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Franck Sorbier, grand couturier à la Fashion Week de Paris : «Il n'y a qu'en haute couture que l'on peut se permettre autant de créativité»

Grand couturier et maître d’art, Franck Sorbier a présenté sa collection haute couture été 2024 au studio Harcourt, lors de la Fashion Week de Paris. CNEWS a eu le privilège d’échanger avec ce créateur inclassable avant son show, qui met ses rêves en scène, en faisant rimer éthique et esthétique.

Quelles ont été vos inspirations pour l’élaboration de cette nouvelle collection de haute couture ? 

Le titre de la collection, c'est «Le Chant des Guérisseuses». On va entendre de la polyphonie corse pendant toute la présentation. Cette collection est un hommage aux femmes qui ont été considérées à certains moments de l'histoire comme des sorcières, car elles avaient des dons surnaturels. Finalement, on se rend compte au travers de la littérature qu'à la préhistoire, ces femmes existaient déjà, elles connaissaient toutes les vertus des plantes. Je trouvais cela intéressant de faire une sorte de balade à travers cette thématique. 

Vous êtes connu pour proposer des mises en scène toujours originales lors de vos défilés. Pourquoi est-ce important pour vous ? 

Je trouve que si l’on fait simplement défiler des mannequins les unes derrière les autres, autant faire un catalogue. Les premiers défilés que j'ai vu, dans les années 1980, procuraient de vraies émotions. Quelques années plus tard, quand les Japonais Yohji Yamamoto et Rei Kawakubo (Comme des Garçons, NDLR) sont arrivés, il y a eu un chamboulement dans la façon de marcher des mannequins, mais toujours avec une émotion. Aujourd'hui, cette émotion a disparu. 

Il n'y a plus beaucoup de jeunes qui ont envie de tirer l'aiguille.

Le titre de Maître d’Art vous a été décerné en 2010. Qu’est-ce que cela vous a apporté ? 

Le label de Maître d'art est décerné par le ministère de la Culture. Je suis le seul couturier à avoir le label de Maître d'art. C'est honorifique, et cela correspond au travail que je fais. Je me considère plus comme un artisan d'art que comme un couturier. Aujourd'hui, être un couturier ou un directeur artistique suppose certains moyens, une certaine communication.

Je me sens plus proche de couturiers d'une certaine époque aujourd'hui révolue, comme Cristóbal Balenciaga ou Azzedine Alaïa. Aujourd'hui, si vous demandez à des jeunes ce qu'ils veulent faire, ils souhaitent tous devenir directeur artistique. Il n'y en a pas beaucoup qui ont envie de tirer l'aiguille. Beaucoup ont envie de diriger, d'être dans de la gestion d'équipe, plutôt que d'être dans de la création.

Quels sont les artisanats que vous tentez de préserver au sein de votre maison ? 

Tout d’abord, il y a la compression (assemblage de plusieurs morceaux de tissus, NDLR), le fer de lance de la Maison. Il y a aussi I’incrustation de dentelles, que j’aime bien appeler «mosaïques de dentelles», car j'en mélange plusieurs sortes, qui ont des origines et des qualités différentes. Sans oublier le macramé, la lirette, le plissé… 

La cause animale est un sujet qui me tient à cœur.

Vous évoluez dans le monde de la création et de la mode depuis la fin des années 1980. Vous avez présenté votre première collection à l’âge de 26 ans. La mode a-t-elle évolué comme vous le souhaitiez ? 

Non pas du tout. Je trouve qu'il y a une grande différence entre la mode et la création, et entre la mode et la haute couture, qui est un peu à part. Toutefois, je me sens plus libre qu'à mes débuts. Quand on a du succès rapidement, ce n'est pas toujours facile à gérer. Il faut que le mouvement suive, il faut s'accrocher. On peut vite passer aux oubliettes. Je me sens plus proche de ce dont j'ai toujours eu envie, aujourd'hui. La couture est une sorte de bulle, complètement à part. Il n'y a qu'en haute couture que l'on peut se permettre autant de créativité.

Mais une créativité qui défend une mode responsable. Vous refusez par exemple d’utiliser de la fourrure.

En effet, la cause animale est un sujet qui me tient à cœur. Cependant, je ne sauterai pas sur une personne qui porte un manteau de fourrure. Tout le monde a le droit d’avoir ses opinions. Je ne mange pas de viande car je trouve que ces mammifères sont très proches de nous. Il n’y a rien de plus horrible que de se dire qu’on est élevé pour être abattu.

Mes clientes n’ont pas froid aux yeux.


Quel est le profil des clientes qui s’habillent en Franck Sorbier ?

Une chose est sûre, mes clientes n’ont pas froid aux yeux ! Certaines veulent se faire remarquer à tout prix, tandis que d’autres, plus discrètes, recherchent une robe qui ne passe pas par-dessus elle et veulent qu’on leur dise : «Tu es ravissante ce soir». 

Mylène Farmer ou encore Johnny Hallyday ont fait appel à votre talent pour confectionner leurs costumes de scène. Aujourd’hui, pour quelle star aimeriez tout particulièrement créer une tenue ? 

Je n’ai personne en tête. Mais peut-être qu’une star se présentera après le défilé ! Je constate qu’il y a de moins en moins d’artistes qui produisent des shows à l’américaine, ce n’est plus dans l’air de temps. Or mes créations peuvent s’inscrire dans ce type de prestations. Aujourd’hui, mon rêve absolu c’est d’habiller des danseuses.

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