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Tunisie : deux ans jour pour jour après la dissolution du Parlement, la crise politique se poursuit

Pour tenter une sortie de crise, le président tunisien avait nommé en septembre 2021 une femme à la tête du gouvernement. [FETHI BELAID / AFP]

Il y a pile deux dans, le 25 juillet 2021, le président Kaïs Saïed avait décidé de démettre des membres de son gouvernement et de suspendre le parlement déclenchant une crise politique majeure. Deux ans après, la Tunisie peine toujours à se relever.

En pleine crise politique, la Tunisie célèbre ce mardi 25 juillet sa 66e Fête de la République. Une date sans doute inscrite dans la mémoire des Tunisiens puisqu’elle renvoie, d’une part, à l’instauration de la République tunisienne le 25 juillet 1957, et d’autre part, au coup de force du président Kaïs Saïed en 2021 en suivant «la volonté du peuple», semble-t-il.

Ce jour-là, la Tunisie a basculé d’un régime démocratique acquis lors de la révolution de 2011 en régime ultra présidentiel.

Cela est passé d’abord par le recours de Kaïs Saïed à l’article 80 de la Constitution tunisienne annonçant la suspension du Parlement, dominé par le parti d’inspiration islamiste Ennahdha, et le limogeage du chef du gouvernement Hichem Mechichi, du ministre de la Défense mais également de la porte-parole du gouvernement. Ces décisions avaient suscité des inquiétudes au sein de la communauté internationale, en particulier à Washington, Bruxelles et Paris.

Une «opération de nettoyage»

Le 25 juillet 2021 au soir, de nombreux Tunisiens, exaspérés par la classe politique, étaient descendus dans la rue pour exprimer leur enthousiasme et soutenir les mesures du chef de l’État.

Depuis, celui que l'on surnomme «Robocop» est passé à la vitesse supérieure. Ce qui devait être une «opération de nettoyage» s’est rapidement transformé en un coup d’État, selon les associations locales. En effet, le président a levé l’immunité des députés demandant, par la même occasion, l’interpellation de plusieurs responsables politiques, notamment ceux du parti Ennahdha qu’il considère comme «sa bête noire».

Parmi les députés arrêtés, certains ont été poursuivis ou condamnés pour divers délits et crimes notamment pour fraude fiscale, escroquerie, soupçons de corruption, conflit d'intérêt et même harcèlement sexuel, selon l’ONG I Watch.

Deux mois après, soit le 22 septembre 2021, le président tunisien a rehaussé le ton en suspendant les salaires et les bénéfices accordés au président de l'Assemblée des représentants du peuple et ses membres, et en s’octroyant le droit de gouverner par décret, récupérant de facto le pouvoir législatif.

Les Tunisiens divisés 

Pour tenter une sortie de crise, le président tunisien a nommé le 29 septembre de la même année une femme à la tête du gouvernement. Il s’agit de Najla Bouden, 65 ans. Puis, en décembre 2021, Kaïs Saïed a annoncé la tenue d’un référendum constitutionnel avant de dissoudre officiellement le Parlement fin mars 2022 après, soit après huit mois de suspension.

Quelques mois plus tard, le berceau du Printemps arabe est entré dans une nouvelle ère avec l’adoption de la nouvelle Constitution avec plus de 94% de «oui», le 27 juillet 2022. Cependant, uniquement 2,75 millions d’électeurs avaient participé au vote, la participation s’étant élevée à seulement 30,5% des inscrits.

Cette faible participation s'expliquait notamment par l’appel au boycott du parti islamo-conservateur Ennahdha et de la coalition d’opposants Front du salut national (FSN). Ces derniers fustigeaient le projet de Constitution donnant le plein-pouvoir à Kaïs Saïed.

«Les Tunisiens ont voté contre Ennahdha, pas pour le projet de Constitution», avait réagi Néji Jelloul, membre du FSN, relayé par le média tunisien Kapitalis. «Le gouffre s’est creusé entre les Tunisiens après le référendum, et le peuple est sorti divisé», avait-il ajouté.

Des arrestations «à la carte»

Depuis février 2023, sous l’ordre du président tunisien, les forces de l’ordre ont procédé à l’arrestation d’une vingtaine d’opposants et de personnalités des milieux des affaires et des médias, qualifiés de «terroristes» par Kaïs Saïed, dans le cadre d’une enquête pour «complot contre la sûreté de l’État».

Ces emprisonnements «reflètent une crise politique étouffante en Tunisie» mais les autorités «ne peuvent pas faire taire les voix libres», a dénoncé Imed  Khemiri, porte-parole d’Ennahdha et également membre du Front de Salut national (FSN), principale coalition de l'opposition.

Dans la nuit de jeudi 13 à vendredi 14 juillet, deux opposants ont été remis en liberté. «On est entrés, on est sortis. On ne sait pas pourquoi nous sommes entrés (en prison, ndlr) ni pourquoi nous sommes sortis. Voilà ! Tout simplement», a déclaré Lazhar Akremi, ancien ministre libéré.

À l’appel du FSN, une manifestation a lieu, ce mardi 25 juillet 2023, à Tunis demandant la libération des autres prisonniers.

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