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Une Française tente de sauver son père, coincé au Kenya et gravement malade du coronavirus

Infecté par le coronavirus, Patrick Davergne est coincé, avec sa femme, dans un dispensaire de Msambweni, à 1h30 au sud de Mombasa.[Photo DR]

«A partager au maximum pour venir en aide à mon papa». C'est avec ces quelques mots qu'Eugénie Bruant-Davergne a tenté d'attirer l'attention sur la situation critique de son père, Patrick Davergne, coincé au Kenya alors qu'il a développé une forme grave de Covid-19.

Sur Facebook, elle sollicite ses contacts afin qu'ils diffusent une lettre qu'elle adresse au gouvernement français. Dans ce texte, elle explique l'urgence et l'inquiétude, celles que suscitent l'attitude des autorités kenyanes qui, jusqu'ici, ont empêché le rapatriement ou l'accès de son père à des soins adaptés.

Patrick et Isabelle Davergne, originaires de Buigny-lès-Gamaches (Somme), ont atterri au Kenya le 8 mars dernier, «pour faire un safari», indique Eugénie Bruant-Davergne.

M. Davergne, âgé de 56 ans, a commencé à se sentir mal seulement quelques jours après leur arrivée, le 12 mars. «Au départ, il a simplement eu une forte diarrhée et un peu de fièvre, raconte sa fille. Ils ont pensé à une bactérie intestinale, ce qui a été confirmé par la suite. Il n'y avait pas de grande alarme.»

Mais la fièvre a persisté et la toux puis l'essoufflement sont apparus. Déshydraté et perdant l'appétit, Patrick Davergne a été admis dans un premier hôpital local, où la suspicion de Covid-19 a rapidement été formulée.

«Ils l'ont immédiatement renvoyé à son hôtel, en confinement, avec interdiction de bouger. Des médecins sont venus pour lui faire le test de dépistage.» Qui, plus tard, s'est révélé positif.

Cependant, voyant la santé de son mari se dégrader, Isabelle Davergne a pris la décision de le conduire dans un autre établissement, à Msambweni, où ils se trouvent toujours à l'heure actuelle.

Selon Eugénie Bruant-Davergne, c'est davantage un dispensaire qu'un hôpital. Et c'est tout le problème. «Ces derniers jours, voire heures, son état s'aggrave, déplore la fille du malade. Il a une pneumonie et une pneumopathie avérées, il a urgemment besoin d'un respirateur».

A cela s'ajoute des conditions sanitaires plus qu'insuffisantes. «Pour l'instant il ne dispose que d'un peu d'oxygène. Il y a régulièrement des coupures d'électricité et il peut faire jusqu'à 35 degrés dans leur chambre. Mon papa est très fatigué, au bout de ses forces. Il ne réagit même plus vraiment quand on lui parle. Ses jours sont en danger si on ne fait rien.»

Un frein de la part des autorités locales

Et la jeune femme est loin de rester sans rien faire. En très peu de temps, elle a réussi à mobiliser toutes les personnes susceptibles de lui venir en aide : assurances, ambassades, centres de crise... et Damien Regnard.

Sénateur Les Républicains chargé des Français établis hors de France, il est «mobilisé quasiment non-stop» sur le cas des époux Davergne depuis hier, dimanche 22 mars.

Selon lui, la situation est «très préoccupante» pour plusieurs raisons. D'abord, les accords qui peuvent être trouvés avec le gouvernement kenyan semblent «ne pas redescendre jusqu'aux autorités locales. C'est un frein à toute initiative qui pourrait aboutir».

Deuxièmement : le pays souffre d'un manque de structures médicales adaptées à l'état de santé de Patrick Davergne.

«A Mombasa, la grande ville la plus proche, il n'y a pas ce qu'il faut et à Nairobi on ne trouve pas de place, détaille Damien Regnard. On travaille sur un transfert en direction de La Réunion, pour sa proximité. Mais cela suppose encore de trouver une chambre à pression négative, sachant que l'île est déjà sous tension.»

Un transport à risque

Le transport du malade représente en lui-même un défi. Il faut disposer d'un avion médicalisé, équipé d'un caisson spécifique. «Il ne s'agit pas d'un simple brancard, avertit le sénateur. Il faut des conditions sanitaires adaptées pour l'ensemble de l'équipage. En ce moment, il y a une forte demande et peu d'appareils dans le monde entier.»

Sans oublier les réticences évidentes des autorités kenyanes, qui craignent une propagation du coronavirus en laissant Patrick Davergne sortir de la chambre où il est confiné.

«D'après les médecins que j'ai consulté, les médicaments qu'on lui donne sont plutôt adéquats, précise Eugénie Bruant-Davergne. Mais ma mère doit se débrouiller elle-même pour trouver de la nourriture, ça fait quatre jours qu'elle ne mange rien d'autre que des gâteaux.»

En attendant de régler les problèmes d'accueil et de transport, Damien Regnard et ses collaborateurs ont sollicité un hôpital de Nairobi pour qu'il fasse parvenir du matériel afin d'intuber et de ventiler Patrick Davergne. «Ca devrait au moins permettre de stabiliser son état», indique le sénateur.

Des produits d'hygiène et de la nourriture doivent aussi être acheminés jusqu'au couple et l'ambassadrice du Kenya en France a été approchée par Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères.

«Il faut maintenir la pression»

«Apparemment, elle était au courant du dossier. Selon elle, le Kenya est prêt à faciliter l'évacuation de M. Davergne», ajoute Damien Regnard. Des nouvelles plutôt encourageantes, qui n'apaisent pas le sénateur pour autant.

«L'état du patient empire. Cette nuit il y a eu un problème avec l'oxygène, ça a été une grande source de stress pour son épouse. Il faut maintenir la pression sur les autorités kenyanes. Nous comprenons l'inquiétude et les difficultés mais il n'est pas normal que l'on perde autant de temps.»

Plus de dix jours après l'apparition des premiers symptômes, une prise en charge rapide est désormais vitale. Prêts à le marteler jusqu'à ce qu'on veuille bien les entendre, Eugénie Bruant-Davergne et Damien Regnard le répètent, encore et encore : «chaque heure compte».

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