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Journée nationale des aidants : «J'aurais pu m'effondrer de nombreuses fois et il n'y aurait eu personne pour me rattraper»

«Tout tourne autour de Sacha», au point qu'Alice Moity a parfois eu peur de voir l'harmonie familiale voler en éclats. [©DR]

Ce vendredi 6 octobre marque la Journée nationale des aidants et intervient dans un contexte de crise pour le secteur de l'aide à domicile. Une crise qui se répercute sur les aidants familiaux, à l'image d'Alice Moity, mère d'un enfant polyhandicapé.

«Trop handicapé» : c'est ce que s'entend répondre Alice Moity à chaque fois qu'elle essaie de confier Sacha, son fils. Agé de 6 ans et demi, ce petit garçon a un polyhandicap à la fois physique, cognitif et intellectuel qui le rend 100% dépendant. Au quotidien, ses parents et ses frères endossent le rôle d'aidants familiaux et peinent à trouver le moindre répit.

Légalement, un aidant familial est définit comme un proche qui apporte son aide pour une partie ou la totalité des actes de la vie quotidienne de manière régulière et fréquente, et à titre non professionnel. La loi du 11 février 2005 prévoit différentes aides pour ces personnes et notamment des heures d'aide humaine pour les relayer auprès de leur proche en situation de handicap.

Mais cette semaine, deux associations, APF France handicap et l'AFM Téléthon, ont saisi la Défenseure des droits pour dénoncer la pénurie d'aidants à domicile. Le secteur est en crise et, selon Pascale Ribes, présidente d'APF, les pouvoirs publics «se défaussent sur les familles» en faisant peser la charge des personnes en situation de handicap entièrement sur les proches aidants.

L'expérience d'Alice Moity semble malheureusement le confirmer. Peu après la naissance de son fils, alors que Sacha n'avait que 6 mois, cette maman n'a eu d'autre choix que de se mettre en arrêt maladie pendant quatre ans pour garder son enfant «trop handicapé pour être pris en charge». «On a eu des interventions à domicile mais on avait le droit d'être aidé qu'à condition de rester à la maison parce que le personnel n'est pas formé pour faire face à un polyhandicap comme celui de Sacha», explique Alice Moity.

Un équilibre fragile

Le petit garçon, en fauteuil roulant, est alimenté via gastrostomie (avec une sonde, ndlr). Il souffre de crises d'épilepsie et d'une ostéoporose sévère «qui rend toute manipulation difficile, avec un risque de fracture important». «La crise d'épilepsie notamment fait peur, donc il nous était demandé de rester là pour intervenir si jamais il y avait un problème. Ce n'est pas vraiment ce qu'on appelle du répit», regrette la maman.

Sacha n'a jamais pu être placé en crèche ou en accueil de loisirs en raison de son polyhandicap. Pendant longtemps, ses parents n'ont donc pu compter que sur eux-mêmes pour prendre soin de lui et Alice Moity n'a repris le chemin du travail que récemment et à temps partiel, après avoir obtenu une place pour son fils en Institut d'éducation motrice (IEM).

Sacha s'y rend cinq jours sur sept mais l'équilibre reste fragile. Lorsque l'établissement a fermé quatre semaines cet été, la famille s'est à nouveau retrouvée sans solution de garde. «Les congés, on n'en a déjà plus depuis longtemps, déplore Alice Moity. Heureusement, grâce à un don de congés de mes collègues j'ai pu m'occuper de Sacha».

Les proches aidants ont droit à l'Allocation journalière de présence parentale (AJPP), qui permet d'être indemnisé pour chaque journée ou demi-journée passée auprès de l'enfant en situation de handicap. Mais Alice Moity n'en bénéficie pas car cette aide ne peut pas être cumulée au complément de l'Allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), qui s'ajoute à l'allocation de base et vise à compenser les surcoûts et pertes financière.

«Budgétairement parlant, on ne peut pas se permettre de perdre ce complément, explique-t-elle. Non seulement la prise en charge de Sacha est très coûteuse mais nous avons aussi deux autres fils adolescents qui ne vont pas arrêter leurs études parce qu'ils ont un frère polyhandicapé. C'est hors de question.»

«Tout tourne autour de Sacha»

«Tout tourne autour de Sacha», au point qu'Alice Moity a parfois eu peur de voir l'harmonie familiale voler en éclats. «Avec mon mari on se réveille entre sept et onze fois par nuit, personne ne nous aide. Il faut se dire qu'on s'occupe d'un nouveau-né depuis six ans et demi. C'est très éprouvant pour un couple. Nous avons la chance d'être restés mariés mais on a toujours entendu dire qu'il y a énormément de divorces dans le monde du handicap».

Les deux grands frères du petit garçon, âgés de 16 et 17 ans, sont «très aidants» eux-aussi. «Quand ils nous sentent fatigués ils restent à la maison, affirme leur mère. Ils vont inviter des copains plutôt que de se faire inviter, comme ça ils peuvent nous aider».

«On n'est jamais tranquilles, on est épuisés et pas assez accompagnés, confie Alice Moity. J'aurais pu m'effondrer de nombreuses fois, et il n'y aurait eu personne pour me rattraper. Malheureusement quand on a besoin d'une aide c'est énormément de formalités, ça prend des mois alors que l'épuisement c'est maintenant et tout de suite. Si on était vraiment aidé, on n'arriverait pas à ce stade d'épuisement, on serait dans un équilibre de vie pour l'aidant comme pour l'aidé.»

Entraînée dans ce quotidien effrené et difficile, Alice Moity a connu le burn out «à plusieurs reprises». «Les aidants sacrifient leur bien-être pour celui des aidés, c'est certain, alors que l'aidé ne peut aller bien que si l'aidant va bien lui aussi. J'ai eu une fracture du genou et d'autres soucis médicaux qui n'ont pas été soignés. Qu'est-ce que je fais de Sacha si je dois aller à un rendez-vous médical ? Je n'ai pas le temps de prendre soin de moi parce que je n'ai pas le dispositif qui me permettrait de le faire».

Pour trouver du soutien et du réconfort, cette maman aux allures de super héroïne compte davantage sur le monde associatif que sur les pouvoirs publics. Elle a d'ailleurs créé sa propre association, SA CHAnce, notamment pour «redonner de l'espoir aux autres aidants».

«Quand vous apprenez que votre enfant va être dépendant, votre vie prend un virage à 360. C’est un enfant qui n’aura jamais d’enfant, qui ne fera jamais d’études et ne dira jamais bonne fête maman ou bonne fête papa, mais ça ne veut pas dire que la vie est foutue. Il ne faut rien abandonner, il faut apprendre à s'adapter.»

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