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«Courir ce tour du monde m'a offert une expérience sensorielle unique» : Marie Léautey revient sur son record hors norme

Marie Léautey est devenue la première française à faire le tour du monde en course à pied, après avoir réalisé 697 marathons en 825 jours, soit un peu moins de deux ans et demi. [Toutes photos © Marie Léautey]

A l'occasion de la sortie de son livre «Le monde sous mes pieds», aux éditions Calmann-Lévy, Marie Léautey, la première Française de l'Histoire a avoir bouclé le tour du monde en courant s'est confiée à CNEWS.

Une rencontre étourdissante, avec une femme au parcours de vie sans pareil. CNEWS s'est rendu au siège des éditions Calmann-Lévy à Paris pour rencontrer Marie Léautey. Ce petit bout de femme au franc sourire vient de publier son livre Le monde sous mes pieds, dans lequel elle retrace son parcours à travers le globe, depuis l'extrême ouest du Portugal, jusqu'au bout de l'Australie. 

Partie de Cabo da Roca le 6 décembre 2019, Marie Léautey aura couru à travers quatre continents, l'Europe, l'Amérique du Nord, l'Amérique du Sud et enfin l'Océanie. La Française était devenue, à son arrivée devant l'Opéra House de Sydney le 30 août 2022, la première femme dans le monde à courir sur quatre continents, et réalisa le record du monde du tour du monde en course à pied le plus rapide, selon la World Runners Association (WRA). 

Dans ce livre vous revenez sur votre parcours à travers le monde. Au-delà de cette prouesse sportive hors norme, on décèle un besoin de transmettre des messages d’espoirs, et un certain héritage. Était-ce le cas ?

Dans ce tour du monde, je n’allais pas chercher un exploit. Bien que je savais que j’étais la deuxième femme sur la planète à le réaliser, j'étais en quête d'une expérience unique et sensorielle.

A chaque jour sur les routes, j’imprimais une page de l’aventure avec ce que j’ai vu senti, goûté, ce que j’ai foulé de mes pieds. Tout a changé autour de moi même si j’avançais à pas de fourmi, à raison de 40 km par jour.

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Au bout de ce voyage de 700 étapes ; 700 marathons, sur 4 continents, j'ai pu dresser une fresque phénoménale. Qu’est-ce que j’en fait ? Il fallait que je la transmette. Il y avait aussi cette idée de donner de l'espoir, des envies et peut-être du rêve. Quand j’étais petite dans les années 1980 - 1990 je n’avais pas de modèle féminin. Un explorateur c’est au masculin, un aventurier c’est au masculin. Je suis la deuxième femme à le faire et doit pouvoir s’identifier à cela. Il ne faut pas être timide par rapport à ce que l'on a réalisé. 

Vous avez couru pour l’organisation Women for Women International (WFWI), qui vient en aide et offre des perspectives aux femmes du monde entier. En quoi cela consistait ? 

Le but était de récolter 1 dollar par kilomètre. Comme j’ai fait 28.250 kilomètres, nous avons pu réunir cette somme et l'envoyer à cette ONG qui propose un vrai programme pour aider ses femmes. 

Je faisais appel aux dons des personnes que j'ai eu la chance de rencontrer durant ce tour du monde, et j'ai découvert une vraie générosité à ce niveau. 

Lors de votre passage aux États-Unis, vous revenez sur des rencontres qui vous ont marqué. Principalement avec des femmes, pouvez-vous nous raconter l’une d’entre elle ?

L’anecdote la plus folle aux Etats-Unis est cette rencontre avec une mère de famille dont l’enfant était décédé. Ce jour-là, je courais depuis Jamestow (Dakota du Nord) pour rejoindre Fargo. Une voiture s'arrête, et sort alors cette femme qui m'avait reconnu grâce à une page dans le journal local. Elle s'approche de moi, en pleurs et me comte son histoire. 

Puis elle me donne un bout de tissu, sur lequel était brodé les dates de naissance et de mort de son fils, et m'avait fait promettre de l'emmener avec moi jusqu'au bout du monde. 

J'étais le signe qu'elle attendaitMarie Léautey

En faisant cela, elle me donne un bout de l’histoire de son fils. Elle finit par me dire que je suis le signe qu'elle attendait aujourd'hui, sèche ses larmes et pars, avec un visage maintenant soulagé. Plus largement, les différentes femmes que j'ai rencontrées se sont identifiées à moi, elles ont eu envie de me protéger. Jusqu'à Minneapolis (Minnesota), ce qui marque la fin du Big Midwest, je me suis sentie protégée par toutes ces femmes. 

Qu’est-ce qui a été le plus compliqué d’un point de vue technique. Courir par temps caniculaire, comme le long du Grand Coulee dans l’Etat du Washington, à l’ouest des Etats-Unis ou lors de votre départ de Cabo da Roca, au Portugal où il faisait un vrai froid de décembre ?

Le plus dur c’était de courir son marathon sous la canicule, sans hésitation. Le temps le plus froid que j'ai rencontré durant ce périple, ça devait être -10 -15° C. Quand on court, l’idée c’est de ne pas s’arrêter. On génère de la chaleur. Le problème c’est que quand on arrête, la sueur se refroidit et on attrape rapidement mal ensuite.

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La canicule c’est un gros problème, car au-dessus de 37° C en température extérieure, le corps n’arrive pas à se refroidir. Il n’y a pas l’air conditionné à bord, donc on trouve des stratagèmes. Je décris cela, notamment en Croatie où je m'écroule et je n'arrive pas à comprendre ce qui se passe. Je vois cette eau qui traverse mes chaussures et je me dis alors qu’il y a un gros problème. Je trouve alors la méthode du bloc de glace, que j'applique sur mon cou et sur la tête, régulièrement pendant l'effort.  

Tout au long du parcours, vous avez couru avec une poussette. Pourquoi ? Et comment vous est venue cette idée ? 

Pendant mes deux années de préparation, je m'étais fait à l'idée que j'allais courir seule. La question c’était comment je transporte mes affaires ? J’avais trois tenues de course et une tenue civile, une paire de tongs, mon ordinateur ainsi que mes balises satellites, cela représentait 12 kilos. A cela il fallait rajouter aussi mes affaires de camping. Je savais que l’option du sac à dos était inenvisageable. 

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En cherchant dans les récits des six autres personnes a avoir signé un tour du monde en course à pieds, je me suis aperçu que la seule femme tirait une charrette. Cette méthode me paraissait assez éprouvante alors j'ai opté pour une poussette, plus pratique pour passer sur tous les types de routes. Cette idée m'était venue car des Américains qui traversaient les Etats-Unis couraient avec ce genre d'équipement. 

La poussette pesait 12 kg, plus les 12 kg de mon équipement et ma réserve d'eau, on arrivait alors à une trentaine de kilos. Rapidement mon physique s'est transformé durant ces longs mois de course, à force de pousser mon paquetage.

Lorsque vous traversez l'Australie, vous faites une rencontre inattendue. Pouvez-vous nous expliquer ce passage de votre aventure ? 

Je cours dans le désert du Nullarbor, après avoir passé Karlgoorlie (Sud-Ouest de l'Australie), et j'aperçois un kangourou étendu sur la route. Je m'approche de l'animal qui venait d'être renversé par un véhicule, ce sont des choses communes dans cet endroit du monde. 

Je me rapproche du corps et comprend que son petit vit dans sa poche. Je demande alors à un chauffeur de s'arrêter pour m'aider et nous parvenons à extraire le petit kangourou, qui a finalement survécu. 

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Le conducteur s'est alors chargé de ramener l'animal chez un vétérinaire de Norseman, à une centaine de kilomètres d'ici, afin qu'il soit pris en charge et soigné. 

Que peut-on vous souhaiter pour la suite ? Prévoyez-vous de courir à travers l'Afrique désormais ? 

J'avais pensé à traverser le continent africain lors de mon périple, mais cela s'était révélé compliqué. C'était également le cas avec l'Asie, notamment par la route de la soie mais en termes géopolitiques, passer par ces deux continents aurait été délicat pour des soucis de logistiques. 

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Mais c'est mon prochain projet. En 2025, je traverserai l'Afrique en courant. J'ai toujours eu envie de le faire. Je commencerai du Cap, en Afrique du Sud, puis je remonterai par la Namibie, le Botswana, la Zambie avant d'atteindre la Tanzanie et de finir sur la côte du Kenya. 

L'autre défi qui m'attend, cette fois-ci un peu plus tôt, c'est que je suis pressentie pour porter la flamme olympique pour son passage à Rouen (ma ville d'origine) en 2024, et nommée pour porter la flamme paralympique, en août 2024, avant son arrivée à Paris. 

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