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En Tunisie, les citoyens qui portent plainte contre la police s'exposent à 1 an de prison

Drapeau tunisien Dénoncer les agissements abusifs d'un policier peut valoir à un Tunisien des poursuites pour "outrage à agent"[FETHI BELAID / AFP]

Dans une publication parue mardi sur son site internet, Human Rights Watch tire la sonnette d’alarme sur un problème de plus en plus fréquent en Tunisie.

Dans la jeune démocratie qu’est la Tunisie, dénoncer des agissements abusifs de la police n’est pas sans risques. L’ONG affirme que des poursuites judiciaires ont été ouvertes contre des personnes ayant porté plainte (ou prévu de le faire) contre les forces de l’ordre après avoir été insultées, agressées, ou arrêtées arbitrairement. 

«Outrage à un fonctionnaire public»

Une démarche rendue possible par l’article 125 du code pénal tunisien, qui concerne l’«outrage à un fonctionnaire public dans l’exercice de ces fonctions». Il prévoit jusqu’à un an de prison pour quiconque serait reconnu coupable de ce motif.

Un article de loi que les policiers n’hésitent pas à utiliser «pour intimider les citoyens qui osent se plaindre de leur comportement», a déclaré la directrice du bureau de Human Rights Watch à Tunis, Amna Guellali. «La démocratie naissante en Tunisie devrait encourager les plaintes fondées et crédibles, contre tout comportement répréhensible des forces de l’ordre, au lieu de les punir».

Une justice partiale ?

Human Rights Watch dit craindre «que les autorités ne se servent de ce chef d’inculpation pour étouffer les plaintes, ou lancer des représailles lorsque le comportement des policiers est dénoncé». Une éventuelle dérive rendue possible par le fonctionnement de la justice sur le sujet, entre manque de clairvoyance et partialité. L’ONG remarque en effet que les poursuites entamées contre les plaignants se fondent (principalement ou uniquement) sur les déclarations des forces de l’ordre. Elle précise que, sur les huit cas qu’elle a recensés, la justice a donné raison à la police à quatre reprises, et la procédure traîne en longueur pour les quatre autres.

L'ONG préconise ainsi l’abrogation de l’article 125 du code pénal tunisien. Une demande d’autant plus urgente que le droit tunisien ne définit pas précisément le concept d’outrage, laissant énormément d’amplitude à l’interprétation de chacun. «En outre, l’application abusive de cette loi empêche les individus d’exercer leur droit de recours lorsqu’ils estiment avoir été maltraités par la police», précise l’ONG.

Plusieurs cas recensés

Plusieurs exemples apparaissent dans la publication de Human Rights Watch, comme celui de Salam et Salwa Malik. Ces deux sont accusés d’avoir outragé la police lors d’un raid mené à leur domicile en vue d’arrêter leur frère, et lors duquel un agent aurait menacé d’«exploser» leur neveu de sept ans. Pourtant, le juge s’est basé exclusivement sur la déclaration de la police, contestée par les Malik, pour rendre son verdict, prononcé en mai 2017 : six mois de prison (une peine depuis commuée en amende).

Autres exemples en 2012 et en 2014, où les autorités ont poursuivi respectivement l’avocate Mariem Mnaouer et la bloggeuse Lina Ben Mhenni pour «outrage», après que les deux femmes ont porté plainte contre des policiers pour violences – une accusation que semblent confirmer les rapports des médecins. Leurs procès sont toujours en cours. 

D'autres exemples encore sont disponibles dans la publication de Human Rights Watch

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