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Qu'est-ce que la «monnaie hélicoptère», une idée controversée figurant dans le plan de relance américain ?

Face au coronavirus, l'économiste Pascal Perez appelle la BCE à verser à tous les ménages de la zone euro un chèque de 2.000 euros, dans une tribune dans Le Monde. Face au coronavirus, l'économiste Pascal Perez appelle la BCE à verser à tous les ménages de la zone euro un chèque de 2.000 euros, dans une tribune dans Le Monde. [INA FASSBENDER / AFP]

Après des jours de négociations serrées, un accord a enfin été trouvé au Sénat américain sur un plan de relance «historique» de 2.000 milliards de dollars pour faire face au coronavirus. Parmi les mesures annoncées figure l'envoi de chèques directement aux Américains. Une illustration du concept controversé de «monnaie hélicoptère».

Théorisée par l'économiste américain Milton Friedman en 1969, l'«helicopter money» consiste à verser directement aux consommateurs des sommes d'argent, sans intermédiaire ni contrepartie, afin de relancer la consommation. Le prix Nobel d'économie 1976, considéré comme l'un des pères du néolibéralisme et mort en 2006, utilise l'image d'un hélicoptère larguant depuis les airs des billets, ramassés par les citoyens puis immédiatement dépensés. 

Une idée qui revient régulièrement dans le débat, et que la crise actuelle du coronavirus remet sur le devant de la scène. Parmi les grandes puissances, ce sont les Etats-Unis qui ont tiré les premiers, en prévoyant dans leur gigantesque plan de sauvetage économique, destiné à limiter les conséquences négatives de la crise du Covid-19, des paiements directs en cash à chaque Américain : 1.200 dollars (1.100 euros) par adulte, 500 dollars (460 euros) par enfant, seulement pour les ménages gagnant jusqu'à 75.000 dollars (69.000 euros) par an. Hong Kong a quant à lui annoncé fin février le versement de plus de 1.000 euros à chacun de ses 7 millions de résidents permanents, de façon à relancer l'économie.

Pas encore d'actualité en Europe

Du côté de l'Union européenne, la mesure n'est pas publiquement évoquée, mais plusieurs économistes encouragent Bruxelles à l'étudier. Dans une tribune publiée dans Le Monde le 19 mars, l'économiste Pascal Perez, directeur d'un cabinet de conseil, appelle la Banque centrale européenne (BCE) à verser à tous les ménages de la zone euro un chèque de 2.000 euros, en réponse au «désordre économique systémique» dû à la propagation du coronavirus.

Même avant le début de l'épidémie, d'autres économistes - comme Daniel Cohen dans Les Echos ou Jézabel Couppey-Soubeyran dans Le Monde - professaient déjà cette idée, afin de relancer une économie européenne en pleine stagnation et une inflation trop faible. Selon eux, la politique monétaire mise en place par la BCE après la crise financière de 2008, appelée «quantitative easing» (QE) et consistant depuis plus de dix ans à acheter massivement de la dette publique et privée, n'a pas eu d'effet sur l'économie réelle.

«A l'exception des personnes qui ont profité des taux bas pour acheter un bien immobilier, l'impact direct et immédiat de cette politique monétaire accommodante sur le consommateur a été quasiment inexistant», constate à l'AFP Philippe Waechter, chef économiste chez Ostrum Asset Management. D'où l'idée de la «monnaie hélicoptère» de donner de l'argent en liquide directement aux ménages pour qu'ils le dépensent rapidement.

Une mesure qui fait débat

Si, sur le papier, le plan semble parfait, dans les faits, cette mesure suscite de nombreux débats chez les économistes. Au-delà des difficultés techniques pour une banque centrale de verser directement de l'argent aux consommateurs, les spécialistes ne sont pas d'accord entre eux sur les résultats de ce dispositif et certains doutent d'un impact déterminant sur la consommation. En effet, comment être certain que cet argent sera dépensé et non épargné ?

Un autre risque serait que ces sommes profitent en priorité aux produits étrangers importés, et donc qu'elles aient peu d'impact sur l'activité économique nationale. Ou encore qu'elles servent d'abord, dans le cas des Etats-Unis, à rembourser ses dettes médicales ou éventuellement à compenser la perte d'emploi consécutive à la crise du coronavirus. Le débat est lancé. 

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