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En Scandinavie, le responsable politique est intègre ou n'est pas

La ministre suédoise du Développement, Gunilla Carlsson, le 25 septembre 2012 à New York [Larry Busacca / Getty Images/Archives/AFP] La ministre suédoise du Développement, Gunilla Carlsson, le 25 septembre 2012 à New York [Larry Busacca / Getty Images/Archives/AFP]

La Scandinavie, où avoir un comportement intègre est simplement une marque de bon sens pour les responsables politiques, est aux antipodes du débat qui secoue la France sur la moralisation de la vie publique.

Huit jours après les aveux de Jérôme Cahuzac, l'ancien ministre du Budget qui a reconnu avoir disposé d'un compte secret à l'étranger, le gouvernement français a présenté mercredi de premières mesures pour moraliser la vie publique et la rendre plus transparente.

En Suède, comme en Norvège, les revenus et la fortune de tous les citoyens relèvent du domaine public, la transparence, un principe constitutionnel, est donc une valeur intrinsèque de la vie publique.

Les responsables politiques suédois "n'ont naturellement pas besoin d'être infaillibles mais ils doivent vivre d'après leurs principes et ne pas tricher avec l'administration fiscale", explique à l'AFP Lena Melin, rédactrice en chef des pages politiques du tabloïde de gauche, Aftonbladet.

"Si une erreur s'est insérée dans leur déclaration d'impôts, elle ne doit pas être délibérée", poursuit-elle. Et, s'ils ont de l'argent, "il faut l'avoir bien gagné ou en avoir hérité".

Le comportement des haut responsables est largement épluché par les médias. En 2006, après avoir reconnu ne pas avoir payé de redevance télé pendant plusieurs années, la ministre de la Culture, Cecilia Stegö Chilo avait été contrainte à la démission dix jours après sa nomination.

En 2010 en Norvège, le chef de la diplomatie d'alors, Jonas Gahr Stoere, avait dû restituer à son ministère des tapis qui lui avaient été offerts en Afghanistan, pour se conformer aux règles imposées alors uniquement aux haut-fonctionnaires. La réglementation a depuis été renforcée et les ministres sont priés de rendre à l'Etat tous les cadeaux remis dans l'exercice de leur fonction.

"La morale est devenue plus présente", constate un politologue de l'Université de Stockholm, Tommy Möller. "La logique médiatique a tendance à se concentrer sur les écarts moraux".

"Si on ment ou si on est hypocrite, on tombe", remarque la ministre suédoise du Développement, Gunilla Carlsson.

Vice-présidente du parti conservateur, le plus grand de la coalition gouvernementale à la tête du royaume depuis 2006, elle est fière de la confiance que les Suédois accordent aux responsables politiques.

Mona Sahlin, le 2 août 2011 à Stockholm [Jonathan Nackstrand / AFP/Archives]
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Mona Sahlin, le 2 août 2011 à Stockholm

Selon les statistiques officielles, ils étaient 44% à leur faire confiance en 1988 et 61% en 2010. En France, au contraire, d'après une étude du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), la confiance est à la baisse. 40% des Français avaient confiance en leur député et 26% à leur gouvernement en décembre 2012. Ils étaient respectivement 47% et 32% en décembre 2009.

"En Suède, on ne voit pas les responsables politiques comme une élite", affirme la ministre. "Mes électeurs veulent que je prenne le bus, que je sois comme eux, et c'est très sain, très bien".

Lors de la dernière campagne électorale, "une équipe de télévision française m'a suivie, ils étaient très étonnés car je mangeais des sandwiches à midi et je payais avec ma carte bancaire personnelle", s'amuse Mme Carlsson.

Vis-à-vis de l'opinion, le moindre écart peut conduire à une condamnation à mort symbolique.

La mort politique, Mona Sahlin l'a côtoyée. En 1995, alors qu'elle était pressentie pour diriger le puissant parti social-démocrate, à la tête de la Suède lors de 69 des 100 dernières années, elle a du démissionner. La presse avait révélé qu'elle avait utilisé la carte de crédit du gouvernement pour faire des courses. L'achat de couches et de deux barres de chocolat est devenu emblématique et fait encore trembler les responsables politiques.

Après une longue traversée du désert, Mona Sahlin est revenue. Elle a fini par être élue à la tête de son parti en 2007 mais n'a pas résisté à sa défaite lors des législatives de 2010 et a quitté son poste l'année suivante.

Le système, lui-même, est transparent. Une simple demande aux services fiscaux, et tout un chacun peut consulter la déclaration fiscale de son voisin, qui sera naturellement informé.

Après leur nomination, les ministres présentent au service du gouvernement une liste de l'ensemble de leurs biens, revenus, intérêts économiques et comptes en banque, qui doit être actualisée tous les six mois.

Les parlementaires déclarent revenus et intérêts économiques sur un registre public, tout changement devant être notifié. Ils ne sont soumis à aucune interdiction d'exercer une profession, l'objectif étant qu'ils représentent la diversité de la société suédoise.

En Norvège voisine, les ministres, dont le patrimoine est connu grâce aux déclarations d'impôts, sont également invités à décliner toutes leurs fonctions dans la sphère économique dans un registre public.

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