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Féminicide de Mérignac : ce que l'on sait de la mort de Chahinez, 31 ans, brûlée vive par son mari

Elle s'appelait Chahinez et avait 31 ans. Mardi 4 mai, à Mérignac, près de Bordeaux, cette mère de trois enfants est morte, brûlée vive par son mari dont elle avait déjà signalé les violences.

Tuée en pleine rue

Selon les informations communiquées par la procureure de Bordeaux, Frédérique Porterie, ce jour-là Mounir B., 44 ans, a stationné sa camionnette devant la maison de son épouse, dont il était séparé, et a surveillé ses allers et venues toute la journée.

Aux alentours de 18h10, alors que la jeune femme sortait de chez elle, il l'a poursuivie dans la rue et a tiré plusieurs coups de feu, dont deux en direction des jambes de la victime pour «prévenir toute fuite», selon Frédérique Porterie. Touchée aux cuisses, Chahinez s'est effondrée tandis que son agresseur récupérait dans sa camionnette un bidon de liquide inflammable dont il l'a aspergée, avant de l'immolée par le feu.

Par la suite, il est revenu sur ses pas pour brûler la maison. Selon le parquet, Mounir B. a été arrêté environ une demi-heure plus tard, alors qu'il «était porteur d'un fusil de calibre 12, d'un pistolet à gaz et d'une ceinture de cartouches».

Selon les premières conclusions de l'autopsie, Chahinez est morte d'une «détresse respiratoire aigue secondaire à une combustion vitale». En l'état «on peut donc penser» que la victime était encore en vie lorsqu'elle a été immolée, précise la procureure de Bordeaux.

Un récidiviste

Le casier judiciaire du meurtrier de Chahinez était déjà lourd de sept condamnations. Entre 2004 et 2020, Mounir B. a eu affaire à la justice à de multiples reprises, pour conduite en état d'ivresse, vol avec destruction ou dégradation et violences avec usage et menace d'une arme.

La procureure de Bordeaux mentionne notamment une condamnation pour «violences par conjoint en présence d'un mineur» le 25 juin 2020, avec une peine de 18 mois de prison dont 9 mois avec sursis et mandat de dépôt à l'audience. Il s'agissait déjà d'une récidive, sur la même victime, à savoir sa femme.

«A compter du 5 octobre» de la même année, Mounir B. a bénéficié d'une mesure de placement extérieur spécifique pour les auteurs de violences conjugales. Libéré le 9 décembre 2020, «il était depuis suivi par le service pénitentiaire d'insertion et de probation de la Gironde», précise le parquet.

Il était notamment soumis à «une obligation de soins» et à «l'interdiction d'entrer en contact avec la victime» ou «de paraître à son domicile». Chahinez ne disposait pas de téléphone grave danger (TGD) et son bourreau n'avait pas de bracelet anti-rapprochement. Ce dernier a «reconnu être entré en contact à plusieurs reprises avec la victime et ce en totale contradiction avec les interdictions qui lui avaient été notifiées», précise Frédérique Porterie.

Le 16 mars dernier, la jeune femme avait d'ailleurs à nouveau déposé plainte au commissariat de Mérignac, signalant une nouvelle agression de la part de son mari. Le parquet affirme que l'intéressé, recherché par la police, était alors resté «introuvable».

Interrogé sur ses motivations, Mounir B. a indiqué qu'il était convaincu que son épouse «avait un amant et qu'elle le manipulait», selon ses propres mots, relayés par la procureure de Bordeaux. Décidant de «la punir», il dit avoir voulu «brûler un peu sa femme pour lui laisser des marques» mais nie avoir cherché à la tuer. Selon lui, les armes en sa possession ont été achetées auprès de «clandestins croisés en ville».

Une «mission d'inspection» diligentée

Après prolongation de sa garde à vue, Mounir B. a été déféré ce jeudi 6 mai pour une ouverture d'information judiciaire, des chefs «d'homicide volontaire par conjoint, destruction volontaire par incendie et violences sans ITT, avec arme en récidive légale».

Par ailleurs, jeudi 6 mai, Gérald Darmanin et Eric Dupond-Moretti, respectivement ministres de l'Intérieur et de la Justice, ainsi que Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté, ont conjointement saisi l'inspection générale de l'administration et l'inspection générale de la justice.

Ils diligentent ainsi «une mission d'inspection de fonctionnement [...] sur les faits criminels survenus ce mardi à Mérignac». Concrètement, des inspecteurs sont dépêchés sur place afin d'identifier d'éventuels manquements dans la gestion de cette affaire.

Ils sont chargés de «vérifier les modalités de mise en oeuvre de la mesure de sursis probatoire» dont Mounir B. a fait l'objet, d'«examiner si cette prise en charge a été correctement effectuée et suivie» et enfin «d'analyser les suites réservées à la plainte du 16 mars 2021 déposée par la victime». Les premières conclusions de cette mission sont attendues le 11 mai prochain.

Des réactions entre colère et émotion

Mercredi soir, 300 personnes se sont rassemblées en hommage à Chahinez, à l'appel de collectifs de défense des femmes. Elles ont déposé fleurs et bougies près des lieux du drame et quelques mots ont été inscrits sur le trottoir : «On ne t'oublie pas».

Dans l'entourage de la victime, plusieurs personnes étaient au courant des violences qu'elle subissait. Une de ses voisines, Anne, raconte que la jeune femme qualifiait son mari de «monstre».

Elle se souvient d'avoir vu son visage marqué de «deux yeux au beurre noir» et affirme que Chahinez a «eu le larynx écrasé» en juin dernier. «Il n'a fait que trois mois de prison et il continuait à circuler dans le quartier», s'indigne la voisine.

Originaire d'Algérie, la victime était arrivée en France il y a cinq ans, avec ses deux enfants de 12 et 7 ans, issus d'un premier mariage. Elle a eu son troisième fils, âgé de 5 ans, avec Mounir B. C'est pourquoi l'une de ses connaissances, Chahima, âgée de 19 ans, a décidé d'ouvrir une cagnotte sur Instagram (TousavecChahinez) «pour qu'elle puisse être enterrée en Algérie auprès de sa famille».

Sur Twitter, plusieurs associations ont directement mis en cause la responsabilité de l'Etat dans la mort de la jeune femme. Elles soulignent notamment que le ministère de l'Intérieur avait annoncé en février que les préfets avaient pour consigne de «systématiquement saisir les armes des conjoints violents dès la plainte».

«En plus d'être multirécidiviste, il avait une arme à feu ! Encore ! Mais que fait Gérald Darmanin ?», a écrit la présidente de la Fondation des femmes, Anne-Cécile Mailfert. «Inaction de l'Etat, tout le monde savait qu'il était dangereux et armé», a accusé Osez le féminisme.

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