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Irak: les déplacés vivent toujours dans la misère

Devant sa masure, dans un bidonville jonché d'ordures et empestant les égouts, dans le nord de Bagdad, Taleb al-Ajami montre la lettre des insurgés qui l'a poussé à fuir sa maison en 2006.[AFP]

Devant sa masure, dans un bidonville jonché d'ordures et empestant les égouts, dans le nord de Bagdad, Taleb al-Ajami montre la lettre des insurgés qui l'a poussé à fuir sa maison en 2006.

Le message, signé du "Conseil consultatif des Moujahidine", une organisation d'insurgés sunnites, commence par "Au nom de Dieu, Bienfaisant et Miséricordieux", mais en fait, la seule compassion dont il a bénéficié de la part des tueurs c'est d'avoir reçu de leur part un "dernier avertissement".

Un de ses frères n'a pas eu cette "chance": il a été assassiné sans préavis.

"Tu es dans notre ligne de mire où que tu sois. Ce message s'adresse à tous les traîtres qui habitent Khamis al-Tajah", un petit village près d'Abou Ghraïb, une région sunnite à l'ouest de la capitale, est-il écrit.

Il habite aujourd'hui dans un voisinage d'abris de fortune baptisé Moukhayamat (Camps), l'un des six bidonvilles qui ont vu le jour à Azamiya, un quartier chiite du nord de Bagdad.

La guerre confessionnelle, après avoir atteint son pic en 2006 et 2007, a largement perdu de son intensité, mais elle a laissé 1,3 million d'Irakiens déplacés, dont 500.000 d'entre eux vivent dans des conditions "déplorables", selon l'envoyé du secrétaire général de l'ONU en Irak Martin Kobler.

La peur et la destruction de leurs lieux d'habitation empêchent le retour des déplacés chez eux, explique Claire Bourgeois, la représentante de Haut Commissariat des Nations unies aux réfugiés (UNHCR) pour l'Irak.

Les toits des taudis sont en roseaux ou en tôle recouverte de plastique. Un faisceau de fils électriques pend de poteaux en bois, alimentant des néons, un ventilateur et un téléviseur dans les maisons.

Au milieu des rues jonchées de détritus, une petite tranchée a été creusée pour évacuer les eaux usées vers des réserves nauséabondes.

C'est là que vit, dans deux pièces, Taleb, avec une de ses deux femmes et deux de ses neuf enfants. "Le secteur est misérable, mais j'ai peur de rentrer chez moi", assure ce journalier agricole chiite de 40 ans.

Pour lui, comme pour beaucoup d'autres, tout a basculé après l'explosion du mausolée chiite al-Askari de Samarra en février 2006 qui a marqué le début d'une guerre confessionnelle meurtrière dans le pays. Sa maison a par la suite été détruite.

Lettres de menaces

"Nous avons tout perdu: nous sommes partis en laissant tout et nous voulons que le gouvernement nous indemnise de la perte de nos maisons et de nos biens", dit-il.

Moukhayamat, qui abrite 3.000 personnes, est l'endroit le plus sordide de tout le quartier, où vivent quelque 50.000 déplacés, selon un responsable terrain du HCR, Mazen al-Nakshbandi.

"Il n'y a ni eau potable, ni système d'égouts. Ce lieu n'a pas été conçu pour habiter", dit-il.

Le HCR fournit une assistance pour les déplacés, y compris des citernes d'eau et des filtres, des portes, des fenêtres et s'occupe de l'évacuation des ordures et des eaux usées", explique M. Nakshbandi. Selon lui, les autorités locales ne fournissent aucun service, car l'habitat est illégal.

"A quatre reprises, nous avons trouvé des lettres de menaces glissées sous la porte de notre maison, mais comme nous ne savons ni lire, ni écrire nous les avons déchirées", affirme Sabria Hamad, 49 ans, une habitante de Moukhayamat, chassée de Haswa, dans la région d'Abou Ghraïb.

Puis des hommes en armes sont venus pour nous dire de vive voix: "Vous, les chiites, ne pouvez plus rester" dans cette région à majorité sunnite. "Nous avons dû partir sans rien pouvoir prendre", dit-elle.

Ses malheurs ne se sont pas arrêtés là: deux de ses fils ont été tués par la suite et une de ses filles a péri lors d'un échange de tirs impliquant des soldats américains près de Bagdad.

Elle vit aujourd'hui dans un taudis de trois pièces avec son mari, un fils handicapé et 14 petits-enfants. "Ma vie est un enfer. Je jure devant Dieu que je n'ai pas 1.000 dinars (moins d'un dollar) en poche et le gouvernement ne nous aide pas", assure-t-elle.

Revenir à Haswa est impossible. "Certains l'ont fait et ont été tués", dit-elle.

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