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Mariage : un maire peut-il refuser de célébrer une union ?

Que dit la loi concernant le refus du mariage ? [Photo d'illustration Pixabay]

Invité de la Matinale de CNEWS ce jeudi 6 juillet, le maire de Béziers Robert Ménard a rappelé son intention de refuser un mariage entre une Française et un Algérien sous le coup d'une OQTF. Aux yeux de la loi, l'élu serait dans l'illégalité.

Un maire bientôt hors-la-loi ? Ce jeudi 6 juillet, le maire DVD de Béziers (Hérault) Robert Ménard a indiqué qu'il ne célébrera pas un mariage entre une Française de 29 ans et un homme d'origine algérienne âgé de 23 ans. En cause : ce dernier est sous le coup d'une Obligation de quitter le territoire français (OQTF).

«Il y a les droits de l'Homme, mais c'est le bon sens. Ce garçon est en situation irrégulière, si l'on a délivré une OQTF, c'est qu'on veut le foutre dehors. En plus, il est connu défavorablement des services de police. Et moi je vais aller le marier ? Bien sûr que je ne vais pas le marier», a-t-il justifié face à Laurence Ferrari, dans l'interview de la Matinale, sur CNEWS. Mais en a-t-il le droit ?

Le maire est-il obligé de célébrer en personne ?

Dans un premier temps, il faut savoir qu'un maire n'est pas obligé de célébrer un mariage en personne. Selon les textes de loi, «le maire et ses adjoints sont tous officiers d'état-civil». Ainsi, «un mariage peut donc être célébré de manière indistincte par le maire ou par l'un de ses adjoints.

De même, si le maire ou l'un de ses adjoints sont dans une situation d'empêchement, l'édile peut «déléguer les fonctions d'officier d'état-civil à des conseillers municipaux» qui peuvent alors procéder à l'union. En conséquence, Robert Ménard n'est pas contraint de célébrer cette union lui-même, s'il s'y oppose.

Peut-il empêcher une union ?

La législation est très claire sur ce sujet. Tout officier d'état-civil, que ce soit le maire ou un de ses adjoints, peut refuser un mariage s'il existe un motif d'empêchement légal. Cela peut être une formalité administrative absente ou incomplète, ou encore dans le cas d'un risque de fraude. C'est ce qu'on appelle un «mariage blanc», et c'est la justification de Robert Ménard pour s'opposer à ce mariage.

«Il est Algérien, il a 23 ans, il veut épouser une Française de six ans de plus que lui, déjà mère de trois enfants : ça sent le mariage blanc à plein nez !», a-t-il expliqué dans les colonnes du Figaro. En effet, il est possible pour une personne d'acquérir la nationalité française après, au minimum, 4 ans de mariage avec un conjoint français. De même, si la personne n'a pas commis d'infraction ou ne représente pas une menace à l'ordre public, alors celle-ci ne peut plus faire l'objet d'une obligation d'expulsion du territoire.

A noter également que l'union entre un étranger et une personne de nationalité française est protégée par l'article 12 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen. «Il est impossible d’interdire à une personne de se marier sous prétexte de sa religion, de sa couleur de peau ou de sa situation aux yeux de l’administration du pays dans lequel elle vit». Le texte permet également le mariage, en France, de deux personnes en situation irrégulière.

Dans le cas de cet homme d'origine algérienne, même s'il se marie ce vendredi comme cela est prévu, l'union ne veut pas dire qu'il ne sera pas expulsé. Ce sera à l'administration française d'organiser le départ si le délai qui a été attribué (départ sous 30 jours ou sans délai) a été dépassé.

Dans tous les autres cas, le refus de célébrer un mariage est strictement illégal. Si la personne concernée estime être victime de discrimination (par le sexe, par l'origine, par la situation familiale ou les idées politiques), elle est en droit d'attaquer en justice le maire ou l'adjoint concerné.

Quelles sont les peines encourues ?

En cas de refus de célébrer un mariage pour un motif jugé non-recevable devant la justice, l'office d'état-civil peut être poursuivi devant la justice. La personne doit saisir le président du tribunal judiciaire en référé et peut même demander des dommages et intérêts pour le préjudice subi.

Selon l'article L.2122-32 du code général des collectivités territoires, le refus de célébrer un mariage entre dans la catégorie d'une voie de fait, «c'est-à-dire une atteinte grave portée à une liberté fondamentale et une décision de l'administration manifestement insusceptible de se rattacher à l'exécution d'un texte législatif ou réglementaire».

Pour ce qui est de la peine encourue, les articles 432-1 ou 432-7 du code pénal prévalent. Le maire s'expose à une peine de cinq ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende pour délit de discrimination. De surcroît, les officiers d'état-civil peuvent s'exposer à une sanction disciplinaire de la part du ministère de l'Intérieur. Très concrètement, les services peuvent décider la suspension ou la révocation de leur autorité.

Interrogé sur la possibilité d'une sanction, Robert Ménard n'a pas fléchi : «Tant pis, on m'a prévenu. A un moment, c'est une mascarade quand le droit est à ce point contre la logique, le bon sens et l'évidence».

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