En direct
A suivre

Roméo Langlois : vif débat autour du "journalisme embarqué"

Le reporter français Roméo Langlois lors d'une émission sur France 24 en octobre 2010[AFP/France24]

Un journaliste doit-il s'embarquer avec l'armée et en tenue militaire dans une zone de conflit ? La disparition samedi du reporter français Roméo Langlois en Colombie a relancé un vif débat sur la dangerosité de cette pratique.

Inséré dans une brigade anti-narcotiques, le correspondant de la télévision France 24, qui portait comme les soldats un casque et un gilet pare-balles, s'est retrouvé sous le feu de la guérilla des Farc lors d'une patrouille dans le sud du pays, où est active la rébellion marxiste.

Généralisée depuis la seconde guerre du Golfe en Irak, cette pratique du journalisme "embedded", pris en charge au sein d'une unité militaire, a été remise en cause après la disparition du reporter, dont le premier réflexe a été de quitter son gilet en se présentant comme civil auprès de ses assaillants.

Le vice-président colombien Angelino Garzon s'est notamment interrogé sur sa tenue. "Les civils, politiques comme journalistes, ne doivent pas porter de tenues militaires", a-t-il affirmé.

Selon lui, cette affaire doit plus largement "lancer une réflexion au sein des médias". "Dans quels cas un journaliste doit ou ne doit pas partir ? Avec notre armée ? Dans quel cas doit-on inviter un reporter ?", a-t-il lancé.

Expert colombien en sécurité, Alfredo Rangel, directeur de la Fondation Sécurité et Démocratie, a affirmé que Roméo Langlois n'aurait "jamais dû être en première ligne", mettant ainsi en cause les autorités militaires, dans un entretien à l'AFP.

"Il est absolument inconvenant que des journalistes puissent accompagner l'armée lors d'opérations militaires à très haut risque. L'armée ne devrait pas soutenir cette pratique", a-t-il déclaré, estimant que "ce qui est censé les protéger finit par les transformer en cible".

Les correspondants ne devraient "se déplacer que par leur propre moyens et dans une zone où l'armée garantit la sécurité" et "non pas au milieu des tirs", poursuit-il.

Toutefois, Loïc Berrou, responsable du service international de France 24 et ancien correspondant de guerre, rappelle que les journaliste n'ont parfois "pas d'autre choix que partir avec l'armée pour couvrir un conflit" et doivent parfois se plier à ses conditions.

"Avant, les journalistes portaient des gilets différents de ceux des soldats. Ce sont les Américains qui ont renversé la logique depuis l'Irak en exigeant qu'ils portent le même gilet afin de se fondre dans la troupe", explique-t-il à l'AFP. "Entre fusion et confusion, c'est vrai qu'il y a débat".

Directeur de la Fondation pour la liberté de la presse (Flip), principal organisme colombien, Andre Morales a d'ailleurs souligné que "la couverture du conflit en Colombie ne se fait habituellement plus de cette manière".

Le correspondant français, spécialiste des Farc et journaliste expérimenté, a "travaillé dans des conditions que même ses confrères colombiens ne pratiquent plus aujourd'hui", a-t-il déclaré à l'AFP.

La marge de manoeuvre est d'autant plus étroite que les autorités sont désormais opposées à ce que des journalistes établissent des contacts avec les Farc. En 2010, le gouvernement avait même accusé la chaîne latino-américaine Telesur de complicité pour avoir pu accéder à un camp de la guérilla.

En proie à un conflit interne depuis un demi-siècle avec la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) et divers groupes armés issus de milices paramilitaires, ce pays latino-américain est encore considéré comme l'un des plus dangereux pour l'exercice du journalisme.

L'an dernier, un journaliste a été abattu, contre sept en 2010, mais les agressions ont augmenté de 7% avec six tentatives d'homicide et une vingtaine d'agressions, selon la Fédération colombienne des journalistes (Fecolper).

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités