dans la réflexion, je suis dans le réflexe. C’est le cœur qui parle mais je me réveille vite de cet état de sidération parce que la différence : c’est que l’Israélien, se bat, tue même mais pour se défendre. Il demeure malgré tout le juif antishoatique qui s’oppose au juif en pyjama rayé qui ne se défend pas et se laisse tuer.

Vous écrivez dans votre livre : «Qui aura le courage de dire à la rue arabe de 2023 qu’elle ressemble aux foules hitlériennes de 1933 ?» ou encore «peste brune hier, peste rouge aujourd’hui». Comment en êtes-vous arrivé au constat que «la lutte contre l’extrême gauche, c'est le combat de [votre] vie» ?

Je suis arrivé à ce constat par les fruits amers de l’expérience. Je ne l’ai pas découvert en octobre 2023. Toute ma création intellectuelle, tout mon combat politique est de montrer que l’antisémite a changé de trottoir. En 1923, il était sur celui de droite, en 2024 il est sur le trottoir de gauche. En vérité, c’est le même antisémite, c’est simplement que c’est le juif qui a changé. Et donc l’antisémite «mutant» a ce génie de suivre les évolutions du juif à la trace.

Quand le juif n’avait pas d’Etat, l’antisémite d’extrême droite le traitait de «veule apatride» et l’antisémite d’extrême gauche a renversé ce stéréotype mensonger maintenant qu’il a un «Etat, il le traite de «nationaliste belliqueux». Comme je le dis souvent, c’est l’antisémite qui demande au juif : «dis-moi comme tu es, je te dirais que je te hais».

Vous avez eu des mots qui peuvent être jugés très durs à l’égard de certains médias, notamment dans leur couverture du conflit entre Israël et le Hamas. Qu’est-ce qui vous a conduit à un tel sentiment de rejet à l’encontre de ces rédactions ? 

L’écoute ! L’écoute journalière figurez-vous. J’ironise en disant que peut-être que je suis masochiste, une chose est sûre, je le fais dans le cadre de mon devoir de vigilance citoyenne. Vous parlez à un contribuable qui paie ses impôts, sans grand enthousiasme mais il les paie. Il se trouve que parmi mes impôts, on m’impose de payer France Inter, France Info, France 2, dans le cadre de l’audio-visuel du service public, que j’appelle moi «l’odieux visuel de sévices publics» et c’est une atteinte terrible au pluralisme. Ce n’est pas tant qu’ils véhiculent très largement la pensée d’extrême gauche. Il ne me dérangerait pas qu’ils prennent quelques éditorialistes d’extrême gauche de talent, ils en ont ! C’est qu’en réalité l’ensemble de la station est monocolore.

Une atteinte terrible au pluralisme

Ils véhiculent (Ndlr. France Inter) la pensée d’extrême gauche du matin jusqu’au soir sans répit, de leurs humoristes, si j’ose dire, «avec prépuce» pour paraphraser Guillaume Meurice jusqu’à leur éditorialiste, jusqu’au directeur de la matinale qui vient de Libération.

C’est déjà assez irritant de manière générale, mais de la part d’une radio de service public c’est contraire à son cahier des charges, c’est illicite, c’est illégal. Donc, il me plaît à montrer que notamment dans le domaine proche-oriental, ils sont d'une malhonnêteté intellectuelle invraisemblable. Mon livre prend des exemples, je ne me contente pas de pérorer. Je montre que tous les matins que Dieu fait ou le Diable, je ne sais pas, ils commencent par un bulletin victimaire qui émane du Hamas, une organisation terroriste et quelques fois ils ne le sourcent même pas.

L’écoute permet une critique documentée et je peux vous dire que tous les jours, je m’amuse à montrer à quel point France Inter, France Info… trahissent leur mission et j’ai la faiblesse de penser que j’ai apporté à certains le décodeur.

Vous dîtes dans votre livre ne pas avoir voulu voir les images des événements du 7 octobre, y êtes-vous parvenu depuis ? 

Je ne regarde rien. Je ne sais pas à quoi ressemble un otage. Je n’écoute pas le discours des familles d’otages. Je n’ai pas vu les corps décapités. Je n’ai pas vu les femmes éventrées. Je me suis protégé au maximum contre la douleur d’une part et parce que je ne veux pas être pris en otage moi-même.

«Journal de guerre, c'est l'Occident qu'on assassine», Gilles-William Goldnadel, ed. Fayard, 19,50 €. 

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