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La Cour pénale internationale autorise l'ouverture d'une enquête pour crimes de guerre en Afghanistan

La guerre en Afghanistan qui a fait plus de 100.000 victimes civiles, tués et blessés, sur la seule période 2009-2019, selon les Nations unies. La guerre en Afghanistan a fait plus de 100.000 victimes civiles, tués et blessés, sur la seule période 2009-2019, selon les Nations unies.[WAKIL KOHSAR / AFP]

La Cour pénale internationale (CPI) a autorisé ce jeudi 5 mars l'ouverture d'une enquête pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité en Afghanistan, dont des exactions qui auraient été commises par des soldats américains et des actes de torture présumés de la CIA. Les Etats-Unis mènent dans le pays depuis 2001 la plus longue guerre de leur histoire.

L'enquête souhaitée par la procureure de la Cour, Fatou Bensouda, doit examiner des crimes présumés commis par l'ensemble des forces en présence dans le pays : les forces internationales, notamment les troupes américaines, mais aussi les soldats talibans et afghans. Elle doit également se pencher sur les allégations d'actes de torture commis par la CIA en Afghanistan mais également dans d'autres pays, tels que la Pologne et la Roumanie, où l'agence américaine a transféré des prisonniers.

«La procureure est autorisée à commencer une enquête sur des crimes présumés commis sur le territoire de l'Afghanistan depuis la période du 1er mai 2003», a déclaré le juge Piotr Hofmanski. «Compte tenu de l'étendue des informations présentées par la procureure, la Chambre d'appel considère que les conditions sont réunies pour autoriser l'enquête», a-t-il ajouté.

Des sanctions des Etats-Unis contre la CPI

Ce jugement en appel annule donc la décision en première instance de la CPI, rendue en avril 2019, qui avait jugé à l'époque que l'ouverture d'une enquête sur de tels crimes en Afghanistan «ne servirait pas les intérêts de la justice». Ce verdict avait fait suite à de lourdes pressions imposées par les Etats-Unis, qui ne sont pas membres de la Cour. En septembre 2018, le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, John Bolton, avait menacé de sanctions la CPI, fondée en 2002 pour juger des pires atrocités commises dans le monde et basée à la Haye (Pays-Bas), si elle s'en prenait à des Américains ou à Israël, faisant notamment référence au conflit en Afghanistan.

Puis, en mars 2019, Washington avait mis ses menaces à exécution, annonçant des restrictions de visa contre des membres de la CPI, en particulier la procureure de la Cour Fatou Bensouda, afin d'empêcher toute enquête de la juridiction contre des militaires américains. Une semaine après tombait le jugement en première instance de la CPI, saluée par les Etats-Unis comme une «grande victoire» mais critiquée par différents groupes de défense des droits humains, qualifiant ce jugement de coup dur pour les «milliers de victimes» du conflit afghan. Une guerre qui a fait plus de 100.000 victimes civiles, tués et blessés, sur la seule période 2009-2019, selon les Nations unies.

En septembre dernier, la procureure de la CPI Fatou Bensouda avait fait appel de la décision rendue en première instance. Le bureau de la procureure - qui avait ouvert un examen préliminaire en 2006 sur la situation en Afghanistan, pays membre de la CPI - ainsi que les représentants des victimes du conflit afghan avaient de nouveau plaidé pour l'ouverture d'une enquête lors d'audiences tenues en décembre. Contrairement à l'Etat afghan, l'ambassadeur d’Afghanistan aux Pays-Bas expliquant qu'une enquête saperait «nos efforts pour bâtir la paix» dans le pays.

«Nous avons perdu deux ans»

Jeudi, la Chambre d'appel de la CPI a conclu que les juges de la chambre préliminaire avait «commis une erreur» en estimant que l'ouverture d'une enquête ne servirait pas à ce stade l'intérêt de la justice. «Nous avons perdu deux ans de plus en raison de cette erreur», a déclaré à l'issue de l'audience Katherine Gallagher, représentante de victimes. Le jugement en appel «n'est pas seulement un coup porté aux administrations américaines qui ne veulent pas être liées par l'état de droit, mais c'est une victoire pour ceux qui croient que les détenus doivent être traités humainement et que les civils doivent être protégés», a-t-elle poursuivi auprès de l'AFP. La CPI envoie «un signal ô combien nécessaire aux auteurs actuels et potentiels d'atrocités : la justice pourrait un jour les rattraper», a déclaré de son côté dans un communiqué Param-Preet Singh, de l'association de défense des droits humains Human Rights Watch.

Cette décision en appel de la CPI concernant le conflit en Afghanistan survient quelques jours seulement après la signature le 29 février entre Washington et les talibans afghans d'un accord historique de paix, ouvrant la voie à un retrait total des troupes américaines d'Afghanistan. Les talibans ont toutefois mené des attaques ces derniers jours, dont la gravité a été minimisée par le Pentagone.

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