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Corse : un an après la mort d'Yvan Colonna, le statut de l'île toujours en question

Gérald Darmanin au côté du président du conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, lors de sa dernière visite sur l'île en février. [PASCAL POCHARD-CASABIANCA / AFP]

Le 2 mars 2022, l'agression en prison d'Yvan Colonna, condamné pour l'assassinat du préfet Erignac, mettait le feu à la poudrière corse. Un an après la mort du militant indépendantiste, gouvernement et autorités locales poursuivent les négociations sur le statut de l'île.

Que reste-t-il des émeutes qui ont embrasé l'île de Beauté l'an dernier ? Un an après la mort d'Yvan Colonna, le débat sur le statut de la Corse avance à tâtons.

C'est Gérald Darmanin qui avait fait le premier pas, le 16 mars 2022, deux semaines après l'agression du militant indépendantiste à la prison d'Arles (Bouches-du-Rhône), où il purgeait sa peine de réclusion à perpétuité pour l'assassinat du préfet Claude Erignac.

Envoyé sur un territoire en ébullition, marqué par les violents affrontements entre (jeunes) manifestants et forces de l'ordre, le ministre de l'Intérieur avait ouvert un nouveau cycle de discussions sur l'avenir du territoire, se disant prêt à aller «jusqu'à l'autonomie».

une autonomie à la polynésienne ?

Pour la première fois, un gouvernement français imaginait comme possible une autonomie pour le territoire corse, qui lui permettrait de produire ses propres lois. Gérald Darmanin lui-même cite comme référence l'exemple de Polynésie française, une collectivité d'outre-mer entièrement compétente en matière économique et sociale, d'enseignement scolaire, de santé, d'équipement et d'environnement.

Le président du conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni souhaite lui une «autonomie de plein droit et de plein exercice», avec les domaines dits régaliens (justice, police, défense…) qui resteraient à la charge de l’Etat et d’autres, comme la fiscalité, qui seraient gérés par la collectivité corse.

Suspendu pendant cinq mois, en raison de polémiques liées à l'aménagement de peine de Pierre Alessandri, membre du «commando Erignac», le dialogue s'est renoué avec une seconde visite de Gérald Darmanin en Corse le 18 et 19 février dernier. La dernière étape de ce processus a eu lieu vendredi 24 février à Paris, en présence du président de la République.

nombreux obstacles

Pour le parti autonomiste Femu a Corsica, du président du conseil exécutif de Corse Gilles Simeoni, la réunion tenue place Beauvau a été «peut-être la meilleure séquence politique dans le rapport entre la Corse et l'Etat» depuis son arrivée aux responsabilités en 2015.

Pourtant, les obstacles restent nombreux. Si le chef de l'Etat Emmanuel Macron a répété qu'il n'avait «pas de tabou» concernant l'avenir institutionnel de la Corse, y compris sur l'autonomie, il a aussi réitéré ses deux «lignes rouges» : le maintien de «la Corse dans la République» et «le refus de créer deux catégories de citoyens. 

Or cette dernière condition ne semble pas compatible avec l’une des principales revendications des autonomistes : le statut du résident. Selon le programme de Femu a Corsica, ce statut réserverait le droit à l'acquisition de biens immobiliers en Corse aux habitants qui y résident depuis au moins cinq ans ou aux personnes «démontrant une communauté d'intérêts matériels et moraux consacrant l'attachement à la Corse et le sentiment d'appartenance à son peuple». «Ce serait contraire au droit européen», alerte Benjamin Morel, professeur de droit public et auteur d’un essai sur les revendications autonomistes («La France en miettes : régionalismes, l’autre séparatisme», Ed. du Cerf).

D’autres mesures du parti autonomiste posent problème, comme la co-officialité de la langue corse et française, qui impliquerait une discrimination à l’embauche pour les fonctionnaires. Si les points de blocage sont aussi importants, pourquoi le gouvernement a-t-il ouvert aussi grand les portes de la négociation ?

des promesses en l'air ?

Pour Benjamin Morel, les déclarations en forme de promesse faites par Gérald Darmanin en mars 2022 sont à remettre dans leur contexte. «Emmanuel Macron était à quelques semaines de l’élection présidentielle. Il ne voulait pas se priver du vote corse», explique-t-il. «On a assisté à une forme de capitulation de l’Etat, face à des émeutes violentes et une collectivité de Corse qui met les drapeaux en berne pour rendre hommage à un homme qui a tué un préfet de la République», pointe l'universitaire.

Un an après, «le gouvernement veut mettre les nationalistes au pied du mur. En leur montrant que leurs revendications, non seulement ne peuvent pas être satisfaites, mais qu’en plus elles seraient dommageables pour les Corses eux-mêmes», décrypte le politologue.

Quand bien même Emmanuel Macron donnerait son accord, le changement de statut pour la Corse, via une révision constitutionnelle promise par le président, est très loin d'être acquis. «On voit mal quelle majorité pourrait voter un tel texte, et le Sénat risque de s’y opposer», souligne Benjamin Morel.

Si le gouvernement se montre volontariste sur la question corse, l’autonomie est encore loin. L’exécutif se montre prudent, et ne voudrait pas qu’on lui reproche d’avoir ouvert une boîte de Pandore des régionalismes. Dans la foulée des émeutes de mars 2022, le conseil régional de Bretagne a plaidé pour une «autonomie» de la région tandis que Frédéric Bierry, président du conseil départemental d'Alsace, a réclamé des négociations «comme pour la Corse» pour sortir de la région Grand Est. 

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