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L'Espagne, toujours face à l'épineuse question de la tombe de Franco

La tombe de Franco à Valle de los Caidos le 17 novembre 2012 [Pedro Armestre / AFP/Archives] La tombe de Franco à Valle de los Caidos le 17 novembre 2012 [Pedro Armestre / AFP/Archives]

Trente-huit ans après la mort de Francisco Franco, l'Espagne n'a toujours pas réglé la question de sa sépulture, un imposant mausolée dominé par une gigantesque croix de pierre, alors que le pays évite encore, malgré la pression internationale, de juger les crimes de la dictature.

Creusée dans la roche au bout d'une route bordée de pins, la basilique du Valle de los Caidos, près de Madrid, abrite sous sa coupole sombre les tombes de Francisco Franco, mort le 20 novembre 1975, et de José Antonio Primo de Rivera, fondateur du parti nationaliste de la Phalange fusillé par les républicains le 20 novembre 1936.

Leurs tombeaux, fleuris, sont installés au pied de l'autel. Mais derrière les murs en pierre reposent aussi les ossements de 33.847 victimes des deux camps de la guerre civile (1936-1939), parfois transportés là sans le consentement de leur famille par le régime franquiste.

Afin de "donner un nouveau sens" au monument et le reconvertir en "un espace pour la culture de la réconciliation" permettant de "rendre leur dignité à toutes les victimes de la guerre civile et de la dictature" (1939-1975), les députés socialistes ont présenté une initiative parlementaire fin octobre.

Celle-ci réclame "l'exhumation des restes de Francisco Franco" pour qu'ils soient enterrés dans un lieu "plus adéquat".

Ces revendications ne sont pas nouvelles: elles reprennent les conclusions d'une commission d'experts publiées en novembre 2011, dans les derniers jours du gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero, depuis restées lettre morte.

La nouvelle équipe conservatrice, élue en pleine tourmente économique, l'avait annoncé dès son arrivée au pouvoir: crise oblige, la question du mausolée de Franco n'est pas une priorité.

La basilique de Valle de los Caidos, où est enterré Franco, le 17 novembre 2012  [Pedro Armestre / AFP/Archives]
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La basilique de Valle de los Caidos, où est enterré Franco, le 17 novembre 2012

Le ministre de la Justice, Alberto Ruiz Gallardon, l'a rappelé mardi: "Pensez-vous vraiment que les Espagnols comprendraient que l'on destine 13 millions d'euros pour un projet dont la commission d'experts elle-même nous a dit de nous en occuper quand nous en aurons les moyens?"

Les socialistes reconnaissent d'ailleurs qu'à cause de la crise, "il est impossible d'aborder rapidement toutes les transformations" réclamées. Mais l'exhumation des restes de Franco fait partie des "décisions symboliques et facilement réalisables", ajoutent-ils.

"Les obligations légales de l'Etat envers les victimes n'ont rien à voir avec la crise", clame Edurne Rubio, de la Fédération regroupant les défenseurs de la mémoire des victimes.

Son organisation appelle à se rassembler samedi aux portes de l'enceinte du mausolée, pour "réclamer la disparition du monument (...), lieu de pèlerinage du fascisme international".

"C'est une question de volonté politique, pas économique", ajoute-t-elle.

Au-delà du débat autour de la tombe de Franco, c'est d'ailleurs toute la question de la mémoire face aux crimes de la dictature qui se pose à l'Espagne: le pays, invoquant la loi d'amnistie votée en 1977, aux premières heures de la démocratie, refuse toujours de rouvrir ce douloureux dossier et d'enquêter sur les disparitions, malgré les demandes insistantes des Nations unies.

Fausto Canales, 79 ans, fils de victime et militant "contre l'impunité du franquisme", n'ira pas manifester samedi. Il évite, à tout prix, d'apercevoir le mausolée où sont conservés les ossements de son père.

"Pour moi, voir le monument c'est comme si on l'assassinait une deuxième fois", témoigne-t-il.

Fausto Canales n'avait pas trois ans lorsque des phalangistes sont venus, le 20 août 1936, chercher son père, un ouvrier agricole proche des républicains, pour le fusiller, abandonnant son cadavre dans une fosse commune.

En 1959, "sans qu'on nous avertisse", ses ossements avaient été transportés vers le Valle de los Caidos, construit entre 1940 et 1958 par 15.000 travailleurs forcés du camp républicain.

"Je voudrais qu'il soit transformé en cimetière public, séparé nettement de la basilique, et qu'on le présente tel qu'il est: construit par une main d'oeuvre esclave pour honorer les 'morts pour Dieu et pour l'Espagne'", explique-t-il.

"Légalement, il n'y a aucune possibilité" que Franco soit exhumé, veut croire Jaime Alonso, vice-président de la Fondation Franco, qui fera "tout son possible pour l'empêcher". Pour lui, cette demande est "une initiative venant de gens rancuniers".

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