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Près d'un Français sur cinq souffre de solitude et les jeunes sont les plus touchés

Les chiffres montrent que la solitude a des conséquences néfastes sur la santé des Français et notamment sur leur santé mentale.[Unsplash/Anthony Tran]

Les Français sont de plus en plus nombreux à se sentir seuls. Une étude de l'Institut français d'opinion publique (Ifop) pour l'association Astrée révèle que 18% d'entre eux se déclarent toujours ou souvent confrontés à la solitude. Un chiffre en augmentation de 5 points par rapport à 2018.

Selon Djelloul Belbachir, délégué général d'Astrée, le véritable problème tient au fait que ceux qui souffrent de solitude, souvent, n'en parlent pas. C'est pour cette raison que l'association, qui oeuvre pour la restauration du lien social, a créé la Journée des Solitudes. Elle a lieu tous les 23 janvier, depuis quatre ans.

L'objectif est de parler de ce mal qui est tu alors qu'il peut concerner tout le monde. Djelloul Belbachir dénonce le cliché récurrent selon lequel la solitude est un problème de personnes âgées. Les résultats de l'étude réalisée par l'Ifop, menée sur un échantillon de 1.502 personnes par questionnaire auto-administré en ligne, du 9 au 14 décembre 2020, lui donne raison. 58% des interrogés citent l'âge comme cause principale de la solitude, avant l'isolement géographique ou la perte d'emploi.

«C'est une idée reçue et il faut le dire, insiste le délégué général d'Astrée. Pour que ceux qui se sentent seuls mais ne correspondent pas à cette image d'Epinal ne s'enferment plus dans la honte. La solitude est un tabou pour les plus jeunes. Il y a une forme de moquerie : "tu n'as pas d'amis". Alors que pour les personnes âgées, c'est plus attendu.»

Un cliché d'autant plus urgent à déconstruire alors que les chiffres montrent que la réalité est plutôt inverse. En effet, la propension à se sentir toujours ou souvent seul semble décroître avec l'âge : le sentiment de solitude est le plus exprimé chez les 18-24 ans, à 27%, contre 10% pour les 65-74 ans et 16% pour les 75 ans et plus.

Les trois quarts des étudiants concernés

La situation des étudiants est particulièrement alarmante puisque trois quarts d'entre eux déclarent faire l'expérience de la solitude. Une tendance confirmée par les récents témoignages partagés en masse sur les réseaux sociaux, notamment sous le hashtag #Etudiantsfantômes.

Pour Djelloul Belbachir, cette détresse étudiante n'a malheureusement rien d'étonnant. Avec la pandémie, «les universités sont fermées, ils n'ont pas cours, certains sont enfermés seuls dans leurs chambres, sans avoir eu le temps de créer du lien avec quiconque. La question matérielle vient aussi s'ajouter puisqu'ils ne peuvent plus exercer les petits jobs qui leur permettent de vivre».

La pauvreté est effectivement un facteur aggravant en matière de solitude : 29% de ceux qui ont des revenus modestes se sentent toujours ou souvent seuls, contre seulement 10% des sondés issus des catégories aisées. Les demandeurs d'emploi sont également plus largement concernés (26%), de même que les personnes vivant seules (32%).

La pandémie de coronavirus a évidemment jouer un rôle dans cet accroissement du sentiment de solitude au sein de la population française. 51% des interrogés (68% chez les étudiants) indiquent en souffrir davantage depuis le début de la crise. Mais, pour le délégué général d'Astrée, c'est une donnée à remettre en perspective : «On enregistre une accélération à cause des mesures de distanciation physique mais ce n'est pas un déclencheur, le phénomène est ancien», assure-t-il.

La dégradation de la qualité du lien social est «multifactorielle» selon Djelloul Belbachir. Il cite «l'évolution des structures familiales», avec aujourd'hui «20% de foyers» constitués de personnes seules, mais aussi la «mobilité géographique» qui «éloigne de son ancrage», alors qu'auparavant les gens «naissaient, grandissaient et vivaient au même endroit». En parallèle, les moyens de communication ont «explosé» mais proposent un lien moins qualitatif, celui des écrans.

Car, en matière de relations humaines, la qualité est plus importante que la quantité. Là encore les chiffres le prouvent, puisque «l'isolement et le sentiment de solitude ne se superposent pas totalement». Seulement un tiers des Français isolés, c'est-à-dire ceux qui ont moins d'un contact par semaine, déclarent se sentir toujours ou souvent seuls.

Etre «attentifs les uns envers les autres»

«Certains travaillent, sont entourés de monde toute la journée et pourtant se sentent seuls. D'autres ont des contacts moins nombreux mais de meilleure qualité», résume Djelloul Belbachir. La solitude est donc un phénomène complexe, qui peut prendre différentes formes. C'est pourquoi il est difficile, selon le délégué général d'Astrée, de dégager des «indicateurs incontournables».

Pour identifier les personnes en souffrance autour de soi et leur venir en aide, la meilleure solution est donc encore d'être «attentifs les uns envers les autres». En particulier sachant que le sentiment de solitude a des effets néfastes sur la santé, notamment mentale. Les résultats de l'étude menée par l'Ifop montrent que 71% des personnes qui se sentent toujours ou souvent seules se jugent malheureuses.

Elles sont également plus enclines à consommer des psychotropes, tels que des somnifères, anxiolytiques, antidépresseurs ou neuroleptiques. 43% déclarent en avoir pris au cours de l'année 2020, contre 23% pour l'ensemble des sondés. Plus inquiétant encore : 63% de ces personnes souffrant de solitude indiquent avoir fait l'expérience de pensées suicidaires au cours de leur vie. Ramené à l'échantillon total, le chiffre tombe à 31%.

Pour prendre soin des personnes en souffrance, Djelloul Belbachir conseille simplement de leur accorder un peu de temps pour «échanger, comprendre leur situation et entendre leur peine». Une mission a priori acceptée par de nombreux Français, puisque 82% des interrogés estiment que ce sentiment de solitude croissant est un problème important, voire très important pour 22% d'entre eux. Dans le même temps, 77% des sondés se disent plus attentifs aux personnes seules autour d'eux. C'est sept points de plus qu'en 2018 et autant de pas vers un lien social plus solide.

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