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Birmanie : dans les camps de déplacés, la peur et la faim règnent

Une famille dans un camp de réfugiés installé dans l'Etat de Rakhine, dans l'ouest de la Birmanie, le 1er novembre 2012 [Soe Than Win / AFP] Une famille dans un camp de réfugiés installé dans l'Etat de Rakhine, dans l'ouest de la Birmanie, le 1er novembre 2012 [Soe Than Win / AFP]

Les déplacés s'entassent jour après jour en amenant avec eux leur lot d'angoisses mais sans nourriture, ni eau ni médicaments. Dans les camps de l'ouest birman en proie à des violences communautaires meurtrières, une grave crise humanitaire est en marche.

Plus de 100.000 personnes ont été déplacées depuis les premières violences en juin entre bouddhistes et musulmans en Etat Rakhine, sur la frontière avec le Bangladesh. Un tiers d'entre eux ont fui les affrontements des derniers jours.

La plupart sont des Rohingyas, une minorité musulmane apatride décrite par l'ONU comme l'une des communautés plus persécutées de la planète, et considérée par beaucoup de Birmans comme illégale.

Mais même les membres de l'ethnie bouddhiste rakhine, qui jouissent pourtant de la liberté de mouvement, ont faim.

"Nous n'avons pas assez à manger", explique Phyu Ma Thein (femme), déplacée rakhine réfugiée dans un monastère bouddhiste. "Le supérieur nous a donné un bol de riz mais nous n'avons pas de casseroles ni d'assiettes. Nous n'avons rien. Nous essayons juste de survivre".

La situation menace de s'aggraver, selon l'agence de l'ONU pour les réfugiés (HCR), qui a annoncé cette semaine que "les camps déjà surpeuplés (avaient) dépassé leurs capacités en terme d'espace, d'abris et d'approvisionnement de base tel que nourriture et eau".

"Les prix alimentaires ont doublé dans la zone et il n'y a pas assez de médecins pour traiter les malades et les blessés".

Dans les camps de Rohingyas, la misère est absolue. Après des décennies de persécutions diverses et de restrictions de l'accès à la santé et à l'éducation, les dernières violences ont tué tout espoir.

Selon Refugees International (RI), un quart des enfants dans les camps de déplacés étaient déjà mal nourris avant les dernières violences. "Les conditions dans les camps sont aussi mauvaises, sinon pires, que dans l'est du Congo et au Soudan", estime ainsi Melanie Teff, chercheur pour l'ONG.

"Les taux de malnutrition infantiles sont effrayants (...). Si de l'aide supplémentaire n'arrive pas rapidement, on comptera des morts qui n'étaient pas inévitables".

Dans des myriades de villages isolés, des dizaines de milliers d'autres Rohingyas vivent dans des conditions à peine plus enviables. La région est susceptible de connaître à tout instant une nouvelle flambée de violences. Donc un nouvel exode de déplacés vers des camps déjà au bord de la rupture.

Au-delà de la pénurie, les ONG gèrent un traumatisme psychologique terrible. "Ils ont perdu leurs maison dans les incendies. Les enfants ne peuvent pas être laissés sans surveillance comme avant, donc ils sont déprimés", explique Moe Thadar, employée de la Croix-Rouge.

Et l'avenir ne s'annonce pas meilleur. Après des décennies à vivre ensemble malgré les préjugés et le racisme ordinaire, Rakhines et Rohingyas ne veulent plus cohabiter.

De plus en plus ouvertement, les Rakhines exigent le départ de ceux qu'ils considèrent comme des immigrés illégaux, même si certains sont là depuis trois générations.

"Aujourd'hui, l'absence d'espoir est totale pour les Rohingyas. Ils ont été rejetés dans de nombreux pays. Ils ont souffert partout", constate Mélanie Teff, en réclamant de la communauté internationale une politique urgente et cohérente sur le long terme.

Au large de Sittwe, la capitale de l'Etat Rakhine, des bateaux profitent de la nuit pour prendre la fuite. Mais l'issue n'est pas celle qu'ils attendaient: quelque 130 Rohingyas sont portés disparus depuis le naufrage dimanche d'un navire qui tentait de gagner la Malaisie, dernier eldorado des Rohingyas depuis que le Bangladesh s'est mis à les refouler.

Des dizaines d'autres bateaux transportant des déplacés venus de zones frappées par les violences ont tenté d'accoster à Sittwe en début de semaine. Les autorités ne les ont pas laissé faire, a constaté l'AFP.

"Un homme a besoin d'un endroit pour dormir et manger", explique Myint Oo, un déplacé musulman qui a tout perdu. "Si vous ne pouvez manger et dormir, c'est pire que de mourir".

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