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Le président de la COP28 accusé de «verdir» son image sur Wikipédia

La semaine dernière, 130 législateurs américains et européens ont pris position pour que le Sultan Ahmed Al Jaber soit démis de ses fonctions de président de la COP28. [Abdel Hadi Ramahi/REUTERS]

Critiqué pour son rôle de PDG de la compagnie pétrolière nationale d’Abou Dhabi (Adnoc), le président de la COP28, Sultan Al Jaber, a été accusé ces dernières semaines de vouloir redorer son image en faisant du «greenwashing» sur Wikipédia.

Une bataille numérique pour s’attirer la sympathie du grand public. Critiqué pour son rôle de PDG de la compagnie pétrolière nationale d’Abou Dhabi (Adnoc), le président de la COP28, Sultan Al Jaber, a été accusé ces dernières semaines de vouloir redorer son image en faisant du «greenwashing» sur Wikipédia.

Le Centre for Climate Reporting et The Guardian ont révélé ce mardi une série de modifications apportées à la page Wikipédia du Sultan depuis mars 2022, dans le but de «verdir» son image avant la conférence sur le climat en novembre prochain.

La première intervention a été faite par un utilisateur du site internet, payé par Adnoc. Ce dernier a suggéré aux éditeurs de Wikipédia de supprimer un passage sur un accord de quatre milliards de dollars, soit 3,73 milliards d’euros, datant de 2019. Le contrat en question, signé entre Al Jaber et les géants américains de l'investissement BlackRock et KKR, portait sur le développement de l'infrastructure des oléoducs aux Emirats Arabes Unis.

Un soupçon de conflit d’intérêt pour son chef marketing

En février dernier, le chef marketing d’Al Jaber, Ramzi Haddad, a effectué plusieurs modifications sur la page Wikipédia de la COP28 sous le pseudonyme «Junktuner». Ce dernier a notamment répondu à une accusation formulée par Amnesty International à l’encontre de son patron.

«Sultan Al Jaber ne peut pas être un intermédiaire honnête pour les négociations sur le climat alors que l'entreprise qu'il dirige prévoit de causer encore plus de dégâts climatiques», a souligné l’ONG dans une citation reprise sur la page Wikipédia de la COP28.

Ramzi Haddad a ajouté en dessous de cette critique une autre citation, extraite d’un éditorial de Bloomberg : «Al Jaber est précisément le type d'allié dont le mouvement pour le climat a besoin». Pour accompagner cette phrase, le chef marketing du président de la prochaine COP a ajouté des liens vers le site internet et en direction des médias sociaux du Sultan Al Jaber.

L'administrateur de la page Wikipédia a vivement critiqué la réponse apportée par ce dernier. «La nature de vos modifications, comme celles que vous avez apportées à la Conférence des Nations unies sur le changement climatique de 2023, donne l'impression que vous avez un intérêt financier non divulgué dans la promotion d'un sujet. Il est fortement déconseillé aux défenseurs rémunérés d'éditer directement des articles», a rappelé l’administrateur à Ramzi Haddad.

Après avoir avoué l’existence d’un conflit d’intérêt et assuré qu’il ne modifierait plus aucune page internet en lien avec le sujet, le directeur marketing n’a pourtant pas cessé d’apporter des ajouts mineurs sur d’autres pages Wikipédia.

Son rôle de PDG d’Adnoc au cœur de la polémique

La semaine dernière, 130 législateurs américains et européens ont pris position pour que le Sultan Ahmed Al Jaber soit démis de ses fonctions de président du sommet pour le climat.

Les Émirats Arabes Unis, à la tête de près de 6% des réserves mondiales de pétrole, ont été largement critiqués pour avoir nommé leur ministre de l’industrie et des technologies avancées à la tête de la COP28. 

Son rôle de PDG d’Adnoc a suscité la polémique, car sa société a planifié une expansion majeure de la production de combustibles fossiles des Émirats Arabes Unis. Cette décision va pourtant à l’encontre des recommandations de l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Cette dernière a milité pour la fin des projets pétroliers et gaziers pour parvenir à un objectif de zéro émission nette de carbone d’ici 2050.

«Polir l’image» du président de la COP28

Les dirigeants de la COP28 ont nié les accusations de «greenwashing» lancées à l’encontre du Sultan Al Jaber. «La Cop28 a veillé et continuera de veiller à ce que les descriptions en ligne de la présidence de la COP28 soient exactes sur toutes les plates-formes en ligne, y compris Wikipédia», a affirmé un porte-parole du sommet, relayé par le journal britannique, avant d’ajouter que les changements étaient «tous fondés sur des preuves».

Une réponse qui n’a pas convaincu les observateurs internationaux. Marwa Fatafta, qui dirige les travaux menés au Moyen-Orient par le groupe de défense des droits numériques Access Now, a déclaré que ces révélations «alarmantes» témoignaient de tentatives des Émirats arabes unis pour «contrôler le récit» et «polir l'image d'Al Jaber». 

Une analyse partagée également par le Parti vert au Royaume-Uni. «Les compagnies pétrolières et leurs PDG poussent l'écoblanchiment à son paroxysme en prenant le contrôle des conférences mondiales sur le climat, puis en demandant à leurs propres employés d'effacer les critiques de leur hypocrisie flagrante sur Wikipédia», a déclaré Caroline Lucas, députée britannique du parti écologiste.

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