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Gérard Collomb : «Nous sommes présents sur tous les fronts»

Le numéro deux du gouvernement, Gérard Collomb, a détaillé à CNEWS Matin son action en matière de sécurité. [N. Revelli-Beaumont / Sipa pour CNEWS Matin].

De la police du quotidien en passant par la loi anti-terroriste et l’ultra-droite, Gérard Collomb s’exprime sur les grands dossiers de sécurité.

Pas de liberté possible sans sécurité. C’est, en substance, le message porté par le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb. Le numéro deux du gouvernement doit en effet composer entre ces deux notions dans la plupart des réformes qu’il porte.

Un exercice d’équilibriste rendu compliqué par l’émergence de nouvelles menaces. Mais pour y remédier, il dispose désormais d’une nouvelle arme à son arsenal : une police du «quotidien». Dévoilée hier par Emmanuel Macron, elle se veut plus proche des citoyens pour mieux les protéger.

A quoi va ressembler la police «de sécurité du quotidien» présentée mercredi ?

C’est une police avec de nouvelles missions, qui sera davantage engagée dans les quartiers et en prise avec les réalités socio-économiques des villes où elle sera implantée. La France étant très diverse, il n’y aura pas de modèle uniforme. Elle sera ainsi amenée à s’adapter au milieu dans lequel elle évolue avec comme seul objectif l’efficacité.

C’est, par exemple, ce qu’ont très bien su faire les gendarmes avec les «brigades de contact», dont l’expérimentation, cette année, a démontré qu’ils ont entretenu une véritable mission d’écoute et de proximité. Nos villes doivent pouvoir bénéficier du même savoir-faire avec cette police, et c’est pourquoi une large consultation sera lancée dès lundi. Les villes-tests seront désignées en décembre, pour une expérimentation dès l’année prochaine.

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Cette police va-t-elle bénéficier de nouveaux outils, notamment numériques ?

Nous devons aller vers la numérisation. Les agents seront équipés de tablettes numériques leur permettant de traiter directement, sur le terrain, et non dans les bureaux, une part importante de leur activité, à l’instar des «brigades de contact» de la gendarmerie. Ce sera donc une police numérique. En contrôlant quelqu’un, par exemple, le policier pourra tout de suite savoir si la personne est fichée ou non. De même, il nous faut mettre en place des outils pour savoir si cette personne a déjà été contrôlée dans la journée, et adapter sa réponse en fonction.

Est-ce là le retour de la police de proximité de Lionel Jospin, dissoute en 2003 par Nicolas Sarkozy ?

Non, c’est une police différente et à part entière. Nous voulons éviter les caricatures. Son rôle premier ne sera pas, par exemple, de jouer au football dans les quartiers (comme l’avait déploré Nicolas Sarkozy en 2003, ndlr). De même, nous voulons qu’elle soit bien visible et faire en sorte que les gens s’habituent à voir des agents qui patrouillent régulièrement, mais également qu’un effort particulier soit porté sur le traitement judiciaire à toutes les formes de trafic, en concentrant les moyens là où la situation le justifie. C’est comme ça que le contact se fera avec la population et que nous obtiendrons davantage d’informations, y compris sur la radicalisation.

Ces agents dresseront-ils des PV, notamment contre la consommation de drogues ?

Oui. Leur tablette numérique leur permettra de verbaliser les contrevenants immédiatement, et ce pour tous les petits délits. Cela ne signifie pas pour autant la fin d’éventuelles poursuites, mais en frappant tout de suite au porte-monnaie, nous pourrons porter un coup dur à la petite délinquance. Et reprendre ainsi, petit à petit, le contrôle d’un certain nombre de lieux. Le montant de ces contraventions doit encore être défini. Par ailleurs, cette police du quotidien aura à cœur de lutter contre le harcèlement dont les femmes sont victimes, en particulier dans les transports.

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Les sénateurs ont adopté mercredi le projet de loi pour la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, en quoi ce texte peut-il être efficace ?

Cette loi, qui a mis d’accord députés et sénateurs, reflète une certaine unité nationale. Elle permettra notamment la mise en place de mesures de filtrage lors d’événements. Ce point a été accusé d’être liberticide, mais nous allons entrer dans la période des fêtes, avec ses marchés, dont certains accueillent des milliers de personnes. Si vous ne mettez pas de périmètres de protection en place, vous exposez d’autant plus les citoyens à la menace terroriste. Et nous voulons que les gens continuent de vivre normalement.

L’actualité récente a toutefois montré que la menace est multiple et souvent imprévisible…

Cette loi s’adapte à la menace et permettra de faire, au jour le jour, ce que nos services savent faire. Le cadre des mesures individuelles de surveillance sera élargi, notamment grâce au port du bracelet électronique. La loi nous permettra également de saisir plus facilement au domicile des suspects des documents ou des données, toujours pour prévenir le terrorisme. Et j’ajoute que le texte autorise la fermeture des lieux de culte radicalisés.

Le port d’un bracelet électronique n’empêche pas un attentat...

L’assassinat du père Hamel, à Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime) en juillet 2016, (l’un des deux assaillants portait un bracelet, ndlr) prouve que non. Mais, encore une fois, cette nouvelle loi prévoit une surveillance plus fine des déplacements au sein de leur périmètre. Malheureusement, il n’y a pas de solution pour dire : «demain, il y aura zéro attentat», et je ne le dirai jamais. Des gens pourront toujours passer à travers. En revanche, je suis convaincu que nous avons, avec ce texte, resserré de façon décisive les mailles du filet. Nous sommes présents sur tous les fronts contre le terrorisme, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur.

Quel est l’état de la menace terroriste en France aujourd’hui ?

Elle reste forte et, depuis le début de l’année, treize attentats jihadistes ont été déjoués. La réponse à la menace doit également se porter sur la radicalisation. On estime à environ 12.000 le nombre de personnes suivies pour radicalisation. Le comité interministériel dédié doit d’ailleurs se réunir prochainement et présenter un plan. La radicalisation doit se traiter à deux niveaux. Avec les acteurs de terrain, mais aussi avec des chercheurs, pour comprendre l’univers mental de ces gens - souvent des jeunes qui se laissent embrigader -, pour employer leurs codes et leur langage.      

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Avec la libération de Raqqa, en Syrie, que va-t-il advenir des jihadistes français qui reviennent ?

La libération de Raqqa est un coup décisif porté à Daesh. Tout porte à croire que le groupe terroriste va donc jouer son rôle en poussant à l’acte un certain nombre de gens pour prouver qu’il n’est pas mort. Les «revenants» français sont suivis par les services. Ils font l’objet de poursuites judiciaires dès leur retour avant d’être incarcérés. Nous en recensons à ce jour 244 qui font tous l'objet d'un suivi judiciaire ou administratif. Le phénomène est toutefois moins massif que nous le pensions mais tout est mis en place pour y faire face.

L’arrestation mardi de dix personnes de l’ultra-droite, qui ciblaient des politiques, a-t-elle mis au jour une nouvelle menace ?

Nos services suivent cette menace depuis longtemps. Des attaques contre des lieux hébergeant des migrants ou des mosquées ont déjà été recensées. Mais notez qu’à côté de cette ultra-droite, vous avez également l’ultra-gauche, dont tout laisse à penser qu’elle s’est attaquée récemment à la gendarmerie de Grenoble ou à celle de Limoges. Des gens sont donc tentés par l’action directe, que ce soit d’un côté ou de l’autre. Nous le savons et suivons cela de près. 

Doit-on s’attendre à des affrontements entre ces groupes ?

Il est clair que beaucoup de forces en présence souhaitent que la guerre qui est menée par Daesh se traduise par des fractures profondes dans notre société. Daesh ne rêve d’ailleurs que de ça. Tout notre travail consiste donc à faire tout notre possible pour que les Français ne tombent pas dans ce piège.

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