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A PSA Aulnay, la grève paralyse les ateliers

Des ouvriers devant une chaîne de montage le 10 avril 2013 à l'usine PSA Peugeot Citroën à Aulnay-sous-Bis [Fred Dufour / AFP] Des ouvriers devant une chaîne de montage le 10 avril 2013 à l'usine PSA Peugeot Citroën à Aulnay-sous-Bis [Fred Dufour / AFP]

Production au compte-gouttes, ouvriers dans l'attente et un sentiment d'amertume qui se généralise: à l'usine PSA d'Aulnay-sous-Bois, vouée à la fermeture en 2014, un climat de lente agonie a envahi les ateliers, paralysés depuis trois mois par une grève de longue haleine.

"Avant, ça tournait à plein régime. Aujourd'hui, il n'y a presque aucune voiture qui sort de l'usine", dit Harfaoui, lunettes fines, cheveux grisonnants, en désignant la chaîne de montage à l'arrêt.

"Ça fait bizarre de voir l'usine comme ça. Mais c'est la seule façon qu'on a de se faire entendre", assure cet ouvrier gréviste de 61 ans.

Comme lui, ils sont entre 150 et 200 à participer activement au mouvement, lancé le 16 janvier par la CGT, Sud et la CFDT pour contester la fermeture de l'usine de Seine-Saint-Denis, qui emploie près de 3.000 personnes. Un "noyau dur" déterminé, qui multiplie les actions à l'intérieur comme à l'extérieur du site.

"On est là tous les jours, on tient bon", assure Samir, ouvrier à Aulnay depuis vingt ans, en sirotant un café au coeur de l'atelier de montage rebaptisé "place de la grève". "L'usine va fermer, de toutes façons, donc on n'a rien à perdre", ajoute-t-il.

Des grèvistes  le 10 avril 2013  à l'usine PSA Peugeot Citroën à Aulnay-sous-Bis [Fred Dufour / AFP]
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Des grèvistes le 10 avril 2013 à l'usine PSA Peugeot Citroën à Aulnay-sous-Bis
 

A l'écart, une trentaine de cadres, venus pour certains d'autres sites, discutent calmement. "Ils sont là toute la journée pour nous surveiller. On les appelle les pots de fleurs", ironise Samir.

Dans les allées, le long des carcasses de voitures immobiles, des ouvriers en blouse grise attendent un hypothétique redémarrage de la chaîne. Certains pianotent sur leur téléphone portable. D'autres bavardent, les bras croisés. "Parfois on joue aux cartes ou aux dominos. On tue le temps comme on peut", confie une non-gréviste.

Face au blocage, la direction a décidé de ne faire tourner l'usine -- qui produisait avant la grève près de 500 Citroën C3 par jour -- que le matin, de manière provisoire. Une situation qui rend l'ambiance "encore plus étrange", selon cette salariée.

"Ça sent la fin"

Un grèviste face à un chef le 10 avril 2013  à l'usine PSA Peugeot Citroën à Aulnay-sous-Bis [Fred Dufour / AFP]
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Un grèviste face à un chef le 10 avril 2013 à l'usine PSA Peugeot Citroën à Aulnay-sous-Bis
 

Une rafale de pétards, soudain, retentit dans l'atelier. Des grévistes se sont approchés des cadres chargés de veiller au calme. "A la niche ! A la niche !", crient les manifestants. En rang serré, les cadres font front sans sourciller.

"Ils leur mettent la pression en permanence", pointe sous le couvert de l'anonymat un ouvrier, chez PSA depuis plus de trente ans. "Il y a des tensions importantes. Ceux qui bloquent l'usine sont une minorité", regrette-t-il.

Personnes prises en chasse, extincteurs projetés sur les vitres d'un bureau, jets de boulon, crachats... Ces dernières semaines, plusieurs incidents ont émaillé le mouvement. Deux grévistes ont été licenciés, et plusieurs autres font l'objet de procédures de mise à pied.

"La tension est un peu retombée, mais on sent que ça peut déraper à tout moment", analyse Tanja Sussest, du syndicat maison SIA (majoritaire), très critique vis-à-vis du mouvement et des "débordements". "Trois mois qu'ils sont en grève et qu'est-ce qu'ils ont obtenu? Rien. Ils ont plutôt rendu service à la direction", estime-t-elle.

Un ouvrier sur  une chaîne de montage le 10 avril 2013 à l'usine PSA Peugeot Citroën à Aulnay-sous-Bis [Fred Dufour / AFP]
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Un ouvrier sur une chaîne de montage le 10 avril 2013 à l'usine PSA Peugeot Citroën à Aulnay-sous-Bis
 

Des reproches balayés par Jean-Pierre Mercier, responsable CGT. "Beaucoup de non-grévistes nous soutiennent", assure le délégué syndical, qui se dit "prêt à poursuivre le combat".

"Grâce à la caisse de grève (alimentée par des dons, ndlr), la paye du mois d'avril est quasiment assurée pour les grévistes. Et on se prépare moralement pour continuer au mois de mai", prévient-il.

Cette stratégie au long cours pourrait-elle précipiter la fermeture de l'usine? La direction, qui évalue la perte de production à 14.000 véhicules depuis le début de la grève, assure que le calendrier original, avec une fermeture début 2014, sera respecté. Mais beaucoup, dans l'usine, se disent "inquiets" face à l'absence de perspective de sortie de crise.

"Déjà 400 personnes ont quitté l'usine dans le cadre des mesures de mobilité temporaire", principalement vers l'usine de Poissy, qui produit elle aussi la C3, souligne Brahim Loujahdi, délégué CFTC. Ces dernières semaines, le site des Yvelines a connu une "montée de cadence" qui se poursuivra jusqu'à l'été pour rattraper le retard cumulé à Aulnay. "L'activité a d'ores et déjà été été transférée sur Poissy", analyse Tanja Sussest. "Pour Aulnay, ça sent la fin".

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