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La stabilité de la Turquie en jeu

Des manifestants fuient les gaz lacrymogènes tirés par la police sur la place Taksim à Istanbul, le 11 juin 2013 [Angelos Tzortzinis / AFP]

Entre le Premier ministre turc et les opposants de la place Taksim, le bras de fer se durcit. La stabilité du pays pourrait désormais être en jeu.

D’un côté comme de l’autre, nul n’est prêt à reculer. Et la Turquie semble plus que jamais dans l’impasse. Bulldozers, canons à eau, gaz lacrymogènes, billes de plastique, matraques… Le Premier ministre a employé les grands moyens, mardi matin et à nouveau hier soir, pour déloger ses opposants, massés près de la place Taksim à Istanbul.

«Cette affaire est maintenant terminée. Nous ne montrerons plus de tolérance», s’est-il empressé d’ajouter.

Il n’en a pas fallu plus pour raviver la colère des manifestants. Quelques heures plus tard, après des appels sur les réseaux sociaux, des milliers d’entre eux ont convergé vers la place Taksim et le parc Gezi, pour un nouveau face-à-face tendu. 

 

Erdogan coupé du peuple

On voit mal, désormais, comment la situation pourrait se dénouer sans heurts.

Une rencontre est bien prévue aujourd’hui entre des représentants des manifestants et le Premier ministre, mais les événements survenus hier semblent exclure toute forme de dialogue.

«Erdogan utilise la stratégie de la carotte et du bâton, analyse Ali Kazancigli. Il semble être victime du ”syndrome de Versailles”, la paranoïa du pouvoir.

Il est persuadé d’avoir réponse à tout, et dans son entourage personne n’ose le contredire. On n’entend plus le président et son vice-Premier ministre».

La décision de Recep Tayyip Erdogan de promulguer lundi soir une loi restreignant la consommation d’alcool, perçue par les contestataires comme un symbole de la dérive autoritaire et de la volonté d’islamisation du gouvernement, est une nouvelle preuve du manque de diplomatie dont il fait preuve vis-à-vis de ceux qui contestent sa politique.

 

Des menaces pour l’économie et la stabilité du pays

En Turquie, ils sont même nombreux à craindre que la crise ne finisse par pénaliser l’avenir du pays. L’instabilité n’est jamais propice aux affaires, et la Bourse a d’ailleurs dû être fermée à plusieurs reprises pour éviter une chute des cours.

Alors que le pays est en partie dépendant des capitaux étrangers, les critiques émises par Washington et l’Union européenne concernant la répression des manifestations ne sont pas non plus de bon augure. Des dossiers importants sont sur le feu (règlement de la question kurde, réforme de la Constitution, élections en 2014…), et la vie politique du pays est complètement prise en otage.

 

Dans quel camp est l’armée ?

Mais le pire pourrait être à venir. «S’il continue dans son attitude dédaigneuse vis-à-vis des manifestants, la situation risquerait de mal tourner, ce qui pourrait donner l’occasion à l’armée turque de revenir sur le devant de la scène, analyse Ali Kazancigli, codirecteur de la revue géopolitique Anatoli.

Et alors que l’un des grands succès du Premier ministre turc est d’avoir repoussé les militaires dans les casernes, il aurait alors beaucoup à perdre». Erdogan joue actuellement une partie serrée.

 

Une dérive autoritaire ?

Au pouvoir depuis dix ans, Recep Tayyip Erdogan s’est toujours montré inflexible. Malgré des manifestations répétées ces cinq dernières années, il n’a jamais cédé au peuple et a imposé ses idées.

Le but du Premier ministre ? Se hisser à la présidence et changer la Constitution, pour mettre en place un régime présidentiel (au lieu du régime parlementaire actuel).  Cela lui octroierait plus de pouvoir et lui permettrait de rester à la tête du pays après 2015.

Il semble ainsi prêt à miser sur le pourrissement du conflit jusqu’aux élections prévues début 2014. Dimanche, il a exhorté ses adversaires à patienter «encore sept mois» et appelé ses partisans à «donner une leçon» aux manifestants «dans les urnes».

 

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