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Caroline Pigozzi : «Le pape François invente ses propres mots»

«Argentin, le pape François pense en espagnol, parle en italien et improvise son propre vocabulaire», explique la journaliste Caroline Pigozzi. «Argentin, le pape François pense en espagnol, parle en italien et improvise son propre vocabulaire», explique la journaliste Caroline Pigozzi. [ALBERTO PIZZOLI / AFP].

Dans la tête du Souverain Pontife. Grand reporter à Paris Match, notamment spécialiste du Vatican et écrivain, Caroline Pigozzi signe «François en poche». Un recueil de pensées profondes et émouvantes du pape François, qu’elle a spécialement sélectionnées et classées sous forme d’abécédaire.

D’«Aborigènes» à «Zizanie» en passant par «dialogue interreligieux» ou «rêve», la Vaticaniste, qui depuis l’élection du pape en 2013 l’a accompagné dans vingt-huit pays, a rédigé un véritable petit guide pratique et spirituel. Chaque individu, qu’il soit croyant ou non, peut ainsi le glisser dans la poche pour y trouver à tout moment des repères.

Comment vous est venue l’idée de ce livre ?

L’idée de ce livre m’est venue en suivant le pape François. Dès le départ, j’ai été frappée par son vocabulaire singulier et fort peu clérical. Ce pape jésuite dit des choses originales tout en étant pragmatique. C’est cela qui m’a plu. Surtout, j’ai vraiment tenu à écrire un livre intergénérationnel. Il était en effet important pour moi de faire partager la pensée du pape auprès des plus âgés comme des plus jeunes. J’ai également voulu que l’ouvrage s’adresse aux croyants de toutes les religions ou aux athées car la réflexion de François est réellement universelle.

A partir de quelles sources avez-vous travaillé pour retranscrire ces pensées ?

Ces pensées sont issues d’interviews mais aussi de sources plus variées. Pour les écrire, je me suis plongée dans une vingtaine d’ouvrages en plus de mes propres carnets de notes. Par ailleurs, et parce que je voulais être absolument sûre qu’il n’y ait pas de décalage entre la pensée du pape et ce que je pouvais dire, je suis allée chercher l’exacte réflexion de François en puisant dans ses écrits originaux, qu’ils soient rédigés en italien ou en espagnol, en analysant l’origine du texte afin de ne pas écrire de contresens. Le travail en valait la peine car le Souverain Pontife est content du livre. C’est ma plus belle récompense.

Comment les avez-vous sélectionnées ?

J’ai vraiment fait ce livre à l’instinct. C’est ce qui m’a guidée. Philippe Héraclès, mon éditeur au Cherche-Midi, m’a proposé d’écrire un livre chez lui. J’ai accepté à la condition qu’on me donne une totale liberté et ma demande a été respectée. Je l’en remercie grandement. J’ajoute que le Vatican m’a également laissé une absolue liberté et n’a exigé aucun droit de regard sur le livre. J’ai fait ce que je voulais. Pour autant, cet ouvrage a été un réel challenge dans la mesure où il est beaucoup plus compliqué de faire court que long. Cela a donc été une source d’angoisse même si écrire ce livre était avant tout une grande joie.

Vous parlez de «Bergoglismes» pour décrire la pensée du pape. Pouvez-vous nous expliquer ce dont il s’agit ?

C’est un néologisme construit à partir du nom de famille du pape : Bergoglio. Jorge Mario Bergoglio invente en effet ses propres mots, des formules, parfois surprenantes, issues d’expressions typiquement latino-américaines. Argentin, il pense en espagnol, parle en italien et improvise son propre vocabulaire. C’est cela les «Bergoglismes». Le défi a donc consisté à garder ce lexique et en restituer le sens et la saveur une fois traduit en français.

Votre livre apporte la réflexion sur des thèmes divers et variés et parfois très récents comme la pandémie du coronavirus. Ce sont donc toutes les époques qui sont concernées ?

J’ai effectivement voulu aller jusqu’aux événements les plus récents et ai travaillé sur ce livre jusqu’à la dernière minute, soit la veille du jour où il est parti à l’imprimerie. Cela étant dit, certaines pensées sont anciennes et peuvent dater d’il y a trente ou quarante ans, lorsque François n’était pas encore pape. Sa réflexion couvre donc un large spectre. Elle apporte à la fois un certain recul et est aussi faite à chaud sur l’actualité récente.

Aux côtés de mots chrétiens figurent des mots surprenants et inattendus comme «Youtubeur». Est-ce à dire que François est bien de son temps ?

Le pape François a compris qu’il fallait parler à son époque. C’est d’ailleurs pour lui un enjeu qui lui plaît. Je pense que d’une certaine façon il est beaucoup plus intéressé par l’avenir que par le passé. Le Saint-Père est un homme qui regarde rarement derrière lui sauf quand il médite sur l’Évangile. Il est surprenant dans la mesure où ce n’est pas un pape «classique». Il est bien souvent là où on ne l’attend pas.

Si vous ne deviez retenir qu’un mot de votre livre, ce serait lequel ?

Il y en a plusieurs. Beaucoup de mots me plaisent et me rassurent. Cela étant dit, la pensée de François sur la nature est très intéressante en plus d’être très actuelle. «La nature, dit-il, ne pardonne jamais quand on ne prend pas soin d’elle». L’écologie est avec l’accueil des migrants l’un des nombreux dossiers internationaux actuels dont il s’est emparé. Il a d’ailleurs publié une encyclique consacrée à la préservation de l’environnement : Laudato Si’.

L’un de vos confrères a rédigé il y a quelques années un «dictionnaire amoureux des papes». Pensez-vous qu’il y a matière à faire un dictionnaire amoureux sur le pape François uniquement ?

Oui et cela me plairait beaucoup d’en écrire un. La pensée et le champ lexical du pape sont très riches. Un dictionnaire amoureux laisse en outre une grande part de liberté, de créativité. Par ailleurs, j’aime beaucoup ce pape parce que dès le moment où il a été élu, il a su parler à tout le monde et même capter l’attention de gens éloignés de la religion. Cela m’avait frappée d’ailleurs dès le 13 mars 2013. J’ai donc été heureuse de suivre l’ancien archevêque de Buenos Aires, successeur de Pierre, et premier pape issu d’un autre continent.

François en poche (Les pensées du pape choisies par Caroline Pigozzi) éditions du Cherche-Midi (11,80 euros).

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