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Meurtre de Marie Trintignant : retour sur un féminicide qui ne disait pas encore son nom il y a vingt ans

Après le meurtre de l'actrice en 2003, la presse avait largement relayé le discours de Bertrand Cantat qui minimisait les faits. [ALAIN JOCARD / AFP]

Il y a vingt ans ans, à Vilnius en Lituanie, Bertrand Cantat, chanteur du groupe Noir Désir, commettait l'irréparable en frappant à mort sa compagne Marie Trintignant. Décrit à l'époque comme un «crime passionnel», le meurtre de l'actrice est à présent considéré comme un féminicide.

Marie Trintignant est morte le 1er août 2003, six jours après avoir été frappée par son compagnon Bertrand Cantat, en marge d'un tournage en Lituanie. D'un «accident» et «folie» amoureuse selon le leader du groupe Noir Désir, à un «homicide» pour la justice. Voici le récit d'un féminicide qui ne portait pas encore son nom. 

Dans la nuit du 26 au 27 juillet 2003, le couple est rentré vers 23h30 à leur hôtel de Vilnius, avant qu'une dispute n'éclate. Les insultes ont fusé, le couple a commencé à se battre. Au petit matin, vers 5h30, le chanteur a demandé au frère de Marie Trintignant de venir. «Il m'a dit (...) qu'il s'était disputé avec Marie, qu'il l'avait bousculée et qu'il lui avait mis une gifle, qu'elle allait peut-être avoir un oeil au beurre noir», racontera Vincent Trintignant au tribunal. 

Longtemps, ce dernier a écouté le «monologue» de Bertrand Cantat. «Au bout d'un moment, je me suis posé des questions. Je suis retourné dans la chambre de Marie, quitte à la réveiller», a-t-il confié. Il a soulevé la serviette sur le visage de sa sœur : «C'était loin d'être un simple cocard».

A sa demande, la veilleuse de nuit a appelé les secours à 7h16, des heures après les coups. L'actrice de 41 ans est opérée pour juguler une hémorragie cérébrale. Bertrand Cantat, qui a ingéré des antidépresseurs, est hospitalisé. «Quasiment dans le coma», la police n'a pas pu l'interroger. 

«Pas une chute»

Le lendemain, la police lituanienne qui a ouvert une enquête, a affirmé que, lors d'une violente dispute, le chanteur sous l'effet de médicaments et de l'alcool, aurait frappé et poussé l'actrice qui, se cognant la tête, est tombée dans le coma. 

L'actrice a subi le 29 juillet une seconde opération. «Médicalement, il n'y a plus rien à faire. (...) Malheureusement, on est arrivés beaucoup trop tard», affirmait à l'époque le neurochirurgien Stéphane Delajoux. Bertrand Cantat est placé en garde à vue.

Les Trintignant ont porté plainte à Paris. Au creux de l'été, l'affaire présentée comme un crime passionnel, a connu un retentissement médiatique énorme. Le parquet a ouvert une information judiciaire pour «coups volontaires» et «non assistance à personne en danger».

Une reconstitution des faits a eu lieu avec Bertrand Cantat. L'avocat des Trintignant, Me Georges Kiejman, a exclu l'hypothèse d'une chute : «son visage est trop tuméfié». 

«Un accident, pas un crime»

Marie Trintignant est rapatriée à Paris le 31 juillet. «Cela fait à peu près deux jours que son cerveau est mort cliniquement», a déclaré le Dr Delajoux.

A Vilnius, Bertrand Cantat est interrogé. «C'est un accident après une lutte, une folie, mais ce n'est pas un crime». Son avocat a évoqué un «accident des deux côtés, une tragédie, un conflit humain entre deux personnes, deux artistes à fort tempérament». Il a réclamé la libération de son client. 

«Il est essentiel que les enfants de Marie sachent que quelqu'un qui a tué leur mère est en prison», a rétorqué Nadine Trintignant, la mère de la comédienne, évoquant d'autres femmes battues par Bertrand Cantat.

Le chanteur a réfuté et demandé son extradition. Il est écroué. Dans la soirée, le neurochirurgien parla d'un «encéphalogramme plat». Il n'y avait «plus aucun espoir.» 

«Homicide volontaire»

Le lendemain, l'actrice est décédée à 10h20 d'un œdème cérébral. Le 13 août, l'autopsie a conclu que l'actrice avait reçu 19 coups, la majorité à la tête et au visage. Une seconde expertise a confirmé les coups mortels.

La famille comme l'accusé ont souhaité un procès en France. Le 7 août, la justice lituanienne a exclu l'extradition du prisonnier avant un procès à Vilnius pour «homicide volontaire». 

Le 21 août, le chanteur est aussi mis en examen par un juge français à Vilnius pour «violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner» et «non assistance à personne en danger». «Pris de furie, j'ai donné de fortes baffes à Marie», a-t-il admis.

Quatre ans et demi

A l'ouverture de son procès le 16 mars 2004, Bertrand Cantat a reconnu «deux allers-retours» et a imploré le pardon. La défense a renoncé à plaider le «crime passionnel», alors moins sévèrement puni en Lituanie. 

Il est condamné à huit ans de prison le 29 mars. «Sa culpabilité est incontestable» mais il «n'a pas voulu les conséquences» de ses actes, ont estimé les juges.   

Il est transféré dans une prison près de Toulouse, le 28 septembre. 

Après quatre ans et demi de détention, le chanteur a obtenu sa libération conditionnelle le 16 octobre 2007. Nadine Trintignant a dénoncé «un signal négatif» envoyé à l'opinion en matière de violences faites aux femmes. 

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