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Japon : quand vie amoureuse, amitié et emploi sont dictés par le groupe sanguin

Connaître le groupe sanguin de son partenaire est une question qui se pose dès le premier rendez-vous. [©Charly TRIBALLEAU/AFP]

Dis-moi ton rhésus, je te dirai qui tu es. Japonais, Sud-Coréens, Taïwanais... Nombreux sont ceux à croire que le groupe sanguin d'une personne détermine sa personnalité.

S’il est plutôt rare en France de connaître son groupe sanguin, il est d’usage au Japon de savoir quel groupe ABO est le sien. Selon une croyance populaire bien ancrée, ces lettres influenceraient le tempérament d’un individu, et jusqu'à ses relations humaines et son employabilité.

Une classification semblable à l'astrologie

À l'instar de ce qui existe en astrologie, les groupes sanguins sont classifiés selon leurs traits. D’une nature douce et polie, presque timide, les individus de type A rechercheraient ainsi l’harmonie en évitant d’exprimer leurs opinions… de quoi soutenir les stéréotypes qui courent sur les Japonais. Doués d'une grande sensibilité, ces «type A» offriraient une oreille attentive, mais seraient de véritables boules de stress, excessivement minutieuses.

Bourrés d’ambition, les O seraient, quant à eux, nés pour diriger. Si on leur reproche parfois d’être arrogants ou insensibles, leur charme d'orateur les aiderait à se faire pardonner. Plutôt confiants, ces accros du travail auraient pour habitude de suivre leur intuition.

En revanche, le groupe B s’éloigne radicalement des préjugés sur les Japonais. Ces esprits créatifs, rebelles et impulsifs n'aimeraient pas suivre les règles et placeraient leur goût de liberté au-dessus des valeurs collectives, un tabou dans la civilisation asiatique. Ils feraient de très bons journalistes, musiciens et autoentrepreneurs. 

Enfin, le groupe AB saurait faire preuve d’adaptabilité. Ses membres seraient organisés et rationnels, mais distants et difficiles à cerner. S’il s’agit du groupe le plus rare, il pourvoie pourtant de parfaits professeurs, avocats et travailleurs sociaux.

une hiérarchie problématique

La croyance voudrait que les chanceux soient du groupe A, soit 40% de la population japonaise. Leur perfectionnisme et leur sérieux feraient d’eux des employés modèles, et leur gentillesse des époux exemplaires. Viendraient ensuite les individus de type O (30% de la population), les leaders dans l'âme, tandis que les groupes B et AB, minoritaires (20 et 10%), feraient l’objet de nombreuses vexations. 

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Dans Ketsuekigata-kun, littéralement «M. Groupe Sanguin», les petits bonhommes ont une personnalité ouvertement définie par leur groupe ABO. Cet animé est adapté d'un manga, lui-même inspiré d'une bande dessinée coréenne. ©Studios Feel, Assez Finaud Fabric

Une telle croyance prêterait à sourire, si elle n'entraînait pas de véritables discriminations à l'embauche et dans les cours d'école. Dès 1998, on parlait de harcèlement au groupe sanguin ou «bura-hara» en japonais, pour «blood harassment».

Si de plus en plus de voix s’élèvent contre cette pseudoscience déterministe qui flirte avec le racisme, beaucoup persistent encore à croire en ces «horoscopes sanguins» (près d’une femme sur deux et près d’un homme sur trois). Le constat est sans appel quand on remarque que des ouvrages sur les groupes sanguins se classent régulièrement en tête des ventes. Dans une société nippone où l'habitude n'est pas de parler de soi, le lecteur se sent enfin compris.

au quotidien et en politique

Il est possible d’acheter des produits, des boissons et même des préservatifs adaptés au groupe sanguin de chacun. Les sites de rencontre et agences matrimoniales surfent également sur cette tendance et mettent en relation deux partenaires «sanguinairement compatibles».

Dans la presse people, renseigné à côté du nom et de l’âge des sportifs, idols et autres starlettes de la télévision, se trouve le groupe sanguin de ces derniers. Inévitablement, cette pratique s’étend aux personnages d’animé et de manga.

Après les tremblements de terre de 2011, Ryu Matsumoto, ministre de la Reconstruction, avait décide de s'excuser publiquement pour les remarques insensibles qu'il avait tenu à l’égard des zones sinistrées... en se fondant sur son groupe sanguin : «Mes commentaires étaient trop durs. En fait, mon groupe sanguin est B, ce qui signifie que je peux être irritable et impétueux».

des origines eugénistes

Empruntée à l’idéologie nazie, la théorie du sang a été adoptée par le gouvernement militaire japonais des années 1930 pour améliorer la «race» des soldats, avant d’être abandonnée. Décriée un temps par les scientifiques, la pratique s’est à nouveau répandue dans les années 1970, lorsqu’ont été publiés plusieurs ouvrages signés par Masahiko Nomi, sur les groupes sanguins des gens célèbres. Le fils de ce dernier, Toshikata Nomi, reprend sa pensée et affirme même que la société japonaise gagnerait à s'organiser selon cette «science».

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