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Logement : vers une crise majeure du secteur malgré les annonces de Gabriel Attal ?

En décembre 2023, la construction de 33.700 logements a été autorisée, en hausse de 12% par rapport à novembre, mais 115.900 permis de moins ont été délivrés sur l'ensemble de l'année. [DAMIEN MEYER / AFP]

Le nombre de permis de construire a chuté de 23,7% en 2023 avec 373.100 autorisations délivrées, selon le ministère de la Transition écologique. La même année, 10.000 agents immobiliers indépendants ont cessé leur activité et 657 agences ont fermé. Des chiffres qui soulignent les prémices d’une crise du logement, malgré les annonces du Premier ministre dans son discours de politique générale.

Alors que le ministère du logement est toujours vide, dans l’attente de la nomination d’un ministre délégué, l’exécutif craint le risque d’une «bombe sociale à retardement» qui pourrait suivre la crise agricole, et dont les répercussions pourraient être au moins aussi importantes. Inflation, remontée des taux d’intérêt, baisse du nombre de crédits octroyés par les banques, réticence des maires à accorder des permis de construire, normes environnementales plus drastiques, diminution des dispositifs d’incitation fiscale... Les causes sont nombreuses mais les solutions sont manquantes. En somme, tous les ingrédients d’une crise qui pourrait frapper la France de plein fouet.

En décembre 2023, la construction de 33.700 logements a été autorisée, en hausse de 12% par rapport à novembre, mais 115.900 permis de moins ont été délivrés sur l'ensemble de l'année. Le nombre des mises en chantier a reculé, lui, de 22% sur un an, a précisé le ministère de la Transition écologique, à 287.100 logements, et reste très inférieur à la période d'avant Covid (-24,6%). Les délivrances de permis avaient atteint des niveaux records en 2022 du fait de dates butoirs réglementaires. Les autorisations pour 2023 sont en revanche en deçà des niveaux d'avant Covid (-19%). Comme les permis, les mises en chantier se sont aussi redressées en décembre (+22%) par rapport à novembre, avec 26.900 logements. 

Ces mauvais chiffres sont à rapporter au record de délivrances atteint en 2022 suite à un afflux de demandes de permis fin 2021, avant l'entrée en vigueur d'une réglementation environnementale (RE2020) plus ambitieuse pour la construction neuve. Mais ils sont surtout le reflet d'une profonde crise de la construction neuve, comme de l'ensemble de la filière du logement, en raison d'une chute de la demande liée au resserrement des conditions d'emprunt, du désintérêt des investisseurs institutionnels pour l'investissement locatif, mais aussi de la hausse des coûts de construction et des prix du foncier.

10.000 cessations d'activité et 657 fermetures d'agences

Et les répercussions sont partout. La flambée des taux d'intérêt et la stagnation des prix de l'immobilier après sept années de hausse - les prix de l'immobilier ancien ont progressé de 0,5% au deuxième trimestre de l'année, le prix moyen des appartements stagne, tandis que celui des maisons est en hausse de 0,9% sur un an - laissent le marché au point mort, rapporte le dernier indice Notaires-Insee.

Conséquence : en 2023, de nombreux agents immobiliers indépendants, payés à la commission, ont été contraints de fermer boutique. Environ 10.000 d'entre eux auraient cessé leur activité depuis début 2023. Même constat du côté des agences immobilières avec 657 fermetures en 2023 : soit deux fois plus qu'au cours de toute l'année 2022.

Premier poste de dépenses des Français

Secondaire pour les Français d'après-guerre, le budget logement des ménages a explosé pour devenir, de loin, leur premier poste de dépenses aujourd'hui. Longtemps, se nourrir a couté plus d'argent que de se loger. Ce n'est qu'à partir de 1976 que les dépenses de logement (17,9% des dépenses totales, eau et énergie comprises) ont dépassé, d'une courte tête, celles de l'alimentation (17,7%), selon l'Insee. C'est désormais le grand écart : en 2022, 26,7% du budget dépenses des Français est consacré au logement, soit deux fois plus que pour la  nourriture (13,5%).

Loyer, remboursement d'emprunt, factures d'eau, de gaz, d'électricité... Une large partie des dépenses de logement sont dites «pré-engagées» dans le jargon des statisticiens. C'est-à-dire, selon l'Insee, qu'elles sont engagées par «contrat difficilement renégociable à court terme». Ces dépenses contraintes liées au logement, souvent débitées automatiquement sur le compte bancaire, engloutissaient 22,1% du revenu disponible des ménages en 2022, contre seulement 9,5% en 1960. Elles représentent également 26,7% des dépenses, c’est-à-dire du revenu disponible sans compter l'épargne. 

La hausse du budget logement des Français s'explique notamment par le fait que leurs revenus ont augmenté moins vite que les loyers et les prix du mètre carré. Entre 1998 et 2021, le niveau de vie médian a augmenté de 24%, quand, dans le même temps, l'indice des loyers augmentait de 33% et les prix des logements anciens étaient multipliés par trois (+200%). Des hausses qui ont frappé de plein fouet les ménages les plus modestes, d'autant que des études montrent que le poids des dépenses contraintes, notamment pour se loger, augmente à mesure que le niveau de vie des ménages baisse. En 2022, les plus pauvres consacraient au logement 38% de leurs revenus, selon la Fondation Abbé Pierre.

Gabriel Attal annonce «un choc d'offre»

Le Premier ministre, Gabriel Attal, a évoqué le sujet dans son discours de politique générale, ce mardi, devant les députés de l’Assemblée nationale. «S’il est un secteur qu’il faut déverrouiller, c’est bien le logement», a ainsi promis le chef du gouvernement. Pour ce faire, Gabriel Attal a annoncé «un choc d’offre» avec cinq priorités immédiates proposées : «simplifier massivement les normes, revoir les DPE, simplifier l’accès au dispositif MaPrimeRénov', faciliter la densification, et lever les contraintes sur le zonage», le tout en «accélérant les procédures». 

Ensuite, le Premier ministre a promis de désigner dans deux semaines «20 territoires engagés pour le logement où nous accélérerons toutes les procédures comme nous avons su le faire pour les Jeux Olympiques avec la construction de 30.000 nouveaux logements en 3 ans». Par ailleurs, le gouvernement entend «soutenir le monde du logement social» en «incitant les élus à développer de nouveaux programmes» et en «donnant la main aux maires pour la première attribution dans les logements sociaux construits sur leurs communes».

Gabriel Attal a aussi promis de «maintenir le taux du livret A», qui offre 1,2 milliard d’euros pour les rénovations énergétiques des logements sociaux, ainsi que l’intégration des «logements intermédiaires» dans les 25% de logements sociaux obligatoires pour les communes soumises à la loi SRU. 

Des propositions déposées

Enfin, des textes ont déjà été déposés au Parlement. La semaine dernière, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture un projet de loi sur l’habitat dégradé. Hier, c’est une proposition de loi sur les déséquilibres du marché locatif en zone tendue qui a été votée par les députés. Le texte prévoit notamment de réduire drastiquement la niche fiscale des propriétaires de meublés touristiques, la fameuse «niche Airbnb».

Sont également au menu pour les prochains mois : une proposition de loi pour accélérer la transformation de bureaux en logements, et une grande loi logement pour faciliter l’accès à la propriété portée par le gouvernement. 

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