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Un Américain accuse: la "corruption" a tué ses parents dans un TGV chinois

Des policiers défilent devant une inscription affirmant "Sers le Parti et le Peuple", le 12 novembre 2012 à Pékin [Mark Ralston / AFP/Archives] Des policiers défilent devant une inscription affirmant "Sers le Parti et le Peuple", le 12 novembre 2012 à Pékin [Mark Ralston / AFP/Archives]

Plus d'un an après une terrible collision entre deux TGV chinois qui a tué ses deux parents et laissé son frère invalide, l'Américain Leo Cao est toujours en proie à un chagrin amer, mêlé de la colère contre ce qu'il estime être la vraie responsable: la corruption.

M. Cao a quitté la Chine à l'âge de 10 ans, quand ses parents ont fermé leur petite quincaillerie pour chercher une vie meilleure aux États-Unis. Son premier voyage de retour, vingt ans plus tard, a servi à identifier leurs corps.

Le couple a perdu la vie le 23 juillet 2011 dans un drame ferroviaire près de la ville de Wenzhou (est), un accident au bilan de 40 morts qui avait à l'époque gravement mis en doute la fiabilité technique du réseau à grande vitesse chinois.

Une fin brutale pour les deux commerçants qui s'étaient accrochés au "rêve américain" après avoir quitté leur province du Fujian (sud-est), travaillant dur aux Etats-Unis et obtenant même la nationalité américaine.

Les deux immigrants s'étaient fait embaucher comme gardiens à l'aéroport LaGuardia de New York. Ce qu'ils économisaient, ils le dépensaient pour des voyages occasionnels vers leur terre natale.

Leo Cao (g) et son frère Henry sur les lieux de la collision de deux TGV en 2011 qui a coûté la vie à leurs parents, le 14 août 2012 près de Wenzhou [Cao Ping / AFP/Archives]
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Leo Cao (g) et son frère Henry sur les lieux de la collision de deux TGV en 2011 qui a coûté la vie à leurs parents, le 14 août 2012 près de Wenzhou

Le jour de l'accident, sans doute fier de monter dans le fleuron de la technologie ferroviaire chinoise, le père, Erxing Cao, avait pris en photo avec son téléphone portable le TGV rutilant dans la gare de Pékin.

Quelques heures plus tard, l'homme de 56 ans mourrait broyé dans les tôles tordues de la voiture numéro 2. Son TGV filant vers le Fujian en avait percuté un autre.

"Voir la Chine se développer et devenir une puissance mondiale le passionnait. Mais c'est ce même développement qui l'a tué, en fait", confie aujourd'hui son fils, étudiant en doctorat à l'Université de Caroline du Nord.

Sa mère, Zeng Rong Chen, 56 ans, a été déclarée morte à l'hôpital. Une pochette contenant 10.000 dollars en espèces qu'elle portait sur elle n'a jamais été retrouvée. Sa disparition hante les membres de la famille: ils ne peuvent s'empêcher d'imaginer qu'un vol a peut-être retardé les premiers soins.

Son frère, Henry Cao, 33 ans, fait partie des quelque 200 blessés de la catastrophe. La dernière chose dont Henry se souvient avant la collision, ce sont des secousses incontrôlables, comme un tremblement de terre.

"Le wagon a été secoué, les lumières se sont éteintes, c'était comme si je tombais et je me suis mis à prier", raconte-t-il à l'AFP. "Après j'étais comme dans un mauvais rêve. Comme si j'avais été pris au piège dans la douleur, mais sans pouvoir en sortir".

Il a perdu sa rate et un rein, parmi d'autres blessures. Il souffre de stress post-traumatique et a subi récemment l'ablation d'une partie de son intestin, suite à des complications médicales.

Leo Cao et son frère Henry pleurent, le 14 août 2012, sur un portrait de leurs parents sur les lieux de l'accident ferroviaire qui leur a coûté la vie en 2011 près de Wenzhou [Cao Ping / AFP/Archives]
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Leo Cao et son frère Henry pleurent, le 14 août 2012, sur un portrait de leurs parents sur les lieux de l'accident ferroviaire qui leur a coûté la vie en 2011 près de Wenzhou

"Quand je le regarde, cela me brise le coeur", confie son fère Leo. "Il n'est plus que la moitié de l'homme qu'il était, physiquement et mentalement".

Au terme d'une enquête sous la pression d'une opinion publique en colère, la collision de juillet 2011 a été officiellement attribuée à "des défauts de conception" de la signalisation et à l'incurie des autorités ferroviaires.

L'ancien ministre des Chemins de fer, Liu Zhijun, l'architecte du réseau à grande vitesse --désormais le premier du monde-- avait été limogé cinq mois avant l'accident. Exclu du Parti communiste, il attend son jugement pour des accusations de corruption massive.

"La corruption a tué mes parents, de même que l'expansion rapide (du réseau ferroviaire) et la façon de faire du business en Chine, où les pots-de-vin sont la règle", accuse Leo Cao.

"Le système de signalisation a été mis en service sans essais préalables. Et ça, ça n'est possible que quand des pots-de-vin sont versés", dit-il.

En prenant ses fonctions à la mi-novembre, le nouveau dirigeant chinois, Xi Jinping, s'est promis de combattre le fléau, qui menace selon lui de "tuer" le régime.

Le ministère des Chemins de fer a offert 145.000 dollars pour chacun des deux parents décédés, soit le montant pour les victimes chinoises, basé sur 20 années de salaire moyen dans la province du Zhejiang où l'accident s'est produit.

Le ministère a également versé à Henry Cao 85.000 dollars, une allocation fondée sur les revenus de sa petite entreprise de négoce - qui depuis a fait faillite en raison de son état.

"Nous sommes une famille modeste aux États-Unis. Mes parents étaient concierges. Nous ne cherchons pas la lune. J'essaie simplement d'obtenir une meilleure compensation pour mon frère", explique Leo Cao.

"Nous ne sommes qu'une famille immigrée qui s'est efforcée de poursuivre le rêve américain. Jusqu'à ce que l'accident arrive".

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