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Qu'est-ce que 8chan, le forum lié au terroriste d'El Paso ?

L'un des pires recoins de l'Internet a été utilisé par trois auteurs présumés de trois récentes tueries de masse. [CNEWS]

L'auteur présumé de l'attentat d'El Paso qui a fait vingt morts et vingt six blessés samedi dans un centre commercial du Texas est soupçonné d'avoir semé des indices de son passage à l'acte, déversant sa haine des immigrés, quelques minutes avant sur le sulfureux forum 8chan.

Considéré comme les égouts du web, le site - à prononcer «eightchan» ou «infinitechan» - a été créé en 2013 et est considéré comme un repaire de militants d'extrême droite. L'auteur présumé de la tuerie du Texas, un homme blanc identifié par les médias comme Patrick Crusius, y aurait posté un «manifeste» raciste évoquant une «invasion hispanique» du l'Etat du sud des Etats-Unis.

Or, en seulement six mois, trois auteurs de fusillades de masse auraient utilisé cette plateforme comme porte-voix. Le responsable de la tuerie de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, qui a visé plusieurs mosquées le 15 mars dernier et causé la mort de 49 personnes, celui de l'attaque de Poway dans le sud de la Californie, où une personne est décédé dans une synagogue le 27 avril dernier, et enfin le tireur présumé d'El Paso. 

Trois partisans de la suprématie blanche ayant visé les communautés musulmane, juive et hispanique, coupables présumés de trois attaques considérés comme «terrorisme intérieur» et crimes de haine, tous utilisateurs de ce même site internet.

Comment est né ce forum ?

Avant 8chan, il y avait 4chan, un forum anonyme de discussion, basé sur le partage d'images et respectant les mêmes principes d'anonymat et de liberté d'expression. Mais en 2014, le site est épinglé pour un vaste de scandale de messages de harcèlement misogynes ciblant des femmes créatrices de jeux vidéo ou journalistes spécialisées dans ce domaine.  

Messages censurés, utilisateurs bloqués... le tour de vis déclenché par la polémique fait fuir de nombreux internautes vers son forum jumeau, 8chan, fondé quelques mois auparavant par Fredrick Brennan. Ce militant du web américain, en fauteuil roulant depuis son enfance à cause d'une maladie des os prétend avoir eu l'idée de 8chan alors qu'il avait pris des champignons psychédéliques. Il décide en fait de coder lui-même une plateforme identique à 4chan un détail près : chaque page de discussion est modérée par son créateur.

Aucune règle n'est inscrite, seule la loi américaine, plutôt permissive en matière de liberté d'expression, s'applique. Le forum défend un esprit libertaire, où le droit à l'impertinence peut s'exercer sans contraintes. 

Qui utilisent ce forum ?

8chan attire un public international, mais la plupart des utilisateurs sont anglophones. Ils se font appeler les «Anon», soit les anonymes.

La plateforme traite d'autant de sujets qu'il existe de «boards», soit les canaux de discussions. Mais c'est surtout sur le dénommé /pol/ pour «politiquement incorrect» qu'affluent des partisans de l'alt-right, branche réactionnaire de l'extrême droite américaine, friands de la théorie du grand remplacement ou des symboles d'incitation à la haine à l'instar de Pepe the frog. On les dit pro-Trump mais aussi terroristes, antisémites, racistes, homophobes ou encore conspirationnistes. 

Plusieurs théories du complot seraient d'ailleurs nées sur cette page, comme celle de dite de QAnon, qui prédit une imminente arrestation de toute l’intelligentsia de gauche aux Etats-Unis ou encore celle du «pizzagate», qui prétend que les démocrates américains se serviraient d'une pizzeria de Washington pour organiser des orgies pédophiles.

Le forum est-il toujours accessible ?

Délaissé par son fondateur, qui l'a administré jusqu'en 2016, 8chan est actuellement géré depuis les Philippines par Jim Watkins, un ancien combattant de l’armée américaine. Lundi soir, Mathew Prince, patron de Cloudflare, une entreprise américaine qui permet notamment à ses clients une diffusion plus rapide de contenus et une protection en cas d'attaques, a préféré sanctionner le site qualifié de «cloaque rempli de haine». 

L'accès au site était en effet particulièrement perturbé lundi soir. Mais la fin du contrat qui lie les deux entreprises du web ne signifie pas pour autant la disparition totale du site. Mathew Prince soulève par exemple le cas du site néonazi The Daily Stormer.

Après la mort d’une femme tuée par un néonazi lors de violentes manifestations d’extrême droite à Charlottesville 2017, Cloudflare avait cessé de lui fournir ses services. « Aujourd’hui, le Daily Stormer est toujours disponible et toujours répugnant. Ils se vantent d’avoir plus de lecteurs que jamais. Ils ne sont plus le problème de Cloudflare mais restent le problème de l’internet». 

D'ailleurs Jim Watkins continue d'affirmer que son site respecte la législation américaine. Reste que Fredrick Brennan a lui-même appelé de ses vœux sa disparition dans une interview au New York Times publiée dimanche : «Fermez le site. Il ne fait de bien à personne. Il est préjudiciable pour tous, sauf pour les utilisateurs qui y sont. Et vous savez quoi ? Il est préjudiciable pour eux aussi. C’est juste qu’ils ne s’en rendent pas compte.»

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