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«Risque de 3e guerre mondiale» : quelle pourrait être la puissance d'une «armée européenne» ?

Au total, les effectifs cumulés des armées européennes comptaient environ 1,7 million de soldats en 2020, pour un budget d’environ 215 millards d’euros, ce qui correspond à un peu plus d’1,3% du PIB de l’UE. [PATRICK HERTZOG / AFP]

Alors que Donald Trump, qui pourrait accéder une nouvelle fois au pouvoir, menace de retirer les Etats-Unis de l’OTAN, et que Vladimir Poutine agite le spectre d'une 3e guerre mondiale, que vaudrait une «armée européenne» et serait-elle capable de rivaliser face aux grandes puissances mondiales ?

Une défense à reconstruire. En désaccord idéologique avec les positions européennes concernant la Chine, la guerre en Ukraine, ou encore le conflit entre Israël et le Hamas, les États-Unis envisagent concrètement une sortie de l'OTAN en cas de réélection de Donald Trump.

Le cas échéant, l'Union européenne devrait se préparer à réorganiser sa défense, notamment face aux menaces de plus en plus palpables de 3e guerre mondiale, brandies par Vladimir Poutine.

Les 27 États pourraient ainsi accélérer le processus de création d'une armée de défense commune pouvant rivaliser avec les plus grandes forces militaires mondiales. Le point sur ce que pourrait être la puissance de cette potentielle armée européenne. 

1,7 million de soldats et 215 milliards de budget 

En termes d'effectifs, la France compte l'armée la plus importante de l'Union européenne avec 205.000 militaires actifs (sur une population d'un peu moins de 68 millions d'habitants), auxquels s'ajoutent 35.000 réservistes. Au second rang, les forces armées allemandes comptent 184.000 militaires actifs (sur une population de 83,2 millions d’habitants) et peuvent également s'appuyer sur 15.000 réservistes. Troisième puissance militaire de l'Union, l'Italie enregistre quant à elle 170.000 soldats (sur une population d'un peu plus de 59 millions d'habitants) et 20.000 réservistes. Parmi les États membres de l'UE qui jouissent d'effectifs militaires supérieurs à 100.000 soldats se trouvent aussi la Grèce (130.000), l'Espagne et la Pologne (120.000 chacune).

Hormis les exemples cités ci-dessus, les armées européennes comptent en moyenne de faibles effectifs militaires, en comparaison à d’autres grandes puissances à travers le monde. Cela va souvent de pair avec des dépenses de défense réduites de la part des États. C’est notamment le cas de l’Autriche, qui ne consacre que 0,8% de son PIB à la défense ou encore de l’Irlande, où les dépenses militaires ne représentent que 0,2% de son PIB. Ces chiffres s’accompagnent d’armées peu fournies : 23.000 personnels actifs pour Vienne et 8.700 seulement pour Dublin.

Parmi les armées dont les effectifs sont les plus faibles figurent également les pays ayant la population la moins importante. Ainsi, Chypre et Malte comptent respectivement 12.000 et 2.000 militaires actifs. De même pour les pays baltes : 4.000 pour l’Estonie, 6.500 pour la Lettonie et 16.000 pour la Lituanie. Enfin, plusieurs Etats membres de l’Union possèdent une armée qui oscille entre 25.000 et 35.000 soldats. C’est le cas des Pays-Bas (35.000), du Portugal (27.000), de la Bulgarie (25.000), ou encore de la Belgique et de la République tchèque (26.000 chacune). La Roumanie, 47e armée mondiale d’après le classement du site Global Firepower, est un cas à part puisqu'elle compte tout de même 67.000 militaires et 50.000 réservistes.

Au total, les effectifs cumulés des armées européennes comptaient environ 1,7 million de soldats en 2020, pour un budget d’environ 215 milliards d’euros, ce qui correspond à un peu plus d’1,3% du PIB de l’Union européenne, pour une population d’environ 450 millions d’habitants. Mais la puissance militaire d’un État ou d'un groupe d'États ne se mesure pas uniquement au nombre de ses effectifs humains. Ainsi, la puissance stratégique repose sur trois critères principaux : l’économie (qui s’appuie également sur la démographie et la géographie du pays), la technologie (l’innovation et la performance) et les moyens militaires. 

D’autres critères fondamentaux entrent également en jeu, tels que la détention de l’arme nucléaire, la capacité de projection des forces armées, ou encore la possibilité de mener des opérations extérieures. Au sein de l’Union européenne, c’est la France qui possède l’armée la plus puissante, selon le site Global Firepower. Le classement la situe à la 9e place mondiale. L’Italie est juste derrière à la 10e place, et l’Allemagne est pour sa part située à la 25e place. Après la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne en 2020, la France demeure le seul État membre à jouir de la dissuasion nucléaire. Aujourd’hui, le pays dispose de près de 300 ogives nucléaires. Bien loin derrière la Chine, les États-Unis ou la Russie. 

Les États-Unis, la Chine et la Russie toujours plus puissants

À titre de comparaison, l’armée américaine comptait près d’1,3 million de militaires actifs en 2022, soit le 2e ou 3e plus grand effectif militaire au monde, derrière la Chine et quasiment à égalité avec l’Inde. Le département de la Défense des États-Unis emploie également près de 800.000 civils dont 13.000 étrangers. Les États-Unis disposent d’un budget militaire d’environ 886 milliards de dollars en 2024, soit environ 3,5% de son PIB. Un chiffre en hausse de 3% par rapport à l’année précédente, et qui représente 39% du budget mondial de défense de tous les pays du globe réunis. Il s’agit également de la première force de frappe et de déploiement dans le monde, ainsi que de la seconde puissance nucléaire avec plus de 3.700 ogives. Selon tous les classements internationaux, il s’agit, de loin, de l’armée la plus puissante du monde. 

Du côté de la Chine, l’armée populaire est également très puissante. Avec plus de 2 millions de soldats actifs, pour une population qui dépasse 1,4 milliard d'habitants, la Chine possède le plus grand effectif militaire au monde. Le pays a annoncé, mardi 5 mars, un budget militaire en hausse de 7,2% pour 2024, pour atteindre 1.665 milliards de yuans (231,4 milliards de dollars), ce qui reste néanmoins plus de trois fois inférieur au budget des États-Unis dans ce domaine. Le pays consacre ainsi 1,6% de son PIB à son armée, soit bien moins que les États-Unis (3,5%) ou la Russie (4,1%), mais plus que l'Union européenne (1,3%), selon l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI). Selon le SIPRI, Pékin comptait aussi 410 têtes nucléaires en 2023 (+60 en un an), loin derrière Washington (3.708) et Moscou (4.489).

Enfin, compte tenu de l'actualité, la puissance de la Russie est également intéressante à comparer avec celle de l’Union européenne. Selon les classements internationaux, le pays dispose de 831.000 soldats actifs, pour une population totale de plus de 145 millions d'habitants, épaulés par de nombreux réservistes et hommes réquisitionnés pour la guerre en Ukraine. Trois branches principales la composent : les forces terrestres, les forces aérospatiales et la marine. Selon un document du ministère des Finances russe, les dépenses de défense vont augmenter de 68% en 2024 par rapport à 2023 et atteindre 10.800 milliards de roubles (environ 106 milliards d'euros). La Russie demeure également la première puissance nucléaire mondiale avec près de 4.500 ogives, et surtout avec la plus puissante bombe nucléaire jamais construite

Une défense européenne à reconstruire 

Si l'Alliance atlantique et son organisation militaire intégrée, l'OTAN, auxquelles appartiennent 23 des États membres de l'UE, demeurent le cadre de défense commune le plus structurant en Europe, le départ potentiel des États-Unis, premier contributeur de l'alliance, pourrait changer la donne. En effet, même si ce départ n'entraînerait pas une dissolution du traité, du moins pas dans l'immédiat, l'Union européenne devrait toutefois se renforcer à tous les niveaux, tant en termes d’armement qu’en termes de budget, si elle souhaite assurer sa sécurité et rivaliser avec les grandes puissances mondiales. À cet égard, les Européens et plus particulièrement la France ont acté l’objectif de rehausser les budgets de défense à 2% du PIB

Sur la période 1995-2021, les dépenses militaires des 27 pays de l'UE ont progressé en moyenne de 0,9% par an, mais l’effort de défense européen (dépenses en % du PIB) a reculé de 0,4 point de PIB. En 2021, l’effort de défense européen était d'environ 1,3% du PIB et la part des dépenses militaires dans le total des dépenses publiques était de 2,5%. Entre 2020 et 2021, les dépenses publiques de défense ont progressé dans 16 pays, principalement en Slovénie (21,9%), en Grèce (17,5%) et en Bulgarie (16,0%) mais ont régressé dans 10 pays, en particulier au Luxembourg (-36,3%), en Lituanie (-14,2%) et en Roumanie (-13,0%). Toujours en 2021, la part des dépenses publiques de défense de la France représentait presque le quart (24,2%) du total des dépenses militaires de l’UE. Et pourtant, sur 1.000 euros de dépenses publiques en France, seuls 30 euros sont consacrés à financer la Défense. 

La France en exemple européen

Face aux événements récents et à l'urgence de la situation, Emmanuel Macron a annoncé une hausse des dépenses de 100 milliards d'euros comprise dans la nouvelle loi de programmation militaire (LPM) allant de 2024 à 2030. A l'issue de discussions ardues avec l'Etat-major des armées, le président a acté un budget de 400 à 413 milliards d'euros de dépenses militaires sur sept ans. Globalement, le budget moyen des armées devrait donc s'élever au minimum à 57 milliards d'euros par an, soit un effort très important - l'équivalent d'un tiers en plus. En comparaison, le budget s'élevait à 43,9 milliards en 2023 contre 32,7 milliards en 2017.

Par ailleurs, les grands programmes engagés ont tous été confirmés : la modernisation de la dissuasion nucléaire, la conversion de l'armée de l'air au «tout Rafale», la rénovation des blindés de l'armée de terre (programme Scorpion), ainsi le porte-avions de nouvelle génération pour remplacer le Charles-de-Gaulle. Le président a également confirmé le doublement de la réserve (40.000 soldats actuellement) ainsi que le doublement du budget de la direction du renseignement militaire (DRM) et de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD).

Une initiative nationale qui devra être suivie par tous les membres de l’Union européenne afin d’obtenir une véritable armée européenne puissante et capable de rivaliser avec les grandes puissances mondiales. À noter que le Canada et la Turquie, qui disposent de moyens militaires conséquents, font toujours partie de l’OTAN et que la potentielle décision de sortie des États-Unis n’entraînerait pas forcément le départ de ces deux pays. Ainsi, la défense européenne pourrait continuer à s’articuler autour de l’OTAN afin d’assurer la sécurité de la zone. 

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