En direct
A suivre

Parité euro-dollar : «la rentrée pourrait être plus difficile en Europe qu’aux États-Unis», redoute l'économiste Philippe Crevel

Ce mardi 12 juillet, la monnaie européenne a s’est stabilisée face au billet vert à 1,0035 dollar s’approchant au maximum de la parité. [Markus Spiske / Unsplash]

Alors que l’euro atteignait toujours la parité avec le dollar ce mercredi 13 juillet, sapé par le spectre d’une coupure prolongée des approvisionnements russes en gaz pour l’Union européenne, les craintes quant aux conséquences de cette dépréciation face au billet vert restaient vives en France comme dans le reste des pays européens. L’économiste Philippe Crevel revient pour CNEWS sur les raisons de cette chute de la devise européenne et de ses possibles retombées dans le quotidien des Français.

L’euro est en crise. Ce mercredi 13 juillet à la mi-journée, la monnaie européenne est passée brièvement sous le billet vert s'échangeant pour 0,9998 dollar vers 12H45 GMT. Une première depuis 2002, l'année de sa mise en circulation.

Une dépréciation qui interroge car elle ne pourrait pas être sans conséquences sur le porte-monnaie des Français.

Pour CNEWS, l’économiste Philippe Crevel est revenu sur les raisons de cette chute libre de l’euro et ce que cela implique sur le moyen et long terme.

Quelles sont les raisons de la dépréciation de l’euro ?

Il y a plusieurs facteurs qui expliquent la dépréciation de l’euro par rapport au dollar. Le premier, c’est l’écart de taux sur les obligations d’États entre les États-Unis et l’Europe. Il y a un écart assez conséquent du fait de la politique de la Banque Centrale Américaine qui a relevé ses taux directeurs. Le taux d’obligation américaine, à dix ans, est à peu près 3 % alors qu’en Europe, on est encore sur des taux qui sont bien plus faible.

Les investisseurs privilégient l’obligation américaine. Ceci est renforcé par les perspectives de croissance entre les deux zones économiques. On considère que l’Europe est beaucoup plus touchée que les États-Unis par la crise en Ukraine du fait de son indépendance énergétique à la Russie. Quant aux États-Unis, ils disposent de taux de suffisance énergétique.

Il y a un décalage économique et également des anticipations selon lesquelles, à la rentrée de septembre, la période serait plus difficile en Europe qu’aux États-Unis.

La Banque Centrale Européenne (BCE) est censée relever ses taux. Néanmoins, comme la menace de récession semble être plus forte en Europe qu’aux États-Unis, les investisseurs estiment que la BCE ne pourra pas augmenter les taux aussi fortement que prévu et donc cela joue contre l’euro.

À qui profite cette chute ?

La dépréciation de l’euro fait des gagnants et des perdants. Les gagnants ce sont les exportateurs en dollars. Ils bénéficient d’une compétitivité prix du fait de la chute de la monnaie européenne, sous réserve qu’ils ne soient pas dépendants des importations.

Les perdants sont ceux qui importent et en particulier on importe en dollar les matières premières et l’énergie. De facto, ceux dont les activités dépendent beaucoup d’importations payées en dollar sont perdants.

Pour les Américains, c’est un gain en matière de pouvoir d’achat. Le touriste américain en France ou en Europe a une augmentation de son pouvoir d’achat du fait qu’en changeant ses dollars contre l’euro, il en a 15 % de plus par rapport à ce qu’il était il y a quelques mois. Les investisseurs pourraient également acheter des entreprises européennes à moindre coût.

Quelles sont les conséquences de cette dépréciation de l’euro sur le quotidien des Français ?

Parmi les conséquences on retrouve les coûts de produits importés cela va de l’énergie aux commerces payés en dollar. Le commerce avec la Chine, par exemple, s’effectue en grande partie en dollar.

Les biens informatiques, électroniques et d’autres importés de la Chine coûteront plus chers du fait que la monnaie européenne s’est dépréciée. Cela renforce l’inflation.

Combien de temps cette chute peut-elle durer ?

C’est très difficile de faire des prévisions parce que cela dépend de multiples facteurs. Il y a aussi une part d’anticipation. Aujourd’hui, les facteurs qui jouent contre l’euro ce sont d’une part les perspectives de croissance et la guerre en Ukraine et d’autre part la politique menée par la BCE. Ceci peut évoluer dans les prochains mois que ce soit la situation à Kiev ou encore l’appréciation du risque récession.

Aujourd’hui, on est pessimiste. Il faudra voir au mois de septembre-octobre ce qu’il en est. S’il y avait un moindre ralentissement économique en Europe cela aurait des effets positifs sur l’euro.

L’euro a commencé sa chute depuis 2015, comment expliquez-vous cela ?

Il y a trois aspects importants qui font que l’euro est moins apprécié. Premièrement, il s’agit de la crise des dettes souveraines en 2011-2012 qui ont souligné la faiblesse de l’euro institutionnel. On a eu des doutes sur la pérennité de la monnaie européenne. Cette faiblesse structurelle perdure même si la BCE a prouvé, depuis, qu’elle était prête à tout pour sauver la monnaie commune.

Deuxièmement, l’Europe a eu plus de mal à remonter la ponte après la crise de 2008. Il y a eu une croissance plus faible que celle que les États-Unis ont connu.

Troisièmement, en 2015 il y a eu la mise en place tardive de la politique monétaire accommodante avec, à la fois, des baisses de taux directeurs négatifs et des achats massifs d’obligation.

L’accumulation de ces facteurs a contribué à la glissade de l’euro qui, depuis, s’est poursuivie et qui s’est accélérée avec la guerre en Ukraine.

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités