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Stéphane Troussel, président de Seine-Saint-Denis : «Ça suffit de véhiculer les clichés sur 'ces salauds de pauvres'»

[© Ludovic MARIN / AFP]

La Seine-Saint-Denis a dépassé la barre des 200 personnes décédées depuis le début de l'épidémie de coronavirus jeudi 2 avril, faisant du département l'un des plus touchés de France.

Stéphane Troussel, président socialiste de la Seine-Saint-Denis, est très remonté face à cette situation dramatique, ainsi qu'aux rumeurs sur le «93».

Jérôme Salomon, le directeur général de la santé, a évoqué jeudi 2 avril un «excès de mortalité» en Seine-Saint-Denis lié au coronavirus...

D’une certaine manière, ça ne me surprend hélas pas. Car les causes de cette situation, ce sont aussi un département marqué par une population plus pauvre, donc plus fragile, et un système de santé plus faible, avec moins de médecins et 3 fois moins lits de réanimation qu’à Paris ou dans les Hauts-de-Seine. C’est tragique, mais les inégalités tuent.

Je suis en colère car la réalité de la situation du département, notamment sanitaire, est connue depuis longtemps. Il y a eu de multiples rapports parlementaires. Au lendemain de la crise, il faudra revoir tout le système social.

La Seine-Saint-Denis est-elle en particulièrement exposée au coronavirus ?

Le revenu moyen par habitant est plus faible qu’ailleurs, le taux de chômage plus élevé et le nombre d’allocataires du RSA parmi les plus élevés de France métropolitaine. Oui, la Seine-Saint-Denis est au cœur de cette crise majeure.

Elle abrite aussi de nombreux travailleurs précaires, qui sont invisibles le reste de l’année mais dont l’utilité sociale apparait au grand jour en ce moment aux yeux de certains, qui les voient faire fonctionner le pays.

Le coronavirus ne pose pas problème que sur le plan sanitaire...

On peut en effet évoquer les inégalités scolaires pendant le confinement. Malgré les messages du ministre de l’Education Nationale, «l’école à la maison», ça n’existe pas. Il faut dire la vérité : cela créé de grandes inégalités entres les élèves, entre ceux qui ont un environnement social favorisé grâce à leurs parents, et ceux qui ne l’ont pas ou qui sont en décrochage scolaire.

Heureusement qu’il y a des services publics et des agents mobilisés, des collectivités locales, des travailleurs caritatifs. Il y a plutôt besoin d’encouragement et de soutien plutôt que de formules à l’emporte-pièce.

Et sur le logement ?

Même si le nombre de logements sociaux est plus élevé en Seine-Saint-Denis, comme dans beaucoup de départements du Grand Paris, il y a une crise importante. Un certain nombre d'habitations sont étroites, dégradées ou en sur-occupation. Cela rend le confinement encore plus difficile pour des familles.

Mais je veux tordre le cou à l'idée que le confinement serait moins bien respecté en Seine-Saint-Denis qu’ailleurs. Oui, il y a des difficultés, et il faut sanctionner ces comportements récalcitrants car c'est un devoir de responsabilité et de solidarité pour protéger soi et les autres. Mais la mesure est globalement respectée, comme l'a d'ailleurs souligné le préfet.

Entretenir cette polémique, c’est se cacher derrière son petit doigt. Ça suffit de véhiculer les clichés habituels sur «ces salauds de pauvres». C'est plus méritant d’être confiné dans un petit appartement que tranquillement dans sa résidence secondaire avec jardin.

Les initiatives de solidarité se multiplient...

Les citoyens sont très nombreux à se mobiliser. Je pense à cet habitant d’une tour HLM à La Courneuve, qui a imprimé des attestations de déplacement et les distribue dans les 250 boites lettres de ses voisins. Mais aussi à ce professeur d’éducation physique qui s'installe en bas d’une résidence pour personnes âgées et propose des petits exercices pour les gens aux balcons. Et partout certains s’organisent pour faire des courses et les distribuer aux personnes âgées.

Le département s'implique aussi, en ouvrant à partir du vendredi 3 avril l'internat d'un collège pour accueillir des enfants contaminés par le coronavirus, ou suspectés, qui ne peuvent pas rester dans leur foyer de protection de l’enfance. Nous avons aussi rouvert la cuisine centrale d'un collège pour produire près 2.000 repas par jour afin de les livrer aux associations et aux centres sociaux, pour apporter de l'aide alimentaire aux plus démunis.

Craignez-vous l'après-coronavirus sur le plan économique ?

Comme dans tout pays, nous avons des inquiétudes pour le tissu économique du département. Ce n'est pas l'élément le plus connu sur la Seine-Saint-Denis, mais c'est l'un des territoires français les plus dynamiques, qui a connu un fort développement ces dernières années. Il y a beaucoup de créations d’entreprises, mais elles sont parfois petites, parfois fragiles, et c'est donc l'une de nos préoccupations.

Même si l'économie ne relève pas de la compétence du département mais de celle de la région, nous avons déjà pris des mesures à notre portée. Pour les entreprises avec lesquelles nous travaillons, notamment en n'appliquant pas de pénalité et en repoussant les délais d'appels d'offres. Nous avons aussi décidé de prolonger automatiquement de deux mois tous les CDD de nos agents qui se terminaient en cette période.

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