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Les clefs pour comprendre la crise au Venezuela

Mi-août, le bilan s'élève à près de 130 morts du côté des manifestants et un policier tué.[JUAN BARRETO / AFP]

Depuis plus de trois ans, le Venezuela traverse la plus grave crise que le pays ait jamais connue.

Une crise économique qui plonge petit à petit certaines classes du pays dans la famine. Une crise politique, entre le président Nicolás Maduro et le l'opposition de droite, majoritaire au Parlement. Ainsi qu'une crise sociale, où le nombre de morts durant les manifestations anti-gouvernementale s'alourdit de semaine en semaine.

A l'origine, une crise économique

Le 5 mars 2013, le président du Venezuela, Hugo Chavez, décède d'un cancer. C'est son ami et conseiller, Nicolás Maduro, qui assure l'intérim à la tête de l'Etat. Ce dernier est élu de justesse lors de l'élection anticipée, avec 50,66% des voix, le 14 avril de la même année. Ce n'est pas sans mal que l'homme de 51 ans reprend la suite de celui que l'on surnomme le père de la «révolution socialiste».

En effet, le Venezuela est le détenteur des plus importantes réserves de pétrole au monde, ce qui a fait de lui pendant des années, le pays le plus riche d'Amérique du Sud. Une ressource telle, que le pays n'a jamais réussi (ou vraiment essayé) à sortir de sa dépendance aux pétro-dollars, qui représente 96% de ses revenus. Si Hugo Chavez a pu utiliser pendant des années les recettes du pétrole du pays pour des programmes sociaux, la chute du cours du brut mi-2014 empêche Nicolás Maduro d'en faire de même et il ne peut stopper la chute de l'économie vénézuélienne. 

Les chefs d'entreprise qui espèrent le renversement du pouvoir chaviste profitent de la chute du cours du pétrole pour organiser la disette. Le pays ne peut plus importer suffisamment de marchandises, ce qui entraîne de graves pénuries d’aliments et de médicaments. Petit à petit, le mécontentement populaire enfle. Une situation qui va profiter au parti d'opposition de droite : La Table de l'unité démocratique. 

Puis, la fronde parlementaire

En décembre 2015, l'opposition remporte les élections législatives et décroche 99 sièges, soit une majorité des trois cinquièmes. Après avoir échoué à organiser un référendum pour révoquer le président président, le Parlement, désormais contrôlé par le centre-droit, approuve en octobre 2016 l’ouverture d’un procès pour la destitution de Nicolás Maduro. Un acte qualifié de «putsch parlementaire» par le principal concerné. 

Le 30 mars 2017, la cour Suprême, connue pour être proche du camp de Nicolás Maduro, prive le Parlement de ses pouvoirs. Les députés ne disposent plus de leur immunité et le chef de l'Etat peut dorénavant prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la «stabilité démocratique» du pays. L'opposition dénonce à son tour un coup d'Etat. De nombreux pays européens, d'Amérique latine et les Etats-Unis se positionnent également contre cette décision. La cour Suprême fait finalement marche arrière 48 heures plus tard.

En juillet 2017, dans une volonté de contourner le Parlement, le président Marudo fait élire une nouvelle Assemblée constituante entièrement contrôlée par les chavistes. Pour y parvenir, certains électeurs ont pu voter deux fois et les candidats issus de partis ont été interdits. Cette Assemblée obtient les pleins pouvoirs pour refonder les institutions et la loi. Une de ses premières décisions? Limoger la procureure générale Luisa Ortega, une opposante de Nicolás Maduro.

La répression dans le sang

Depuis l'élection de Nicolás Maduro, les manifestations se multiplient. L'une d'elles, en septembre 2016, rassemble entre 950.000 et 1.1 million de personnes à Caracas. Les choses dégénèrent vraiment à partir d'avril 2017, juste après l'affaire de la Cour Suprême. Pour l'opposition, Nicolás Maduro a tenté d'organiser un coup d'Etat. Alors, celle-ci organise de grandes manifestations contre le président, à travers tout le pays. En réponse, le pouvoir fait intervenir à chaque fois la milice bolivarienne.

La plupart de ses manifestations quasi quotidiennes dégénèrent et se terminent par des affrontements. Aujourd'hui, le bilan s'élève à près de 130 morts du côté des manifestants et un policier tué. Mi-juillet, Amnesty International a dénoncé «une politique préméditée des autorités vénézuéliennes qui vise à réprimer avec brutalité toute forme de dissidence». 

Vers une dictature

Vendredi 18 août, l’Assemblée constituante s’est arrogée la plupart des pouvoirs législatifs normalement dévolus au Parlement. L'Assemblée a également limogé la procureure générale, devenue trop critique envers le président. Résultat : en plus du pouvoir exécutif, Nicolás Maduro a désormais entre ses mains le pouvoir législatif et judiciaire.

Pour autant, il n'est pas sûr que le parti d'opposition «fasse mieux» que les socialistes. Celui-ci est dominé depuis près de vingt ans par une droite dure qui a elle aussi usé de stratégies agressives, violentes et radicales. Ainsi, les 27 et 28 février 1989, alors que le Venezuela est contrôlé par une coalition de droite, le peuple se soulève à Caracas et aux alentours. Les manifestants s'insurgent face à l'explosion des tarifs, notamment des transports en commun et face aux réformes économiques inspirées par le néolibéralisme. Le deuxième jour, le président Carlos Andrés Pérez envoie l'armée contre la population. Plus de 3.000 personnes sont tuées en quelques jours.

Condamnations internationales

Mi-Juin, des milliers de manifestants ont défilé dans les rues afin de dénoncer «la censure» exercée selon eux par le gouvernement sur certains médias ne diffusant pas son opinion. Le 24 août, ce dernier a suspendu le signal des prinicpales chaînes de télévision colombiennes, RCN et Caracol, ont indiqué les deux médias.

A l'international, les voix s'élèvent pour dénoncer certaines actions antidémocratiques du pays. Les États-Unis ont adopté début août des sanctions à l'encontre de huit responsables vénézuéliens, impliqués dans la mise en place de l'assemblée constituante jugée «illégitime». A cette même période, l'ONU a dénoncé des milliers de détentions arbitraires, un usage excessif de la force par les autorités et a accusé les forces de sécurité d'être responsables de la mort d'au moins quarante-six manifestants antigouvernementaux. 

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