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Trois chiites favoris pour diriger l'Irak de l'après-Daesh

De g. à d., le Premier ministre sortant irakien Haider al-Abadi à Tokyo le 5 avril 2018, Hadi al-Ameri, dirigeant au sein du Hachd al-Chaabi, le 5 octobre 2015 à Najaf, et l'ancien Premier ministre Nouri al-Maliki à Bagdad le 8 septembre 2014 [Kazuhiro NOGI, HAIDAR HAMDANI, HADI MIZBAN / AFP] De g. à d., le Premier ministre sortant irakien Haider al-Abadi à Tokyo le 5 avril 2018, Hadi al-Ameri, dirigeant au sein du Hachd al-Chaabi, le 5 octobre 2015 à Najaf, et l'ancien Premier ministre Nouri al-Maliki à Bagdad le 8 septembre 2014 [Kazuhiro NOGI, HAIDAR HAMDANI, HADI MIZBAN / AFP]

Le Premier ministre sortant, son prédécesseur écarté il y a quatre ans et, en embuscade, le chef des paramilitaires ayant vaincu les jihadistes sont les favoris des premières élections irakiennes après la victoire face à Daesh.

Depuis la chute en 2003 du dictateur sunnite Saddam Hussein, la Constitution accorde le pouvoir au Premier ministre, un poste qui revient de fait aux chiites, majoritaires.

Toutefois, en raison d'un système fragmenté établi pour éviter le retour à une autocratie, le vainqueur du scrutin du 12 mai devra conclure des alliances avec d'autres listes chiites, sunnites ou kurdes, pour obtenir une majorité. Deux des favoris peuvent se targuer d'être les artisans de la victoire sur les jihadistes qui, en 2014, contrôlaient un tiers de l'Irak.

L'actuel Premier ministre Haider al-Abadi, 66 ans, est arrivé au pouvoir en septembre 2014 dans un pays aux abois. Il a réussi à faire taire ceux qui se gaussaient de son physique un peu balourd et de son inexpérience militaire.

Ingénieur diplômé en Grande-Bretagne, issu du même parti religieux Daawa que son prédécesseur Nouri al-Maliki, il a obtenu son poste grâce à l'appui de la Marjaïya, la hiérarchie religieuse chiite, et à un consensus international.

Victoires militaires 

Chef de l'armée selon la Constitution, il a su regonfler le moral des dizaines de milliers d'hommes avec l'aide de formateurs étrangers.

Cette armée a mis en pièces, avec l'appui d'une coalition internationale menée par les Etats-Unis, le «califat» de Daesh à cheval sur l'Irak et la Syrie, et repris aux Kurdes la riche province pétrolière de Kirkouk.

Des affiches des candidats aux élections législatives irakiennes dans une rue de Bagdad, le 19 avril 2018 [AHMAD AL-RUBAYE / AFP]
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Des affiches des candidats aux élections législatives irakiennes dans une rue de Bagdad, le 19 avril 2018

Pour les experts, Abadi est favori. «Il a une base populaire qui transcende les cadres confessionnels et ethniques. Il a un discours d'homme d'Etat et n'est pas éclaboussé par la corruption», assure le politologue Essam al-Fili.

"C'est le concurrent le plus sérieux mais il n'est pas assez fort pour gagner la majorité", nuance Fanar Haddad, chercheur associé à l'Institut du Moyen-Orient de l'Université de Singapour. Mais "il a l'avantage de la fonction qu'il occupe, peut se prévaloir de la victoire contre Daesh (...) et est acceptable par toutes les parties étrangères impliquées en Irak, des Iraniens jusqu'aux Américains».

Son principal concurrent est le chef de guerre Hadi al-Ameri, dirigeant au sein du Hachd al-Chaabi, supplétif crucial dans la victoire sur Daesh. Trapu, le regard froid, originaire de la province de Diyala (centre-est), diplômé en statistiques de l'Université de Bagdad, il s'était réfugié en Iran après l'exécution par Saddam Hussein de l'ayatollah Mohammad Baqr en 1980.

Agé de 64 ans, il est considéré comme l'homme de Téhéran. Il a combattu aux côtés des forces iraniennes dans la guerre avec l'Irak (1980-1988) au sein de l'organisation Badr fondée en 1982, et n'est revenu en Irak qu'après la chute du dictateur.

Député, ministre des Transports sous Maliki (2010-2014), il a échoué à devenir ministre de l'Intérieur dans le cabinet Abadi en raison d'un veto américain.

Ameri «déterminant»

Après la percée jihadiste de 2014, il a troqué ses habits civils pour la tenue de camouflage et retrouvé le front aux côtés de son ami Qassem Souleimani, chargé des opérations extérieures des Gardiens de la révolution iraniens.

«Je pense qu'Ameri aura un rôle déterminant dans les négociations post-électorales mais la formation du gouvernement restera aux mains de Daawa et en toute probabilité d'Abadi», estime M. Haddad.

Des affiches de candidats aux élections législatives irakiennes dans une rue de Bagdad, le 19 avril 2018 [AHMAD AL-RUBAYE / AFP]
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Des affiches de candidats aux élections législatives irakiennes dans une rue de Bagdad, le 19 avril 2018

Outre sa victoire militaire, le Hachd peut se targuer aujourd'hui d'avoir mis ses bulldozers au service de la réhabilitation des infrastructures comme à Bassora ou Sadr City face à l'impéritie de l'Etat.

«Je pense qu'Ameri se voit comme le plus à même d'être le joker alors que Daawa se divise. Comme le Premier ministre qui pourra construire un Etat civil avec le même succès qu'il a mené le combat militaire», estime M. Fili.

Le dernier concurrent, Nouri al-Maliki, 68 ans, ronge son frein depuis qu'il a été écarté de son poste en 2014. Chef de Daawa, il a dirigé le pays de 2006 jusqu'à la débandade de 2014 face à Daesh. Il lui est reproché d'avoir marginalisé les sunnites et favorisé la corruption.

«Il essaie de concentrer ses efforts sur les régions où le parti Daawa est fort et tente de se rapprocher des groupes armés chiites pour rester sur le devant de la scène», assure M. Fili. Mais, explique M. Haddad, «les chances de Maliki ont subi un coup irréversible car son mandat n'a pas laissé un bon souvenir aux Irakiens». «Le maximum qu'il puisse espérer, c'est jouer les seconds rôles auprès d'Ameri.»

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