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Réforme des retraites : quelles concessions le gouvernement peut-il faire ?

Emmanuel Macron pourrait faire le choix d'intégrer une clause de revoyure dans le projet de réforme des retraites afin de tendre la main aux oppositions. [Ludovic MARIN / AFP]

Au lendemain du troisième jour de mobilisation contre le projet de loi de réforme des retraites et alors que le texte, massivement rejeté par les Français et les oppositions, doit être examiné cette semaine à l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron pourrait faire des concessions et revenir sur certains points clés du projet, afin d’assurer le vote des parlementaires.

Faire des concessions sans perdre l’équilibre. C’est le dilemme auquel pourrait être confronté Emmanuel Macron s’il veut faire passer son projet de loi sans faire usage de l’article 49.3 de la Constitution. Alors que la réforme des retraites est majoritairement rejetée par les Français et les oppositions, le gouvernement devra trancher, et faire des concessions sur un texte qui ne semble contenter personne.

C’est le point clé de la réforme et c’est celui qui concentre l’essentiel des critiques : le texte présenté par le gouvernement prévoit le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Si la Première ministre Elisabeth Borne a assuré que le gouvernement ne reculerait pas sur cette mesure, la donne pourrait bien changer si la contestation ne faiblit pas, ou si l’exécutif ne parvient pas à trouver un accord parlementaire pour obtenir une majorité.

Abaisser l'âge de départ à 63 ans

Ainsi, le gouvernement pourrait faire le choix d’abaisser l’âge de départ à 63 ans. Pourtant, l’objectif affiché par l'exécutif est clair : rétablir l’équilibre économique pour «préserver le système par répartition» et ainsi réaliser près de 18 milliards d’euros d’économies d’ici à 2030. Mais pour garder cet équilibre tout en abaissant l’âge de départ à 63 ans, si l’on estime que le contexte économique (emploi, chômage) reste stable, le gouvernement devra faire des choix.

La première possibilité serait d’augmenter les cotisations pour la retraite. Cela signifie que chaque actif se verrait ponctionner une part légèrement plus importante de son salaire afin de financer les pensions des retraités. Toutefois, si les salaires n’augmentent pas, le salaire réel perçu par les actifs (une fois toutes les cotisations et impôts prélevés) diminuerait. C’est donc une solution qui risque de susciter une forte opposition.

La deuxième possibilité est l’augmentation générale des salaires. Si le gouvernement fait le choix de passer un accord avec les organisations syndicales patronales, comme le Medef, pour mettre en place une politique d’augmentation des salaires, les cotisations de chaque actif augmenteraient suffisamment pour combler le déficit. Toutefois, cela irait à l’encontre de la vision politique et économique libérale d’Emmanuel Macron, et il serait également très difficile de convaincre le patronat d’adhérer à cette proposition.

Enfin, il reste une dernière option à Emmanuel Macron pour conserver l’équilibre économique de sa réforme, tout en abaissant l’âge de départ à 63 ans, mais il s’agit plutôt d’un pari. A de nombreuses reprises, le gouvernement a annoncé sa volonté de réduire le taux de chômage pour atteindre le plein emploi (environ 5 % de chômage). Si le gouvernement réussit son pari et que le chômage baisse, alors le nombre d’actifs, donc de cotisants, et donc de cotisations augmente, et le déficit est comblé.

Cette fois encore, il est peu probable qu’Emmanuel Macron s’appuie sur une évolution économique dont il n’a pas toute la maîtrise pour financer sa réforme. Il paraît donc très improbable que le gouvernement revienne sur l’âge de départ à la retraite à 64 ans. Mais alors, quelles options lui reste-t-il ?

Revenir sur la suppression des régimes spéciaux

L’un des volets du projet de loi concerne les régimes spéciaux de retraite. Le gouvernement a fait le choix de supprimer la quasi-totalité de ces régimes spéciaux, qui concernaient environ 7 % des actifs français. Emmanuel Macron pourrait faire le choix de revenir sur cette décision et de conserver certains, voire la totalité de ces régimes spéciaux. Il gagnerait ainsi une forme de paix sociale auprès de nombreux travailleurs, notamment dans des secteurs stratégiques comme les transports ou l’énergie.

Toutefois, plusieurs études ont montré que les Français étaient globalement favorables à la suppression de ces régimes spéciaux, qu’ils jugent pour la plupart injustifiés. Par ailleurs, cette mesure aurait un coût qui ne permettrait pas de réaliser des économies suffisantes pour atteindre l’équilibre financier préconisé par le gouvernement.

Intégrer une clause de revoyure

Finalement, la solution vient peut-être d’Emmanuel Macron lui-même. L’idée avait déjà été évoquée par le chef de l'Etat durant l’entre-deux-tours de la présidentielle et elle est aujourd’hui défendue par François Bayrou et le Modem : la clause de revoyure.

Le principe est simple : il s’agit de faire un point après les élections présidentielles et législatives de 2027, avec la Cour des comptes et le CESE, afin de voir si les équilibres sont respectés et quelles évolutions sont possibles. Ainsi, le gouvernement pourrait s’engager à revenir progressivement sur certains points clés de sa réforme à partir de 2027 si des économies suffisantes sont réalisées, ou si le contexte économique a évolué, avec notamment la baisse du taux de chômage promise par Emmanuel Macron.

Si rien ne dit qu’il s’agirait d’une concession suffisante auprès des Français, elle pourrait néanmoins représenter une main tendue et assurer un équilibre jusqu’à la fin du second quinquennat, tout en renvoyant aux élections présidentielles de 2027 le débat, qui serait, quoi qu'il arrive, naturellement revenu sur la table. 

La droite est divisée et doute d'emmanuel Macron

Attention toutefois, car cette clause de revoyure est globalement décriée à droite, où les élus sont divisés et se questionnent sur la véritable volonté du président de la République de mener à bien cette réforme. Si certains doutent de la viabilité du projet, d'autres ont notamment eu du mal à digérer le recul de l'âge légal de départ à 64 ans au lieu des 65 annoncés pendant la campagne de réélection d'Emmanuel Macron. 

Par ailleurs, le vote des Républicains s’annonce décisif pour l’adoption du projet de loi, ce qui constitue donc un nouveau dilemme pour le président. Des concessions et une clause de revoyure pour une forme d’apaisement social, mais avec le risque de perdre des alliés à droite et que la réforme soit rejetée, ou ne pas bouger et s'exposer à une contestation potentiellement massive des Français. C'est à Emmanuel Macron de décider. 

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