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Judith Godrèche sur le manque d'action contre les violences sexuelles : «Est-ce que la France est un pays moyenâgeux ?»

Pourquoi les victimes se heurtent-elles à «un mur de silence», se demande Judith Godrèche. [Geoffroy VAN DER HASSELT / AFP]

A l'occasion de la journée internationale des Droits des Femmes, la Mairie de Paris a organisé ce 8 mars une conférence à laquelle était notamment conviée Judith Godrèche. L'actrice est revenue sur son combat contre les violences sexuelles, et a dénoncé l'inertie du gouvernement français sur ces questions.

A l'occasion de la journée internationale des Droits des Femmes, Anne Hidalgo, Maire de Paris, organisait ce 8 mars une conférence internationale sur les droits des femmes dans le monde au XXIe siècle. Une matinée d’échanges pour dresser un état des lieux sur la position des femmes de pouvoir, les violences subies et les droits à conquérir encore, en présence d'invitées de renom telles que les anciennes présidentes Michelle Bachelet et Dilma Rousseff, le prix Nobel de la paix Shirin Ebadi, ou encore Judith Godrèche.

Devenue figure de proue du combat contre les violences sexuelles dans le cinéma et au-delà, depuis qu’elle a traité de ce sujet dans sa série autobiographique «Icon of french cinema», puis porté plainte contre les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon avant de livrer un discours vibrant lors de la cérémonie des César, l’actrice, scénariste et réalisatrice a confié qu’on la remerciait depuis souvent d’avoir parlé, et qu’on lui posait aussi souvent cette question : «est-ce que cela va changer maintenant ?»

Judith Godrèche a rappelé qu'en effet, elle est loin d’être la première femme à avoir parlé des violences sexuelles, citant notamment Adèle Haenel, Camille Kouchner ou encore la journaliste Hélène Devynck. Elle déplore qu’à chaque fois il n'y ait eu qu'un peu de bruit puis «un orchestre qui meurt», regrettant qu’en France il n’y ait «pas d’écho», qu’il faille à chaque fois «repartir de zéro», et finalement constamment se cogner «à un mur de silence, un gouvernement qui ne bouge pas».

#MeToo contrarié en France

Pour Judith Godrèche, qui a vécu aux Etats-Unis et possède même maintenant la double nationalité française et américaine, le constat est que #MeToo a beaucoup plus de difficulté en France qu’outre-Atlantique. Là-bas, «la petite vague est devenue un raz-de-marée», dit celle qui avait déjà il y a plusieurs années dénoncé le comportement de Harvey Weinstein. «J’ai le sentiment qu’il y a la possibilité d’être entendue et qu’il y a des répercussions, qu’il y a un effet miroir et une prise de conscience».

L’actrice se demande pourquoi en France les choses ne bougent pas. «Est-ce un pays moyenâgeux ? Est-ce qu’il y a une échelle de valeurs avec en haut les puissants qui ont le pouvoir ? Les femmes et les enfants violés semblent un danger pour le pouvoir. Je me pose, comme tant d’autres avant, ces questions, mais j’ai une vision d’une femme qui a vécu dans un autre pays», explique-t-elle.

«Je n’arrive pas à comprendre pourquoi c’est si compliqué…» Et l’actrice de revenir sur le souhait qu’elle a émis lors de son audition au Sénat : «J’ai demandé à ce que le président du CNC (sur qui pèsent des accusations de viol, ndlr) soit mis de côté avant qu’il ne soit jugé. Pourquoi ce n’est pas possible ? Il n’est pas indispensable, pas plus que moi dans les films. Pourquoi tant de résistance ? Pourquoi le pouvoir résiste-t-il autant ? Ce n’est pas que la demande d’une ‘militante wokiste’, c’est une demande qui a déjà été formulée par des producteurs».

L’actrice est aussi revenue sur les abus qu’elle a subis. «J’ai été abusée par deux hommes, deux réalisateurs quand j’étais petite (…) La technique des prédateurs, qui étaient-là des réalisateurs de cinéma d’auteur dont les proies étaient des enfants (…) c’est de dire ‘tu es unique. Je vois en toi quelque chose, tu es magique’. Moi ce qui m’a sauvée c’est de savoir que je ne suis pas unique», a-t-elle confié, avant d’évoquer la force que lui ont donnée les femmes qui se sont exprimées avant elle, et le soutien qu’elle a reçu, de la part d’anonymes ou de personnalités en résumant ainsi : «Ce qui est important c’est les mains tendues. C’est ça le pouvoir des femmes. C’est d’être soudées. Il n’y a pas d’autre solution», a-t-elle déclaré. Une conclusion qu’ont, elles aussi, tirée les nombreuses intervenantes de renom conviées à la conférence organisée à Paris ce 8 mars autour de la question de l’égalité entre les femmes et les hommes en 2024, cette fondamentale «question de pouvoir».

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