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Etats-Unis : 3 questions pour comprendre la crise qui paralyse le Congrès

Le républicain trumpiste Matt Gaetz (au centre) mène la fronde sous le regard amusé de la démocrate Alexandria Ocasio-Cortez (au fond). [ANNA MONEYMAKER / GETTY IMAGES VIA AFP]

Les élus américains de la Chambre des représentants ne parviennent pas à élire un président, faute de majorité pour le candidat favori Kevin McCarthy. Alors que le parti républicain se déchire, le Congrès s'enfonce dans la paralysie.

que se passe-t-il à la chambre des représentants ?

Depuis mardi, les élus de la nouvelle Chambre des représentants ne parviennent pas à élire leur «speaker», équivalent américain du président de l'Assemblée nationale. Le poste est promis au parti républicain, majoritaire dans l'assemblée depuis les midterms du 8 novembre. Mais malgré onze tours de scrutin - une première en 100 ans - la situation reste figée.

L'élection du «speaker», le troisième personnage le plus important de la politique américaine après le président et le vice-président, nécessite une majorité de 218 voix. Mais Kevin McCarthy, favori pour remplacer la démocrate Nancy Pelosi au perchoir, n'a pour le moment pas réussi à dépasser les 203. La faute à une vingtaine d'élus trumpistes, qui refuse de voter pour lui. Membres du groupe ultra-conservateur «Freedom Caucus», ils jugent McCarthy trop modéré et trop proche de l'«establishment» de Washington. En jouant délibérément les trouble-fêtes, ils mettent leur parti dans l'impasse.

Leur mentor Donald Trump a pourtant appelé mercredi à se ranger derrière Kevin McCarthy pour tourner la page démocrate. «Votez pour Kevin, concluez l'accord, prenez la victoire et regardez Nancy Pelosi rentrer chez elle», a-t-il lancé sur son réseau Truth Social, sans être écouté. 

Ces élus radicaux, surnommés les «never Kevin» par la presse américaine, profitent de la très fine majorité républicaine décrochée aux élections de mi-mandat du 8 novembre pour poser leurs conditions. Après avoir échoué à devenir président de la Chambre des représentants en 2015, déjà à cause d'une fronde de l'aile droite du parti, Kevin McCarthy a multiplié les concessions, promettant notamment la création d'une commission d’enquête sur les affaires d'Hunter Biden, fils du président. Mais l'élu de Californie ne peut pas se permettre d'aller trop loin, au risque de s'aliéner les républicains modérés.

comment la situation peut-elle se débloquer ?

La quatrième journée de vote commence ce vendredi 6 janvier. Si les élus trumpistes campent sur leur position, tout porte à croire que la paralysie pourrait durer pendant des jours, voire des semaines. En 1856, les élus du Congrès ne s'étaient accordés qu'au bout de deux mois et... 133 tours de scrutin.

A en croire le Washington Post, Kevin McCarthy a fait dans la nuit de mercredi à jeudi de nouvelles concessions aux radicaux pour emporter leur vote. Il aurait notamment accepté d'abaisser à un seul représentant le nombre nécessaire pour déclencher à tout moment un vote de renvoi du «speaker» et promis de donner plus de places aux membres du «Freedom Caucus» dans les commissions parlementaires. En vain.

Ancien chef des républicains à la Chambre, Kevin McCarthy n'a pas - pour l'heure - de rivaux sérieux. Seul le nom de l'actuel chef de groupe Steve Scalise circule comme possible alternative, sans que ses chances ne semblent sérieuses. La vingtaine d'élus pro-Trump ont porté leurs voix sur le frondeur Byron Donalds, qui a encore moins de chances d'être choisi.

Ce blocage a des répercussions très concrètes : sans président, les élus ne peuvent pas prêter serment, et donc passer quelconque projet de loi. «Nous avons du travail à faire et auquel nous ne pouvons pas nous atteler», a dénoncé l'élu républicain Mike Gallagher.

quelles conséquences pour les républicains et les démocrates ?

Le blocage en cours au Congrès est révélateur de la crise profonde que traverse le parti républicain depuis les élections du 8 novembre. Après des résultats en demi-teinte (défaite au Sénat, courte victoire à la Chambre), la frange modérée du parti s'en prend à la minorité trumpiste la plus radicale, accusée d'avoir perdu les scrutins les plus stratégiques.

Malgré la contre-performance des candidats personnellement soutenus par l'ancien président, la poignée d'élus pro-Trump conserve un pouvoir disproportionné à la Chambre. Et agace une large partie des élus républicains, prêts à tourner la page Donald Trump pour revenir à une ligne conservatrice plus traditionnelle.

Même si la situation se résorbe, la division au grand jour des républicains pourrait avoir de fortes répercussions sur le parti dans les années à venir. Etre face à une Chambre hostile, mais désordonnée, pourrait se révéler être une aubaine politique pour Joe Biden s'il confirme son intention de se représenter en 2024 – décision qu'il doit annoncer en début d'année.

Soucieux d'endosser son costume favori de président centriste, le dirigeant américain s'est tenu à distance des débats, jugeant néanmoins la situation «embarrassante» et ne donnant «pas une bonne image» du pays.

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