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Italie : "silence électoral" avant les élections

Des bulletins de vote dans un bureau de Rome, le 23 février 2013. Des bulletins de vote dans un bureau de Rome, le 23 février 2013.[ALBERTO PIZZOLI / AFP]

Les Italiens, gavés d'interviews et talkshows télévisés pendant des semaines à l'approche des élections, connaissent samedi un temps de "silence électoral" à l'issue d'une campagne marquée par l'émergence tonitruante du phénomène Beppe Grillo qui inquiète les partis traditionnels.

"Maintenant la parole est aux Italiens", titre pleine page La Stampa, alors que la campagne pour les législatives et sénatoriales de dimanche et lundi s'est terminée vendredi à minuit avec les derniers meetings des chefs de liste. A part Silvio Berlusconi, 76 ans, qui a annulé sa prestation à Naples pour cause de conjonctivite, les autres ont joué leur partition, chacun à leur tempo.

Le chef du gouvernement sortant, Mario Monti, dans une rencontre publique à Florence, a promis de "réduire le coût du travail pour les nouvelles embauches, développer l'apprentissage, créer un nouveau contrat à durée indéterminée". Le leader de la gauche, Pier Luigi Bersani (PD), donné favori dans les sondages, a sorti son joker: le réalisateur Nanni Moretti qui a dit vouloir "libérer" les Italiens de Berlusconi.

Mais c'est l'ex-comique Beppe Grillo qui a eu le mot de la fin, devant une marée humaine rassemblée dans la grande place Saint-Jean de Latran à Rome, en hurlant: "Renvoyons-les tous chez eux!".

Silvio Berlusconi s'adresse à ses électeurs à Naples par visio-conférence, le 22 février 2013 [Mario Laporta / AFP]
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Silvio Berlusconi s'adresse à ses électeurs à Naples par visio-conférence, le 22 février 2013
 

L'ancien bateleur, qui canalise la rage des Italiens frappés par le chômage et la récession économique, préconise la mise en place d'un revenu minimum de 1.000 euros, la réduction des salaires des hommes politiques, le retrait de la zone euro, la réduction de la semaine de travail à vingt heures...

Dans ses meetings, se cotoient des chefs de petites entreprises étranglés par la pression fiscale, des jeunes chômeurs, des Italiens de gauche comme de droite dégoutés par la kyrielle de scandales de corruption dans la classe politique.

Son mouvement "5 étoiles", qui compte parmi ses candidats un grand nombre de femmes et de jeunes candidats inconnus, pourrait se placer en troisième position (17%) derrière le PD (34%) et le PDL de Silvio Berlusconi 30%, selon les derniers sondages connus. Pas assez pour vaincre, mais suffisamment pour compliquer singulièrement la tâche du prochain chef de gouvernement, voire l'empêcher de former un gouvernement stable.

Du coup, ses rivaux ont réservé leurs piques les plus dures contre l'ex-comique à la tignasse bouclée, allant jusqu'à comparer ses diatribes enragées et "populistes" à celles du leader fasciste Benito Mussolini. "Il risque de nous conduire à une situation à la grecque", a fustigé Bersani, tandis que Berlusconi le jugeait "dangereux pour le pays".

Le Cavaliere, qui a effectué une remontée spectaculaire dans les sondages les dernières semaines, a tenté une dernière manoeuvre en fin de campagne en envoyant une lettre à des "millions" d'Italiens, promettant de leur rembourser la taxe foncière, très impopulaire en Italie et rétablie par le gouvernement techique de Mario Monti.

"Si je ne respecte pas cet engagement, les citoyens pourront me faire un procès et demander que je paie, moi. J'ai les capitaux suffisants pour répondre à tous les citoyens", a promis vendredi le milliardaire. Alors que beaucoup ironisaient sur cette ultime promesse ou s'insurgeaient contre "cet achat de voix", certains au contraire ont commencé à faire la queue à la poste pour se faire rembourser...

Eclaboussé par des procès à répétition, dont l'un pour prostitution de mineure, le magnat des medias avait du démissionner en novembre 2011, laissant une Italie au bord de l'asphyxie financière.

Après dix-huis mois de gouvernement technique, la troisième économie de la zone euro a esquivé le gouffre de la dette et le spread -écart entre taux italien et allemand- a chuté de moitié, mais le pays est englué dans une profonde récession.

La crainte des marchés est que le vainqueur des élections à la Chambre des députés ne dispose pas d'une majorité suffisante au Sénat -en raison de règles électorales différentes-, rendant le pays ingouvernable ou pour le moins instable.

 

Une inquiétude relayée par la presse européenne, à l'image du Soir à Bruxelles, selon lequel "le véritable danger qui guette l'Italie, et donc toute l'Europe, c'est l'instabilité". Le quotidien belge prévoit "soit une coalition du bon sens et du pragmatisme avec Bersani et Monti, soit l'aventure et le chaos si Berlusconi et/ou Grillo peuvent bloquer le Sénat".

En Allemagne, le ministre des Finances Wolfgang Schäuble, dans un entretien au Stuttgarter Zeitung de samedi, a une nouvelle fois exprimé l'espoir que la politique de Mario Monti, qui a généré d'"importantes améliorations", soit "poursuivie". Quant au plus grand quotidien d'information polonais Gazeta Wyborcza, il raconte l'ascension de Grillo et Berlusconi sous un titre lapidaire: "Un combat de clowns".

Recevant le président de la République Giorgio Napolitano, son ultime rencontre avec un chef d'Etat avant sa démission, le pape Benoît XVI a indiqué "prier pour l'Italie" et adressé "ses meilleurs voeux pour le bien" du pays.

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