Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour Direct Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.
MERCREDI 12 OCTOBRE
CINÉMA. En deux semaines, le film français Radin ! a réuni 1 505 077 spectateurs. Pourquoi ? Ce titre évoque l’un des travers de caractère les plus souvent rencontrés chez nos concitoyens, et, surtout, il est interprété par Dany Boon qui, depuis le triomphe des «Ch’tis», attire à lui un nombre considérable de gens qui reconnaissent l’homme de tous les jours auquel il arrive des histoires où l’extraordinaire joue avec le banal. Il y a du Bourvil chez lui, mais il n’a pas encore rencontré ce qui fait la différence chez un comique : le ou les rôles dramatiques qui le font sortir de sa catégorie. Bourvil, plusieurs fois, dont l’une avec Le cercle rouge de Melville, mais aussi Raimu, Fernandel, à un moment de leur carrière, ont pu basculer dans la gravité. Bertrand Tavernier, avec son fabuleux Voyage à travers le cinéma français (trois heures onze minutes d’un documentaire subjectif) pourrait raconter cela mieux que quiconque. Sa passion pour le cinéma ne s’arrête pas aux grands auteurs ou acteurs, il a du génie pour mettre en lumière la variété inépuisable des talents français depuis les années 1940. «Lumière», comme le festival qui s’est ouvert à Lyon – organisé par Thierry Frémaux, autre cinglé de cinéma. Notre cinéphilie est sans doute unique au monde.
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LIVRES. Un par jour, sinon plus ! Il ne se passe pas une demi-semaine sans la sortie d’un ouvrage consacré à la politique et à ses acteurs. Après Juppé, Fillon, Sarkozy, après Zemmour, Buisson, avec, au-dessus de cette mêlée, Alain Duhamel (Les pathologies politiques françaises, éd. Plon), dont je reparlerai, voici, encore, un livre sur François Hollande. Le titre annonce la couleur : «Un président ne devrait pas dire ça…», de Gérard Davet et Fabrice Lhomme (éd. Stock). Il va alimenter le brouhaha actuel. Devrait-il vraiment dire «tout cela», ce président qui semble être le journaliste-commentateur de sa propre personne ? Les 633 pages du livre renferment plus de mots, saillies, confidences, caricatures, révélations qu’on a pu en lire dans toute la presse spécialisée depuis le début de ce singulier quinquennat. On va encore une fois s’ébahir, s’épastrouiller devant le nombre d’heures passées à enregistrer les petits et grands aveux d’un président pas «normal» du tout. C’est sans précédent ? Oui. La parution quasi simultanée des lettres d’amour et du journal intime de François Mitterrand à Anne Pingeot accentue le contraste. D’un côté, un pot-pourri de petites phrases. De l’autre, le long et foisonnant secret d’une double vie, celle d’un écrivain qui se voulut aussi président, un «Janus». Gallimard publie les deux ouvrages, Lettres à Anne et Journal pour Anne.
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ÉTATS-UNIS. Ce besoin français de lire et réfléchir, plutôt que voir et subir, est plus valorisant que les horreurs de l’avant et après deuxième débat Trump-Clinton. On avait rarement vu et entendu autant de haine, mensonges, dénis et insultes. Il flottait un air malsain, une odeur pestilentielle. Pourquoi ? Parce que la pratique talentueuse de la télé-réalité a donné à Trump des armes de manipulateur et parce que, de son côté, la pratique dédaigneuse de Hillary Clinton et son art du «bétonnage» face aux questions embarrassantes lui ont donné la maîtrise de la réplique. Autour de tout cela, le sexe, les infidélités, les grossièretés, l’étalage du passé de deux hommes (Bill Clinton et Donald Trump) ont réduit le niveau à moins que zéro. Dans la vie, il faut toujours conserver l’espoir : quand ça tombe aussi bas, forcément, un jour, ça remontera. Où, quand, et grâce à qui ?