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Après l'attaque contre Aube dorée, une spirale de violences ?

Des membres de la force anti-terroriste grecque à l'extérieur du local d'Aube dorée à Athènes, devant lequel deux militants ont été tués le 1er novembre 2013 [Angelos Tzortzinis / AFP] Des membres de la force anti-terroriste grecque à l'extérieur du local d'Aube dorée à Athènes, devant lequel deux militants ont été tués le 1er novembre 2013 [Angelos Tzortzinis / AFP]

L'assassinat en Grèce de deux membres du parti néonazi Aube dorée, après celui d'un antifasciste, fait s'interroger le pays sur un possible engrenage de violences même si les observateurs n'y voient pas un risque réel de déstabilisation politique.

Deux jours après l'agression mortelle dont ont été victimes vendredi soir deux militants néonazis devant une antenne de leur parti dans la banlieue d'Athènes, l'inquiétude était patente dans la presse grecque.

Des titres alarmistes faisaient la Une des journaux dimanche, Eleftheros Typos (droite) affichant ses "craintes d'un engrenage de violences", Ethnos (centre-gauche) évoquant "un cycle de sang qui sape la stabilité", To Vima agitant le spectre de futures "années de plomb" en Grèce, en référence à l'Italie des années 70 et 80.

"Il y a vingt jours, j'étais inquiet, maintenant on peut dire que j'ai peur", déclare une source gouvernementale anonyme au quotidien de gauche Eleftherotypia.

Selon la police, "toutes les hypothèses restent ouvertes" quant au mobile et à l'identité des auteurs de l'attaque qui a également fait un blessé grave.

Mais les enquêteurs examinaient sérieusement la piste des groupes anarchistes ou de l'ultra-gauche ayant régulièrement revendiqué ces dernières années des attentats, généralement sans victime.

Ce scénario semble acquis pour la plupart des journaux, au grand dam de Sophia Vidali, criminologue à l'Université de Thrace, qui appelle à la "prudence" en l'absence de toute revendication.

Les attaques à l'engin incendiaire ou à l'explosif, dont Athènes est relativement coutumière, sont généralement accompagnées de messages de revendication.

C'est sur internet que s'est manifesté il y a quelques semaines le groupe "Conspiration des cellules de feu", une organisation au discours anarchiste, annonçant son "retour" et la constitution d'un "front commun" avec d'autres organisations à travers un mystérieux "Plan Phénix".

Le message évoquait une alliance avec le groupe "Secte des révolutionnaires", dernier à avoir revendiqué une action meurtrière en Grèce, l'assassinat d'un journaliste à Athènes en 2010. Depuis lors, cette organisation semble en sommeil.

Les "Cellules de feu", apparues en 2008, ont été largement démantelées et leurs membres, des jeune gens, condamnés à de lourdes peines de prison. Ils n'ont jamais commis d'action meurtrière.

Des membres de la force anti-terroriste grecque à l'extérieur du local d'Aube dorée à Athènes, devant lequel deux militants ont été tués le 1er novembre 2013 [Angelos Tzortzinis / AFP]
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Des membres de la force anti-terroriste grecque à l'extérieur du local d'Aube dorée à Athènes, devant lequel deux militants ont été tués le 1er novembre 2013
 

Or, note Théodore Papathéodorou, professeur de criminologie à l'université du Péloponnèse, le double assassinat de vendredi se caractérise par "un grand professionnalisme, laissant penser à des gens bien entraînés qui ont voulu frapper de façon spectaculaire à une heure de grande influence", sur une avenue fréquentée, à deux pas d'un supermarché et d'un commissariat.

Le criminologue n'exclut pas "une nouvelle phase du terrorisme grec avec peut-être un mouvement se présentant sous un nouveau nom qui déguise d'anciennes méthodes".

En marge de la société

Si M. Papathéodorou se dit inquiet par cette "opération de déstabilisation à un moment crucial", à deux mois de la présidence grecque de l'Union européenne, le 1er janvier 2014, le politologue Ilia Nikolakopoulos relativise les peurs.

La piste d'une organisation d'obédience anarchiste serait "le scénario ayant le moins d'implication politique", estime-t-il, tant ces activistes s'inscrivent "en marge" de la société.

"Ce n'est pas l'équivalent de l'organisation du 17 novembre qui avait une acceptation sociale et une emprise différente, dans un contexte historique différent", poursuit-il.

Aujourd'hui démantelée, l'"Organisation révolutionnaire du 17 novembre" a revendiqué 23 assassinats et une dizaines d'attentats de 1975 aux années 2000 dans un pays alors marqué par la dictature de colonels (1967-1974) et encore extrêmement polarisé entre droite et gauche.

Pour Sophia Vidali, "les Grecs sont aujourd'hui fatigués, effrayés" et pas dans l'état d'esprit d'afficher un soutien à une quelconque lutte armée.

La classe politique affiche depuis vendredi un front uni, aucun parti ne se risquant à jeter de l'huile sur le feu.

Mais le drame, qui survient un mois et demi après l'assassinat d'un rappeur antifasciste par un militant d'Aube dorée dans une banlieue d'Athènes, ravive au niveau international l'image d'une Grèce sous l'emprise des extrêmes, propre à effrayer les investisseurs, observait le quotidien To Vima.

Et ce alors que le pays, sous perfusion financière de l'UE et du FMI, tente de s'extraire de la récession et du chômage de masse où il est plongé depuis six ans.

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