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Quand l'élite de Polytechnique se mêle aux pompiers

Des élèves de l'Ecole Polytechnique lors du défilé du 14 juillet 2013 à Paris [Lionel Bonaventure / AFP/Archives] Des élèves de l'Ecole Polytechnique lors du défilé du 14 juillet 2013 à Paris [Lionel Bonaventure / AFP/Archives]

"Gagner en maturité", "diriger": Antoine Michon, 20 ans, élève de la prestigieuse Ecole Polytechnique et stagiaire sans expérience, apprend chez les pompiers de Paris à commander les hommes du feu, dont il gagne la confiance en leur donnant des cours de maths et de physique.

Allure frêle et élancée, l'aspirant Michon, les aide à préparer leurs examens en vue de leur avancement. Un moyen de montrer aux militaires de la caserne de Chaligny, dans l'est de Paris, qu'il a une "certaine légitimité" pour les commander.

Même si "d'un point de vue pédagogique, ce n'est pas très intéressant", nuance ce fort en maths, qui a intégré Polytechnique en septembre, après deux années de classe préparatoire.

Dès leur arrivée en première année, les 500 élèves de "X", qui bénéficient du statut d'officier, effectuent un stage d'incorporation - un mois au camp militaire de La Courtine (Creuse) -, puis un stage de six mois dans un corps d'armée ou une association caritative.

L'école enseigne ainsi les rudiments de l'armée et le sens de l'"intérêt général", du "service à la Nation", comme l'explique l'établissement.

"Être pompier n'a jamais été un rêve d'enfant", confie Antoine Michon, qui explique avoir postulé à ce stage pour "avoir un contact avec les gens, la population".

A Chaligny, une caserne vieille de plus de 120 ans, les sapeurs-pompiers en ont vu défiler des élèves des grandes écoles, pas toujours "débrouillards", glissent-ils. "L'aspirant Michon s'intègre bien, il est bon", jugent laconiques les plus hauts gradés.

Et pourtant, la première fois qu'il a pris part au traditionnel rassemblement matinal, Antoine a commis un impair de taille en se présentant en habits civils au lieu de la tenue de feu, conforme à l'usage. "Je détonnais", s'amuse-t-il.

- "Pas mal sur les interventions" -

C'était il y a six mois, à ses débuts de chef d'agrès, c'est-à-dire chef des véhicules de secours et d'assistance aux victimes, quand pour "gagner en légitimité" auprès de pompiers aguerris ayant le double de son âge, Antoine a dû "apprendre par cœur le livre théorique sur le secourisme".

"Il est pas mal sur les interventions et s'est très bien intégré ici", commente sobrement Johann Drux, 34 ans, un des caporaux-chefs travaillant sous ses ordres. "On ne s'interroge pas sur le fait qu'Antoine soit plus jeune que nous, et qu'il nous commande", explique-t-il.

"Sixième plus haut gradé de la caserne", l'aspirant ne tergiverse plus sur le terrain au moment de prendre des décisions. Lorsque sur un marché bondé de la capitale, un homme apparemment ivre s'effondre devant un étal de fruits et légumes, il évacue avec fermeté la foule des badauds venus voir l'incident, avant de superviser les premiers soins.

A quelques jours de la fin de cette première expérience, l'aspirant dresse un premier bilan.

"Faire des interventions auprès de gens qui n'ont rien, et qui vous le disent, ça fait s'interroger", admet-il, ému par "cette grande misère", qu'il n'imaginait pas à Paris. "J'ai vu des gens qui vivent à cinq dans un neuf mètres carré... je n'avais jamais vu cette pauvreté", confesse Antoine, dont le père, ingénieur, et la mère, comptable, lui ont offert, dit-il, une "vie de privilégié".

Il a aujourd'hui le sentiment d'"avoir gagné cinq ans de maturité en six mois de stage", même s'il ne souhaite pas particulièrement intégrer l'armée.

Alors que les élèves polytechniciens perçoivent une solde au cours de leurs cinq années d'études, très peu rejoignent la fonction publique d'Etat, la plupart privilégiant une carrière de dirigeants dans le privé.

Fin 2013, les députés avaient pour cette raison décidé de retirer 500.000 euros de la subvention annuelle allouée à Polytechnique.

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