Le Prix Bayeux des correspondants de guerre a récompensé, samedi 7 octobre, un reportage photo dénonçant le recours à la torture par une milice irakienne. Non sans une certaine controverse.
L'oeuvre, du journaliste irakien Ali Arkadi (parfois orthographié «Arkady», ndlr) pour l'agence VII, a ainsi suscité un «vif débat» au sein du jury car le reporter a admis avoir participé à ces «crimes de guerre».
C'est en suivant une division de soldats irakiens baptisée ERD (Emergency Response Division) pour en dénoncer les actes de torture, qu'Ali Arkadi, 34 ans, a admis avoir à deux reprises participé à ces «crimes de guerre», par crainte de représailles, sous la pression de la milice irakienne dont il avait acquis la confiance.
VIIPhoto: RT PrixBayeux: .BowenBBC à Ali Arkady : "Il n'y a pas beaucoup d'endroits pires que là où vous avez été"… pic.twitter.com/OAbeIGLCoe
— Annelize Bester (@THUTO) 7 octobre 2017
«Ce n'est pas un tortionnaire»
«Ce n'est pas toujours facile de prendre une décision. Mais au final le service qu'il a rendu en prenant ces photos a plus de puissance que le fait qu'il ait commis des erreurs. Il a souffert lui-même. Ce n'est pas un tortionnaire. Il a documenté ce que ces types faisaient», a déclaré Jeremy Bowen, le président du jury, reporter de guerre depuis plus de trente ans à la BBC.
.@patrickgomont "@BowenBBC a déjà remporté 3 fois le prix. Il était prédestiné à présider le jury cette année" #PBC2017 pic.twitter.com/VMKxCEiyQ5
— Prix Bayeux-Calvados (@PrixBayeux) 7 octobre 2017
«Ce sont les photos les plus bouleversantes que j'ai vues de toute ma vie», a ajouté ce dernier fort d'une expérience de terrain dans plus de 70 pays. «A travers ces photos vous voyez le diable [...]. Je pouvais le sentir dans mon estomac [...]. Il n'y a pas d'endroit pire au monde» que ce qu'a montré Ali Arkady, a-t-il ajouté.
«Je voulais arrêter cela»
«Je voulais que le gouvernement irakien se rende compte que ces soldats commettent des crimes de guerre. Je voulais arrêter cela. Mais malheureusement cela continue», a déclaré Ali Arkadi en recevant son prix.
En mai, dans un entretien accordé à Télérama, il avait expliqué : «la ligne rouge est si floue quand on est ainsi 'embedded' ('intégré', ndlr) avec des guerriers. En quelques secondes, la distance que je m'efforçais de maintenir a volé en éclats. Je n'en suis pas fier, je ne suis pas un homme violent mais je sais au fond de moi que je ne pouvais rien faire d'autre».
Je dirai, nombreux sont ceux qui ont trop vu, peu ont osé en parler et encore moins ont osé publier... Ali Arkadi à la une @Telerama pic.twitter.com/9qgIPCKYNJ
— Wassim Nasr (@SimNasr) 1 juin 2017